c'est bien beau l'imagination, mais il ne faudrait pas oublier une chose : le château de Trebes, point de départ de ce roman léonard, n'est pas mentionné dans le Lanzelet.
Des légendes sur Arthur et ses chevaliers sont connues en Italie dès le debut du 12ème siècle, et sans doute même avant, apportés là-bas par les Normands et Bretons qui conquirent l'Italie du Sud et la Sicile, puis par le contingent de la première croisade, en 1096. Dans le nord de l'Italie, autour de Pavie et de Modène, comme dans le Sud, à Otrante et Catane, la Matière de Bretagne est connue avant les romans de Chrétien de Troyes, avant qu'un vicomte léonard s'en aille péleriner à Jérusalem.
En 1137, à Bénévent, un baron nommé Gérard de Lansolino prête serment de fidélité à Roger II, roi de Sicile
L'exemplaire français du Lanzelet, transmis à Zatzikhoven par Hugues de Morville, aurait bien pu être écrit à la cour de Palerme, où se croisaient des traditions grecques, arabes et celtiques, ces dernières apportées par les nouveaux conquérants, eux aussi en quête de femmes, de terres et d'apanages.
L'agrandissement ou la conquête d'un fief par combat et/ou mariage, c'est le sport favori de la jeunesse féodale, friande de récits chevaleresques.
En Italie, Robert Guiscard épouse la fille d'un prince lombard et se hisse ainsi au niveau de l'aristocratie locale, avant de la dominer.
Le Breton Hervé de Lohéac, à un moindre niveau, fait de même, tout comme Rainulf et Johel Britto, père et fils, tous deux connétables des ducs normands de la famille de Hauteville. Ces Hauteville, ce sont onze frères partis de rien - une pauvre terre de chevalier dans le Cotentin - et qui ont fondé le royaume normand d'Italie. D'autres, comme la famille Géré de Saint-Ceneri - peut-être d'origine bretonne pour partie - ont été chassés de leurs terres par bannissement. Les Géré en particulier, suite à une lutte sanglante avec la maison de Bellême. Ils se sont exilés en Italie où ils ont fait fortune. On voit quelle résonnance pouvait avoir pour eux - ou pour leur descendants au 12ème siècle - des récits comme le Lanzelet.
On avait le Lancelocentrisme domfrontais frambaldien, v'là maintenant le Lancelocentrisme léonard.
"il n'a pas été nécessaire que Chretien de Troyes passe par la Sicile pour découvrir la fontaine, le bassin sous l'arbre éternellement vert dont le bruit convoque le maitre inquiètant du lieu."
Ni par le Léon : il avait probablement une source principalement galloise avec des éléments bretons armoricains, comme la forêt de Brocéliande qui, aux dernières nouvelles, n'a jamais été située dans le Léon, mais bon, on n'est à l'abri de rien.