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MessagePosté: Ven 31 Oct, 2008 18:46
de Alexandre
Muskull a écrit:
Alexandre a écrit: Par ailleurs, il semble bien que la "générosité" de Saladin ait été des plus intéressées, avec en perspectives d'énormes revenus par la revente de la population comme esclaves.

Considération historique des plus personnelles, idéologique et sans fondements... :roll:

Je me référais à ce passage du deuxième lien que mon message ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge ... alem_(1187) ), au chapitre 3.2 :
Saladin fut généreux et en libéra quelques uns qui furent soumis à l’esclavage ; son frère Safadin fit de même ;

Pour le reste, nous avons déjà largement débattu de qui a la plus grosse charge idéologique et le moins de fondements en ce qui concerne l'histoire de l'esclavage.

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 11:51
de Marc'heg an Avel
Sedullos a écrit: ...

Si le thème du Graal est un pur produit idéologique destiné à lutter contre l'Islam, pourquoi apparaît-il bien avant 1187 ? Pourquoi l'une des raisons ou des prétextes pour lancer la croisade est-il de récupérer la "Vraie Croix" tombée aux mains des Sarrazins ?

Chrétien de Troyes et, peut-être avant lui, on ne connaît pas les dates exactes de sa vie, le troubadour "charentais" Rigaud de Barbezieux ont traité du graal.


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Salut Sedullos :

Voici une chronologie partielle de la mise en place du thème du graal, qui finira par aboutir au Saint-Graal :

(extrait de mes notes de la Bataille de Carohaise):



Graduel / Gradual :

- Larousse : en liturgie, verset qui se lit entre l'épître et l'évangile; livre qui contient tout ce que l'on chante au lutrin pendant la messe.

- DDM, Larousse étymologique : mot du XIVè siècle, attribué à Philippe de Maizières; du latin gradualis, adjectif; substantif ecclésiastique, désigne d'abord la partie de l'office entre l'épître et la prose; elle se dit sur les degrés de l'ambon ou de jubé.

L'organisation des graduels dans le cadre des offices religieux est attribuée à Leoninus, en 1175 : Magnus Liber organi de Graduali (Grand Livre de la célébration des Graduels)

JCE : la racine de graduel est donc le latin médiéval gradualis, issu lui-même de gradus = marche, degré. On a pu être tenté par une confusion avec cratalem, d'autant qu'en langue anglaise, selon Onions, Oxford Dictionary of English étymology, le mot grail désigne aussi bien le graduel de la messe que le Saint-Graal. Pour ce dernier toutefois l'auteur précise qu'il s'agit d'une racine inconnue, ce qui tend à dire qu'il ne rattache pas obligatoirement les deux mots à la même racine. Une autre source de confusion vient probablement de la proximité de l'introduction des thèmes à la fois en en liturgie et en poésie : 1175 pour le Magnus Liber organi de Graduali, de Leoninus et 1185 pour la Légende du Graal, de Robert de Boron, consacré de fait par l'introduction du rite de l' Elévation au moment de l'Eucharistie par Clément III entre 1187 et 1191 (voir son article biographique).

Cette hypothèse d'une racine unique est effectivement à écarter, car il s'agit en réalité de racines différentes. Voir Graal et cratalem.

(fin de citation)

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On connaît donc la construction progressive du mythe, et de la mystification, qui a abouti au Saint-Graal, par le glissement du gradual-is à cratal-em.

Le thème du Saint-Graal correspond à la fanatisation, par l'appel au sang, juste après l'échec de la 3ème croisade, alors que le rite de l'élévation constituait la sacralisation même de la mise en place de la troisième croisade. Et pour cela, on n'a pas hésité à triturer et à falsifier le sens même du mot graal.

On a même inventé deux Arthurs à cette époque là :

- l'un, soit disant l'Ancetre, à Glastonbury

- l'autre par le nom de baptême Arthur attribué à l'héritier présomptif de Richard Coeur de Lion.

Et ce faisant, la mythification d'Arthur côté chrétien a fait grandir le mythe de Saladin côté musulman.

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Si le mot graal, en tant que vase sacré, a été utilisé avant 1175, je serais très heureux de l'apprendre.

JCE :wink:

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 13:45
de Muskull
Bonjour,
Le Graal de Chrétien n'est pas très chrétien. :D
Et c'est ses écrits qui ont inspiré le Parzifal de W.V.E.
Le symbolisme de Chrétien est mystérieux et ce sont ses "continuateurs" qui ont historicisé et christianisé le mythe.

Comment savoir si Chrétien à "inventé" le mot ou s'il l'avait entendu chez un autre poète. Beaucoup d'écrits de cette époque ont disparu et tous les chants n'ont pas été écrits...

