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MessagePosté: Ven 30 Déc, 2005 13:23
de Professeur Cornelius
Merci Taliesin de ces précisions très intéressantes. Il est frappant en particulier de voir comment les romans arthuriens se sont transmis à travers les cours d'Europe, à la faveur des mariages, échanges d'otages, ambassades, etc.

MessagePosté: Ven 30 Déc, 2005 14:04
de Taliesin
Concernant l'hypothèse : Lancelot < Ancelot < Ancel, serviteur, qui correspondrait au gallois Maël, elle a été émise au 19ème siècle par La Villemarqué et démontée aussitôt par Gaston Paris, pour les raisons suivantes :

- la citation "N'est mie de la fable Ancelot ne Tristan" est la seule occurence avec Ancelot pour Lancelot. Elle date du 15ème siècle et peut donc être le fait d'une erreur de scribe
- Ancel n'existe pas en français : le mot ne se trouve que dans un texte du 13ème siècle. Il s'agirait d'un néologisme pour donner un masculin à ancele, latin ancilla, dont le masculin n'existe pas
- pour rapprocher les noms Ancelot et Maël, La Villemarqué a identifié Lancelot à Maelwas, du fait qu'ils sont tous deux amants de Guenièvre. Il a aussi fait un rapprochement avec Maelgwn. Dans les deux cas, Mael ne signifie pas serviteur, mais "grand". Ce n'est même pas sûr que Mael puisse traduire "serviteur" en gallois.

Pour le père de Gwallawc, Rachel Bromwich donne Lleennavc, Llaennawc, Llennawc comme orthographes

MessagePosté: Ven 30 Déc, 2005 20:03
de Taliesin
Professeur Cornelius a écrit: Il est frappant en particulier de voir comment les romans arthuriens se sont transmis à travers les cours d'Europe, à la faveur des mariages, échanges d'otages, ambassades, etc.


Et encore, il s'agit là d'une transmission de l'écrit, due principalement aux Plantagenêts et à leur famille, mais la transmission orale commence environ un siècle plus tôt, par la mode des noms arthuriens portés le plus souvent par des petits seigneurs du nord-ouest de la France, qui ont tous ou presque des liens de parenté entre eux. On peut penser qu'avec le nom étaient transmis les récits correspondants.

Il est particulièrement éclairant de mettre en parallèle la diffusion de l'onomastique arthurienne dans le temps et dans l'espace avec la montée du féodalisme et l'un de ses principaux effets : la transmission du fief au fils aîné, ce qui oblige les cadets, soit à entrer dans les ordres, soit à s'exiler et à courir l'aventure, cherchant une reconnaissance sociale par le service d'armes et le mariage. Ce sont des chevaliers errants qui vont s'identifier aux héros celtiques arthuriens.
Parmi ces cadets d'aventure, on compte bon nombre de chevaliers bretons, surtout ceux de la région de Dol, qui iront prendre femme en Anjou, en Normandie, en Touraine, et qui iront chercher fortune en Angleterre avec Guillaume le Conquérant, en Italie du Sud avec Robert Guiscard, ou en Palestine lors des croisades. Leur rôle est prépondérant dans la diffusion orale des légendes arthuriennes.

MessagePosté: Mar 03 Jan, 2006 9:53
de Gwalchafed
Agraes a écrit:Enfin Gauvain/Gwalchmei dont il reprend une partie du rôle, dont l'adultère avec Guenièvre/Gwenhwyffar : cela aurait fait un neveu qui couche avec sa tante et ça serait moins bien passé qu'un personnage extérieur dans le rôle de l'amant de Guenièvre.

Il complétera si d'aventure il passe.


Houlà ça ne m'avait pas frappé à l'époque, mais dans les "nombreux" amants de Guenièvre je n'avais jamais lu Gauvain. Sais-tu où cela se trouve ?

MessagePosté: Mar 03 Jan, 2006 22:04
de Leucobena
Que de belle culture !!!
On se régale ici... :D

MessagePosté: Jeu 05 Jan, 2006 20:22
de Muskull
Houlà ça ne m'avait pas frappé à l'époque, mais dans les "nombreux" amants de Guenièvre je n'avais jamais lu Gauvain. Sais-tu où cela se trouve ?

Guenièvre est l'avatar de la Grande Reine, tous les hommes sont ses amants. :wink:
Unie à un humain elle provoque des "alléatoires" comme des guerres ou des submersions. Non encore unie elle provoque la colère des druides appellés par le "roi" pour empêcher cette union.
Limpide non ? :P

MessagePosté: Dim 08 Jan, 2006 12:38
de Agraes
Bon je m'avance un peu en territoire inconnu, mais dans un parallèle avec les Irlandais, Arthur est le roi, style Conchobair, Gwenhwyffar un peu du genre de Medb, et Gwalchmai/Gauvain est le 'héros', typé Cuchulainn.

Je crois que dans Kulwch, on dit de lui 'il était le meilleur des piétons et le meilleur des cavaliers, et ne revenait jamais d'une mission sans l'avoir mené à terme', il est aussi cité dans pas mal de triades galloises...

