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MessagePosté: Lun 18 Oct, 2004 20:37
de Muskull
Je suis d'accord avec toi sur la "riche" illustration de Bran Ruz, beaucoup plus disante et conteuse sur le mythe que bien des essais plus
récents.

Et comme tu le dis si bien, kamerad, travaillons au réenchantement, à la richesse et à la profondeur... :wink:

MessagePosté: Jeu 21 Oct, 2004 14:39
de Taliesin
Bonjour à tous !

A propos de la transgression dunkerquienne, il semblerait qu’il y ait eu plusieurs « vagues » :

« Ainsi, du début du néolithique à l’aurore de l’âge du bronze final vers l’an mille avant notre ère, le niveau marin a-t-il monté assez régulièrement de -9m jusqu’à son niveau actuel, pour redescendre ensuite au premier millénaire avant Jésus-Christ jusqu’à -2m par rapport au 0 des cartes contemporaines. Il remontera par la suite de façon progressive et irrégulière, avec des oscillations bien marquées comme au cours du 4ème siècle où il semble s’être produit un envahissement assez brutal de la mer (nota : transgression dunkerquienne II). Jusqu’en 750 environ le climat demeure en moyenne plus frais qu’en notre siècle et le niveau des eaux marines inférieur ; après cette date et jusqu’au début de 13ème siècle survient un réchauffement qui entraîne une nouvelle transgression marine dite dunkerquienne (nota : trangression dunkerquienne III). L’aspect du littoral en est bouleversé en plusieurs points, spécialement sur la côte nord de la Bretagne. » Les bretons de Nominoë – JC Cassard – pp. 104-105

L’auteur donne comme exemples de cette transgression lente (8ème au 13ème siècle) la submersion la forêt de Scissy, dans la région de Dol, la forêt de Kervilzic en Loctudy, ainsi que le golfe du Morbihan (menhir marin d’Er Lannick), Batz et la Grande Brière.

Ceci expliquerait peut-être pourquoi le mythe de submersion a été réactualisé si tardivement dans la ville d'Is (aucune trace dans la vie de Saint-Gwenolé, 1er texte mentionnant Kêr-Is par Pierre Le Baud : fin du 15ème siècle), et pourquoi il est aussi fort en Trégor, côte nord de la Bretagne (mais peut-être est-ce simplement du à un collectage plus important en Trégor qu'ailleurs, qu'en est-il en pays vannetais ou en Léon ? Y a t-on collecté des légendes de submersions ?)

Enfin, il peut y avoir une autre explication au fait que cette légende démarre vraiment sous sa forme écrite au 16ème et au 17ème siècle : c'est aussi le début des missions jésuites conduites par Michaël le Nobletz, puis par le Père Maunoir : le peuple breton, et principalement les Cornouaillais, avait besoin d'être évangélisé à nouveau tant il retombait dans le paganisme le plus obscur. Or, Michaël le Nobletz passa 25 ans à Douarnenez, à partir de 1617, et sa façon de prêcher devait ressembler à celle de Gwenolé au point qu'il fut surnommé "ar belek foll", le prêtre fou. Par contre, le texte en breton "mister coz sant Gwenolé" semble être antérieur aux textes français, car "la langue est du 15ème siècle, ce qui montre que ces manuscrits étaient eux-mêmes recopiés d'originaux plus anciens." Léon Fleuriot - récits et poèmes celtiques - p. 235

L'épisode de la ville d'Is aurait donc été mis par écrit tardivement (15ème siècle au plus tôt) à partir d'une tradition orale plus ancienne liée aux mythes de submersion et revitalisée par les transgressions dunkerquiennes, tradition bien attestée en Trégor, sans connotation religieuse (absence du saint). Cette légende (version St Gwénolé et Gradlon à Douarnenez) a peut-être été développée et diffusée à des fins d'édification religieuse lors des missions jésuites pour ramener à la foi les brebis de Cornouailles égarées par leurs antiques croyances. Sinon, comment expliquer que cette ville d'Is soit absente de la "vie de Saint-Gwenolé" rédigée au 9ème siècle par Wrdisten ?