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 14:12
de Marc'heg an Avel
Muskull a écrit:Comment savoir si Chrétien à "inventé" le mot ou s'il l'avait entendu chez un autre poète. Beaucoup d'écrits de cette époque ont disparu et tous les chants n'ont pas été écrits...


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Salut Muskull :

Et les doigts dans le pot de confiture, tu connais ?

Ton propos peut s'analyser ainsi :

- On ne peut pas le prouver. Donc c'est vrai !

Or, le principe même de l'Histoire : c'est ce qui est écrit, et ce qu'on peut prouver.

L'archéologie étant une forme d'écriture, concourt donc à l'Histoire.

Le reste n'est que imaginaire ou interprétation, jusqu'à ce qu'on trouve la preuve du propos.

La butée se trouve là.

Qu'a t-on de preuve du Graal avant ... à part des interprétations sans preuves ?

JCE :wink:

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 15:05
de Muskull
Ben... :D
Il y a quand même le fait écrit que Chrétien lui-même dit dans le prologue du conte du Graal qu'il a écrit son "conte" à partir d'un "livre" que lui avait donné le comte Philippe d'Alsace qui est un personnage historique.
Livre non retrouvé certes mais mentionné "historiquement".
:132:

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 15:53
de Pierre
Salut Jean-Claude,

Marc'heg an Avel a écrit:Or, le principe même de l'Histoire : c'est ce qui est écrit, et ce qu'on peut prouver.


D'accord avec toi à 99.73%.. Mais aujourd'hui jour de Samonios, nous sommes justement dans le 0.27% :wink:

@+Fourbos

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 16:36
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Ben... :D
Il y a quand même le fait écrit que Chrétien lui-même dit dans le prologue du conte du Graal qu'il a écrit son "conte" à partir d'un "livre" que lui avait donné le comte Philippe d'Alsace qui est un personnage historique.
Livre non retrouvé certes mais mentionné "historiquement".
:132:


Philippe d'Alsace, frère aîné de Mathieu d'Alsace, lui même marié à Marie de Boulogne, l'une des quatre candidates possibles à une identification avec la poétesse Marie de France (*) : le cas échéant, que le cercle des lettrés et de leurs patrons était étroit à cette époque.

(*) "The fourth option might be Marie (IV), Countess of Boulogne, daughter of King Stephen of England and Marie de Boulogne. This Countess was raised in a convent and later gained the rank of Abbess of Romsey in Hampshire. King Henry II forced her to marry Matthew of Flanders as he wanted to maintain his power over Boulogne. Through her marriage Marie became the sister-in-law of Hervé II, son of Guiomar of Léon. The parallels between the names of Guiomar and Guigemar, the eponymous hero in one of Marie’s lais, are intriguing, yet not completely compelling. Marie de Boulogne returned to a convent sometime between 1168 and 1180, most likely to the convent of Sainte Austreberthe in Montreuil-sur-Mer" (Dr Albrecht Classen, University of Arizona).

Ceci étant, l'argument de Muskull ne me convainc qu'à moitié : Chrétien de Troyes cherche systématiquement à s'effacer derrière une source plus ancienne ; mais c'est peut-être là le recours à une convention littéraire dont on a beaucoup d'autres exemples, notamment chez Geoffroy de Monmouth et chez de nombreux hagiographes...

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 18:55
de Muskull
Effectivement cher André-Yves, il y a cette "convention littéraire" de ces temps sur le "manuscrit perdu" mais ICI, l'auteur semble décliner en ce cas précis cette convention.

On pourrait bien sûr dire que ce n'est que l'opinion d'un lettré mais elle est bien assumée par l'analyse des autres cas où le "testateur du 'livre perdu'" est des plus brumeux.
Texte toutefois des plus intéressant en son intégralité que je n'aurais jamais rencontré sans ton questionnement. Merci donc. :wink:

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 21:09
de Sedullos
Salut à tous,
De quand date ceci :

"Atressi com Persavaus
El temps que vivia,
Que s'esbaït d'esgardar
Tanc qu'an non saup demandar
De qué servia
la lansa ni l'grazaus..."

Rigaud de Barbezieux

"De même que Perceval, du temps où il vivait, fut si troublé par sa contemplation que jamais il ne sut demander à quoi servaient la lance et le graal..."

La carrière poétique de Rigaud de Barbezieux se situerait entre 1140-1163 d’après Pierre Bec. Un auteur, A Varvaro, situe Rigaud plus tard entre 1170 et 1220 mais il y a des actes administratifs concernant la Charente mentionnant Rigaud, datés de 1141 à 1158.

L'histoire de son amour pour la fille de Jauffré Rudel, croisé en 1147, relève ou pas de l'affabulation littéraire. cf Anthologie des troubadours de Pierre Bec

On estime que les dates du Conte du Graal de Chrétien se situent entre 1168 et 1191. Donc selon les dates de Rigaud, il aurait pu ou s’inspirer de Chrétien ou du Perlesvaus ou d’une source commune antérieure à Chrétien. Dans ce dernier cas, il serait le plus ancien auteur parlant du Graal, en employant une forme occitane du mot. Si on ajoute que Barbezieux est proche de Poitiers...

