Sedullos a écrit: ...
Si le thème du Graal est un pur produit idéologique destiné à lutter contre l'Islam, pourquoi apparaît-il bien avant 1187 ? Pourquoi l'une des raisons ou des prétextes pour lancer la croisade est-il de récupérer la "Vraie Croix" tombée aux mains des Sarrazins ?
Chrétien de Troyes et, peut-être avant lui, on ne connaît pas les dates exactes de sa vie, le troubadour "charentais" Rigaud de Barbezieux ont traité du graal.
-----------
Salut Sedullos :
Voici une chronologie partielle de la mise en place du thème du
graal, qui finira par aboutir au Saint-Graal :
(extrait de mes notes de la
Bataille de Carohaise):
Graduel / Gradual :
- Larousse : en liturgie, verset qui se lit entre l'épître et l'évangile; livre qui contient tout ce que l'on chante au lutrin pendant la messe.
- DDM, Larousse étymologique : mot du XIVè siècle, attribué à Philippe de Maizières; du latin
gradualis, adjectif; substantif ecclésiastique, désigne d'abord la partie de l'office entre l'épître et la prose; elle se dit sur les degrés de l'ambon ou de jubé.
L'organisation des
graduels dans le cadre des offices religieux est attribuée à Leoninus, en 1175 :
Magnus Liber organi de Graduali (Grand Livre de la célébration des Graduels)
JCE : la racine de
graduel est donc le latin médiéval
gradualis, issu lui-même de
gradus = marche, degré. On a pu être tenté par une confusion avec
cratalem, d'autant qu'en langue anglaise, selon Onions,
Oxford Dictionary of English étymology, le mot
grail désigne aussi bien le graduel de la messe que le Saint-Graal. Pour ce dernier toutefois l'auteur précise qu'il s'agit d'une racine inconnue, ce qui tend à dire qu'il ne rattache pas obligatoirement les deux mots à la même racine. Une autre source de confusion vient probablement de la proximité de l'introduction des thèmes à la fois en en liturgie et en poésie : 1175 pour le
Magnus Liber organi de Graduali, de Leoninus et 1185 pour la Légende du Graal, de Robert de Boron, consacré de fait par l'introduction du rite de l' Elévation au moment de l'Eucharistie par Clément III entre 1187 et 1191 (voir son article biographique).
Cette hypothèse d'une racine unique est effectivement à écarter, car il s'agit en réalité de racines différentes. Voir Graal et
cratalem.
(fin de citation)
------------------
On connaît donc la construction progressive du mythe, et de la mystification, qui a abouti au Saint-Graal, par le glissement du
gradual-is à
cratal-em.
Le thème du Saint-Graal correspond à la fanatisation, par l'appel au sang, juste après l'échec de la 3ème croisade, alors que le rite de l'élévation constituait la sacralisation même de la mise en place de la troisième croisade. Et pour cela, on n'a pas hésité à triturer et à falsifier le sens même du mot
graal.
On a même inventé deux Arthurs à cette époque là :
- l'un, soit disant l'Ancetre, à Glastonbury
- l'autre par le nom de baptême Arthur attribué à l'héritier présomptif de Richard Coeur de Lion.
Et ce faisant, la mythification d'Arthur côté chrétien a fait grandir le mythe de Saladin côté musulman.
-------------
Si le mot
graal, en tant que vase sacré, a été utilisé avant 1175, je serais très heureux de l'apprendre.
JCE