Autre question, sur un plan linguistique : "Cantre' r Gwaelod" correspond-il exactement à "kêr-Is". Guyonvarc'h donne pour traduction du gallois : "le cantrev du bas-fond", mais le terme "cantrev" correspond-il au breton "kêr" ?

MessagePosté: Jeu 21 Oct, 2004 19:57
de mikhail
Un cantrev est une subdivision territoriale de l'ancien Pays de Galles avant la conquête par les Anglo-Normands ; la base linguistique est 'cant' c'est à dire en français 'cent'. Mais je ne sais pas c'est 100 familles, 100 villages ou autre chose.

Après recherches plus approfondies, j'ai trouvé à ;
http://www.nordic-life.org/nmh/pwyll.html
cette note :
Cantrev, mot à mot, cent habitations ou villas : Giraldus Cambrensis, Cambriae Descript., c. 4 : « Cantredus autem, id est cantrev, a cant quod centum, et tref, villa : composito vocabulo tam britannica quam hibernica l ingua dicitur tanta terrae portio, quanta centum villas continere potest. » Le cantrev se subdivisait en cymmwd Au XIIème siècle, Gwynedd ou le Nord-Galles comprenait 12 cantrevs, Powys 6, le sud du pays de Galles 29, parmi lesquels les 7 de Dyved (Girald. Cambr., Itiner., 1, 12). Sur l'étendue primitive du cantrev, v. Ancien Laws, I, p. 185-186 ; sur des traces certaines de cette division en Armorique, v. J. Loth, l'Émigration bretonne en Armorique, p. 228. Paris, Picard, 1883. Le Cymmod est devenu généralement le manor et le cantrev la Hundred.

mikhail

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 11:46
de Taliesin
Demat dit Mikhail !
ha mersi bras evit da respont !

J'ai aussi trouvé des infos coté breton :

"les noms en Tré- sont issus du terme brittonique "treb" qui se maintint en Cornwall sous la forme "trev" et surtout au pays de Galles où "tref" peut s'appliquer à la plupart des établissements humains, quelle qu'en soit la taille. Il a donc un sens plus social que religieux; c'est ainsi qu'il fut également utilisé en Bretagne où "treb" désignait une agglomération de taille et de fonction très variables. Ce pouvait être un simple hameau entouré de son terroir agricole qui portait aussi le nom de treb. (....) il semble que l'on ait cessé plus tôt à l'ouest qu'à l'est de créer ce genre de toponymes. D'ailleurs, on ne connaît de "nouvelle treb" ou Trénevez qu'en Haute-Bretagne. Dans les autres régions, on cessa bientôt d'employer ce terme dans le langage courant pour désigner un établissement humain : vers le 10ème siècle, il fut délaissé au profit de Ker- et les noms en Tré- ne furent plus que des noms propres utilisées comme tels." La Bretagne des saints et des rois - pp. 100-101

Donc, le mot "kêr" correspond à "tref" mais à un seul, pas à cent ! De plus, si un village avait été submergé au 4ème ou 5ème siècle, son nom aurait commencé par Tré-, pas par Ker-, ou, si le village avait été renommé, la tradition aurait sans doute gardé souvenir du nom primitif. Le nom de Kêr-Is serait alors une création littéraire postérieure au 10ème siècle ?

Pour "gwaelod", cela correspond au breton "goueled", qui indique soit la partie ouest d'un pays ou d'une paroisse, soit, lorsque qu'il est rattaché au nom d'un village, le fait que ce village se trouve dans une dépression de terrain. "Izel" a pour correspondant gallois : "isel" et pas "gwaelod". La question est : y a t-il une nuance entre "izel" et "goueled" en toponymie, ou les deux termes sont-ils équivalents ? "izel" est-il employé souvent accolé à un village ? J'ai déjà vu "goueled" et "izelañ", mais pas "izel" ni "is".

Marteze emaon o spazhañ laou, mes bon....