MessagePosté: Dim 08 Jan, 2006 18:20
de Sedullos
Taliesin a écrit:Remontage de vieux fil ! :lol:

[/i] et aucun des deux romans ne dérive de l'autre.
La façon dont l'original a été transmis à Ulrich est intéressante : cet original était en possession d'un certain Hugues de Moreville, désigné parmi les otages envoyés en Allemagne avec la rançon destinée à libérer Richard Coeur-de-Lion, retenu captif par l'empereur depuis son retour de croisade. Or, Hugues de Moreville, chevalier normand originaire du Cotentin, est l'un des assassins de Thomas Becket en 1170, et l'un de ses complices s'appelait Richard Le Bret.

On pourrait déduire de tout cela, ou tout au moins supposer que :

- le nom de Lancelot vient de Lancelin, sans lien avec un nom d'origine celtique
- ce nom étant connu très tôt des Bretons armoricains, ils l'auraient intégré dans certains récits brittoniques qu'ils partageaient avec leur compatriotes d'Outre-Manche, lui donnant la place d'un héros plus traditionnel.
- ils auraient transmis ces récits dont Lancelot est devenu le héros à leurs voisins de l'Est, Normands, Angevins et autres.


Fil et message très intéressant !

Taliesin, juste un détail,
"désigné parmi les otages envoyés en Allemagne avec la rançon destinée à libérer Richard Coeur-de-Lion, retenu captif par l'empereur depuis son retour de croisade. "
C'est le duc Léopold d'Autriche qui retenait captif Richard-Coeur-de-Lion, pas l'empereur.

MessagePosté: Dim 08 Jan, 2006 18:31
de Sedullos
Une question, si Lancelot, Lancelin sont des noms français ont-ils une relation avec le nom de la lance ?

Si oui, le français lance vient du latin lancea qui vient du celtique lancia.

MessagePosté: Dim 08 Jan, 2006 18:59
de Taliesin
Hello Sed !

En fait Léopold d'Autriche avait vendu son prisonnier à l'empereur Henri VI pour 75 000 marcs. Ce dernier demanda 100 000 marcs de rançon plus des otages. Le Coeur-de-Lion est une valeur bien cotée :lol:

Je ne sais pas trop si Lancelin a un rapport avec la lance, ça se pourrait bien, mais il me semble aussi que c'est une autre forme du prénom Landry.
D'ailleurs, j'aimerais bien savoir si Lancelin est attesté ailleurs qu'en Anjou et en Bretagne, et à quelle époque.

MessagePosté: Lun 09 Jan, 2006 10:42
de Sedullos
Taliesin a écrit:Hello Sed !

En fait Léopold d'Autriche avait vendu son prisonnier à l'empereur Henri VI pour 75 000 marcs. Ce dernier demanda 100 000 marcs de rançon plus des otages. Le Coeur-de-Lion est une valeur bien cotée :lol:

.


J'avais oublié le transfert. Et tout ça pour qu'un arbalétrier lémovice à Chalus...quelques années plus tard.

MessagePosté: Jeu 16 Mar, 2006 11:17
de Taliesin
C'hoari 'ra mat ganeoc'h ? :D

Allez, je relance l'eau du lac :

"Le Rig Veda [...] cite comme l'un des dieux "Feu" Apãm Napat "le Descendant des Eaux", qu'il représente comme un enfant vivant au milieu des eaux, figurées comme des jeunes nymphes qui le choient." Claude Sterckx, éléments de cosmogonie celtique, p. 84-85.

Ce passage m'a tout de suite fait penser à Lancelot, élevé au fond d'un lac, mais Sterckx ne fait pas ce rapprochement. Le nom de Lancelot étant probablement une création médiévale, il se pourrait bien qu'un dieu celtique se cache là-dessous.
Napat est la dérivation d'un indo-européen *nepõt- "le descendant" ou encore, "le neveu, fils de la soeur", ce qui nous ramènerait alors à Gauvain. Mais c'est aussi la base du théonyme latin Neptunus, le dieu des eaux, dont le correspondant irlandais est Neachtan. Avec la différence qu'en Inde, Apãm Napat est le feu, descendant des Eaux, le Feu dans l'Eau, alors qu'en Irlande, Neachtan est le gardien de la force ignée se trouvant dans l'eau.

Claude Sterckx identifie le Feu dans l'Eau au Dieu-Fils. En Irlande, il s'agit de Oengus, fils du Dagda et de Boann (la rivière Boyne), en Galles, de Pryderi/Mabon, fils de Rhiannon/Modron.

Enfin, si j'ai bien tout compris.

Question : Lancelot ne serait-il pas un avatar de Mabon ?

MessagePosté: Jeu 16 Mar, 2006 19:02
de Sedullos
Salut,

intéressant comme idée, mais j'ai pas le temps de discuter cette semaine ni l'autre non plus.
@+

MessagePosté: Jeu 16 Mar, 2006 19:10
de Professeur Cornelius
Mon Dieu, comme c'est prenant, la reconstitution gauloise ! :D

Si ce n'est pas déjà fait, Taliesin, je te conseille la lecture de Dumézil, Mythe et Epopée III, en particulier la première partie "La saison des rivières", avec un Chapitre Ier intitulé "Le Puits de Nechtan" (Apâm Napat, le Feu dans l'Eau, gardien des eaux, Apâm Napat et la Gloire des Kavi, Le puits de Nechtan, Comparaisons, *Nept-o-no-s ?).

MessagePosté: Ven 17 Mar, 2006 10:56
de Sedullos
Salut,

Bodu, j'ai aussi un boulot.

je voulais dire que je n'avais pas le temps de faire des recherches.