MessagePosté: Sam 01 Nov, 2008 21:22
de Sedullos
La découverte du tombeau d'Arthur et Guenièvre à Glastonbury en 1190 est postérieure au décès d'Henri II Plantagenêt en 1189.
En plus des corps des souverains qui valident l'identification entre Glastonbury et Avalon, une épée est retrouvée. Il s'agit d'Excalibur que Richard Coeur de Lion va offrir à Tancrède au début de l'année 1191, lors de son séjour en Sicile. La transmission de cet objet archéologique à un prétendant normand à la couronne de Sicile et de Pouille s'inscrit dans une longue hsitoire familiale qui implique l'Empereur d'Allemagne et les Rois de France et d'Angleterre, lesquels vont se retrouver en Sicile.

La découverte du tombeau me semble être une récupération du mythe tout comme les romans à commencer par Wace.

Mais quant à l'aspect messianique, le retour d'Arthur, semble compromis par cette découverte. Si Richard et les Plantagenêt se veulent les héritiers d'Arthur, leur attitude montre surtout une volonté de ruiner les espoirs des Bretons et des Gallois de voir le retour d'Arthur.

Or Richard rencontre en 1191, toujours en Sicile, le moine Joachim de Flore avec qui, il a des discussions portant sur le thème de l'arrivée proche de l'Antéchrist et de l'Apocalypse liée à la reconquête de Jérusalem.

MessagePosté: Dim 02 Nov, 2008 20:49
de Sedullos
Salut à tous,

Un dernier point que je voulais évoquer sur la question du "messianisme" arthurien, il me semble concerner d'autres personnages qu'Arthur et s'inscrire à l'intérieur du récit mythique ou légendaire.

Ainsi, Yvain ayant vaincu le gardien de la fontaine lui succède.

Ou encore dans la quête du Graal, Perceval et Galaad qui guérissent /remplacent le roi-pêcheur. Je schématise à l'extrême en pensant au Parzifal de Wagner : "Rédemption pour le rédempteur".

Cette thématique a eu un succès fou jusqu'à nos jours.

On la retrouve, à travers T. S. Eliot, s'inspirant lui-même, du Rameau d'Or de James Frazer et de From Ritual to Romance de Jessie. L. Weston, chez Francis Ford Coppola, dans Apocalypse Now.

Vers la fin du film, Marlon Brando/Kurtz lit à Martin Sheen/ Willard, un extrait de The Hollow Men, Les Hommes creux de Eliot pendant que la caméra s'attarde sur les livres : la Bible, le Rameau d'or et From Ritual to Romance.

MessagePosté: Lun 03 Nov, 2008 18:00
de Muskull
Bonjour,
D'après cet auteur il semblerait que l'oeuvre de Rigaut soit contemporaine de celle de Chrétien:
http://andre.j.balout.free.fr/charente% ... _rudel.pdf

Mais l'un et l'autre n'écrivaient pas dans la même langue. Pouvons nous penser que Rigaut à traduit / adapté le livre de Chrétien pour ses propres mécènes ?
Ce me semble un peu réducteur. Nous voyons que la cour de Champagne est importante pour ces deux auteurs ; un "plagiat" aurait été mal vu je crois. Une source commune de l'oralité ou d'un "écrit perdu" me semble plus logique.

Il y a nombre de symboles païens dans le "cortège" du Grall: l'épée brisée, la lance qui saigne, le "plat" sacré et le tailloir qui sert à découper les venaisons. Il y a là tout l'apprêt d'un sacrifice-partage dans l'élection d'un nouveau roi et de sa mise à mort symbolique (par le sacrifice d'un cerf par exemple) lorsque le nouveau roi se manifestera et reconstituera l'épée et la fertilité du monde que le roi Pêcheur ne peut plus assumer.

MessagePosté: Lun 03 Nov, 2008 18:08
de Muskull
Désolé, le lien ne fonctionne pas...
Ecrire "rigaud de barbezieux" sur google, c'est la première occurrence. :?

MessagePosté: Lun 03 Nov, 2008 20:00
de Pierre
Salut Muskull,

Il suffisait de mettre en héxadécimal les codes Ascii des caractères spéciaux :128:

C'est pourtant simple :P

@+Fourbos

MessagePosté: Lun 03 Nov, 2008 20:10
de Muskull
Très simple en effet ! :D
Comme les concordances ad-oc et ad-oîl entre troubadours et trouvères. :wink:
Ha-la là ! Cette fichue tradition orale qu'on ne sait d'où elle vient et qu'on ne sait étiqueter au grand dam des "scientifiques". 8)