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 12:19
de Pierre
TALIESIN a écrit:J'ai aussi trouvé des infos coté breton :
"les noms en Tré- sont issus du terme brittonique "treb"


Je dirais plutôt celtique, faut bien caser les Atrébates :wink:



@+Pierre

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 13:37
de mikhail
Taliesin,

Je ne peux pas répondre à l'ensemble de tes interrogations, mais :
- ker vient du latin castrum par l'intermédiaire 'caer', plus nettement attesté en gallois ;
- les noms en tré- (trev, tref) sont assez fréquents en Bretagne, j'ai même habité Trévignon en Trégunc ! (pour les non-bretons : c'est entre Concarneau et Pont Aven). Une trève était en principe une partition d'un "plou-" c'est à dire d'une paroisse. Ce nom est donc postérieur à la christianisation de la Bretagne, Ve, VIe siècles.

mikhail

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 14:59
de Muskull
Les Atrébates (Les maîtres du sol), c'est Jacques Lacroix qui l'a écrit et Pierre qui l'a rapporté. :wink:

Des fois c'est bien de rapporter. :lol:

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 15:23
de Pierre
Demat Muskull,


Kruta aussi :wink:

Mot à mot cela donne "ceux qui ont leur propre habitat"

Comme ça c'est plus clair :lol:



@+Pierre in pago atrebensis

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 16:26
de Marc'heg an Avel
J'ai donné quant à moi ma vision de ce nom : il se rattache au thème de la Force, symbolique des Belges.

Car, comment peut-on affirmer qu'on est "Maître chez soi" quand on n'a pas la force de prendre ce chez soi et de le garder ?

Les Atrebates de G. Bretagne se trouvent précisément dans la partie 'belge' de l'Île de Bretagne celtique.

JCE :)

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 16:58
de Taliesin
A noter qu'une partie des Atrébates s'installa dans l'île de Bretagne au 2ème siècle av. JC. Il y eut donc un royaume Atrébate des deux cotés de la Manche. (oups, je viens juste de lire le message de Jean-Claude, je fais un peu doublon avec lui, apparemment)

pour l'étymologie de "kêr", Albert Deshayes donne comme origine le brittonique *kagro- . L'emprunt au latin "castrum" doit dater de la conquête de la Gaule ou plus probablement de l'arrivée des romains dans l'île de Bretagne, le terme celtique correspondant au "castrum" latin étant "dunum", je crois. On trouve les deux termes au pays de Galles : caer et dinas (et en Bretagne aussi : Dinan, Dinard).
En Bretagne armorique, "caer" est à l'origine l'équivalent du "castrum" romain, mais il prend ensuite le sens de "lieu habité". Dans ce sens, en tout cas, il est postérieur à "trev" (lui-même postérieur à plou-, nous sommes d'accord, autant pour moi).
Et il y a aussi Tréboul, à coté de....Douarnenez.

Donc, si une kêr-Is a été submergée au 4ème siècle (transgression dunkerquienne II), c'était un camp fortifié (ce qui parait logique, l'occupation bretonne en Armorique étant surtout militaire à cette époque). Sinon, ce n'est pas avant le 10ème siècle.

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 17:13
de Marc'heg an Avel
Pour ènième rappel : le toponyme Trouguer, situé sur le flanc sud de la Pointe du Van, au-dessus de la Baie des Trépassés, a été arasé par le paysan propriétaire des lieux au milieu du XIXè siècle.

Que signifie donc Trouguer ?

JCE :)

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 18:49
de Taliesin
"Au sud de la pointe du Van, entre la crete etr le ruisseau qui débouche dans la Baie des Trépassés, se trouve le toponyme TROUGUER = le 'bas du village', ou le 'village du bas', qui n'est qu'un ancien camp romain arasé vers 1850." dixit JC e-unan.

