Les Tro-Is de Bretagne
Le récit d’Is ne repose sur aucune tradition probante d’urbanisme maritime, aucune preuve archéologique, aucune hypothèse, géologique ou géographique. Mais fable tragique, amplifiée et rapiécée au fil des siècles, caractérisée sans fondement ou réalité historique ou récit parfaitement exacte dans ces moindres détails, pourquoi vouloir chercher une raison, une éthique, un point de départ, une datation, un lieu de submersion précis puisqu’il s’agit d’un mythe ?!?
Ainsi, après un commentaire relativement critique et prudent, un auteur, Homualk de Lille, nous propose une version inusitée, une amorce entre deux peuples et deux religions ; mais qui, baragouin ésotéro-hermétique, ne déborde guère des abers de cette histoire inique, – comme elle se raconte aux communs du peuple –d’une Is qui se prend pour une Atlantis, une Venise, et de ce père qui, pour garder la vie sauve, aurait lâchement abandonné aux flots sa fille bien-aimée sous les ordres d’un saint.
Dans cette transcription présentée par l’auteur, l'on peut percevoir en réalité, par-delà les traces des anciennes religions, une histoire d’amour entre Gradlon et Malgven, cette femme du nord emblématique, une païenne (?). Rejetée par l'entourage familial et religieux de Gradlon, résumant en fiction et friction « de cap et de lame », le rapport conflictuel et la lutte épique des Brittons de l'époque contre l'envahisseur anglo-saxon et peut-être aussi les problèmes inhérents d’héritage au trône et de filiation.
Malgven qui aurait probablement appointé un de ces hommes des peuples de la mer du Nord, – ou prince de la nuit et des enfers – conquérant envahisseur pour pactiser et reprendre, par le charme ou les armes, Ahès le fruit interdit de leur impossible amour. Ce qui causera la perte de la ville d'Is.
Une belle et fabuleuse, mais naïve histoire au goût amer/salé, de naufrageurs et de pilleurs des mers et qui finit bien en somme car la Morgane-Ahès se métamorphosera dans la mémoire en douce et libre sirène, fille du vent et de la mer.
LA VILLE D'YS REINE DES MERS
CITE MAUDITE ENGLOUTIE
Par Charles Homualk de Lille – Breizh Izel – La Bretagne profonde. Editions de l'Etrave. 1993.
Est-ce face à l'île mystérieuse de Sein ou bien dans la Baie de Douarnenez, où mène une voie romaine vers un lieu aujourd'hui sous les flots que se situait la ville légendaire d'Ys (écrit également Is) ? Quittant la Pointe-du-Raz (Beg-ar-Raz), un vallonnement longe la baie des trépassés (Bae-an-Anaon), ainsi nommée parce que les courants amènent dans les vagues qui viennent y mourir toutes les épaves, tous les débris, tout ce que l'océan aura brisé, déchiré dans ses étreintes cruelles ; maints et maints ossements auront du s'y ajouter aux temps passés quand la navigation était aléatoire et sujette à de fréquents naufrages en ces parages. A droite nous voyons l'étang de Lawal qui recouvrait une ville que d'aucuns prétendent être « Ys ».
Mais, que signifie « Is, Ys, ou Yz » ? où l'on croit voir une parenté avec « Ahès, Alc'huez » (la Clé), surnom de la princesse Dahut de la légende.
La désignation « IS » pourrait tout aussi bien un terme générique désignant tout village englouti par cataclysme marin. (En mer, devant la presqu'île de Rhuys, dans le Morbihan, on situe également la ville d'Ys ; il yen aurait trois en Bretagne).
Qu'importe le lieu réel de la submersion d'Ys ?
En voici la légende :
Dahut est l'unique fille de Gradlon, roy de Cornouaille. Il l'avait eue d'une splendide et sauvage femme du nord, nommée Malgven. Dahut ressemble à sa mère, elle est blonde, fougueuse et n'a qu'un seul amour : l'océan. Elle se roule voluptueusement dans ses vagues transparentes. Gradlon est un homme rude, farouche, chrétien de fraîche date. Sa fille est l'ardente défenderesse du culte de la mer. La ville d'Ys que Gradlon fera construire pour sa fille adorée sera une cité d'opulence qui s'enrichira des riches vaisseaux que les habitants aident à venir se briser. Hors l'occupation du pillage, ils se livrent à toutes les orgies orchestrées par Dahut qui mène le branle de l'infamie et du stupre.
Le port a été construit plus bas que le niveau de la Haute-mer ; des écluses permettent aux flots d'entrer ou d'en sortir. Dahut porte toujours au cou ou à la ceinture la clé des portes marines ; ce qui lui fera donner le surnom d'Ahès. Elle règle à volonté les mouvements d'eau dans le port.
Dans son palais de débauche, elle épuise chaque nuit de nouveaux amants qu'elle fait ensuite étrangler et jeter à l'aurore dans les gouffres marins, en sacrifice et offrande aux dieux des flots.
Une nuit, elle reçoit un nouvel amant, un prince à l'allure étrange, sombre, terrifiant et fascinant. C'est un prince des enfers qui lui enseignera dans le mal tout ce qu'elle n'aurait su imaginer. Au cours de leur union infernale, Dahut-Ahès, dans une frénésie amoureuse démentielle lui livrera les clés de la cité.
Le prince, dans un rire démoniaque ouvrira les portes à la mer en furie. Ys, la reine des mers sera engloutie, Ahès se convulse, la chevelure mêlée aux algues.
L'océan l'étreindra dans la mort. Gradlon, averti par Saint Gwénolé, du courroux de Dieu frappant la ville maudite fuit sur son coursier noir le flot impétueux, quand il verra soudainement sa chère enfant roulée dans la vague. Il voudra la saisir, alors que touchée par la crosse du saint, elle sombrera à jamais dans la mer. Elle deviendra pour les Bretons la sirène, « ar Morganez », cruelle et enjôleuse à l'image de la mer… Et le roy Gradlon, dans une infinie tristesse contemplera les eaux océaniques victorieuses se refermer à jamais sur « la reine des mers », tombeau de son enfant.
Le Cartulaire de Landevennec (Lieu où Gradlon se retirera et mourra vers l'an 510) le désigne comme « gratia dei rex britonnum » - Roy des Bretons par la grâce de Dieu - de l'Aquilona romaine (Quimper).
Gradlon sera le mécène de trois saints : Guénolé, Ronan, Corentin.
Charles Homualk de Lille.
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