Concernant la localisation possible de Kêr-Is dans la baie des Trépassés, voici un autre extrait de l'étude de Yann-Ber Piriou :

"une très ancienne Gwerz ar ger-a-Is était connue à Cléden et à Plogoff jusqu'au milieu du 19ème siècle. H. Le Carguet en a recueilli quelques bribes qui lui permettent d'évoquer la cité engloutie à propos de la Pointe du Raz et l'Ile de Sein car,

Eno e oa, gad he dek dor
Hac eun alfe aour d'ho digor

Er verven d'an Enez
E oa palez ar Brinsez

Seiz mantel skarlat a tri-ugent, heb niveri ar re al
a teue, oud ar Ger-a-Is, bep sul, d'an oferen da Laoual


c'est-à-dire :

Elle était là avec ses dix écluses
Et une clef d'or pour les ouvrir

Au sud-ouest de l'île
Etait le palais de la princesse

Soixante-sept manteaux d'écarlate, sans compter les autres,
Venaient de la ville d'Is, chaque dimanche, à la messe à Laoual.

Dans ses Proverbes et dictons de la Basse-Bretagne, L.F. Sauvé donne la variante suivante :

Seiz mantel skarlek ha triugent, hep henvel ar re-all,
a zeue euz ar ger a Is d'ann offerenn da Lauval


Soixante-sept manteaux d'écarlate, sans parler des autres,
Allaient de la ville d'Is à la messe à Lauval

cependant que, p. 165, une note précise :
"dans une prairie voisine du village de Lauval, situé au sud de la baie des Trépassés, se trouvent des substructions que les gens du pays prétendent être les ruines d'une chapelle qui aurait été une dépendance d'Is.""

Trouguer ne doit pas être très loin de Lauval, non ?

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 21:46
de Pierre
Bonsoir Jean-Claude,

J'ai donné quant à moi ma vision de ce nom : il se rattache au thème de la Force, symbolique des Belges.


c-a-d. ?

Car, comment peut-on affirmer qu'on est "Maître chez soi" quand on n'a pas la force de prendre ce chez soi et de le garder ?


Expliques le à Patricia (in pago atrebensis), et reviens nous sans auréole :wink:


@+Pierre

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 22:45
de Marc'heg an Avel
Pierre a écrit:Bonsoir Jean-Claude,

J'ai donné quant à moi ma vision de ce nom : il se rattache au thème de la Force, symbolique des Belges.


c-a-d. ?

Car, comment peut-on affirmer qu'on est "Maître chez soi" quand on n'a pas la force de prendre ce chez soi et de le garder ?


Expliques le à Patricia (in pago atrebensis), et reviens nous sans auréole :wink:

@+Pierre


Il y a en effet que l'on peut distinguer deux grandes sortes d'ethnonymes pour les peuples : ceux à désignation géographique (Ossismi, Ambibarii, Ambiani, etc ...), et ceux à valeur emphatique.

Il est rare que des peuples se déterminent par un nom avilissant, et celà est très compréhensible. Le cas des Ancalites en est un exemple, mais demanderait à ce qu'on pousse plus loin l'analyse.

J'ai remarqué en effet que beaucoup de peuples "belges" font référence à la force, à la guerre : Bellovaci, Catuslogi, Cantiaci, Catuvellauni, Durotriges, Trinobantes, et Belgae ( les Fulgurants, les Puissants), etc.
Il se trouve que les Atrebates ne portent pas un nom à désignation géographique, mais qu'ils se trouvent, sur le continent comme dans l'Île, au milieu de peuples "belges".

Donc, la notion de Maîtres peut aussi s'interprêter par "ceux qui ont la maîtrise", c'est à dire, en terme indirect : ceux qu'on ne peut pas soumettre ... puisque ce sont eux les Maîtres !

That is my answer ! :85: :94:

MessagePosté: Ven 22 Oct, 2004 22:54
de Patricia
Marc'heg an Avel a écrit:
Donc, la notion de Maîtres peut aussi s'interprêter par "ceux qui ont la maîtrise", c'est à dire, en terme indirect : ceux qu'on ne peut pas soumettre ... puisque ce sont eux les Maîtres !

That is my answer ! :85: :94:



Horreur, je suis démasquée. :lol:


Patricia