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Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 0:28
de Aeruuan
Je pense que ce topic a sa place ici, car il s'agit quand meme du roi arthur and guest.

J'ai recu, à ma demande, l'article de bernard sergent sur la legende de St eflamm. Et j'ai ete tres etonné de constater qu'il y a un arthur specifiquement breton continental, et qui de plus est a des particularismes comme le fait d'avoir un gourdin, selon certaines versions.
En plus la version receuillie par anatole le braz nous montre une histoire tres proche d'un mythe hittite, le dragon d'Illuyanka.

Je rentre directement dans la polemique car j'ai pu lire que le roi arthur dans cette histoire n'etait la que pour mettre en avant un personnage comme St eflamm par pur "coqueterie" par le biais d'un placage litteraire.
Bernard sergent nous propose tout autre chose avec un roi arthur à la massue tres ressemblant avec le dieu du tonnerre hittite et par ricochet au dieu celtique du tonnerre, le dagda lui meme. De plus apparemment le personnage sanctifié, Eflamm pour les bretons et Hùpasiya pour les hittites, ne tue pas le dragon comme j'ai pu le lire mais le lie pour apres etre tué chez les hittites par le dieu du tonnerre et precipité dans un gouffre pour les bretons. Dans le mythe de st Eflamm le dragon est gardé sous terre lorsqu'on lui permet de jouer de la musique.

Je vous montre les differents points communs des deux mythes develloppé par sergent,

a)le premier element frappant est l'incapacité d'un personnage royal, a priori extremement puissant, à venir a bout d'un dragon.

b)Incapable de vaincre un puissant dragon, ce personnage à la fois divin et royal a besoin d'aide.

c)le dragon a des cotés singulierement humains, ce qui le distingue de la majorité des homologues de la tradition indo-européenne.

d)dans l'un et l'autre récit, le dragon est vaincu finalement grâce à une ruse.

e)l'intervention d'un "mortel" sanctifié a une fonction précise.

f)dans la vie latine d'Eflamm (version reprise par M. de Garaby, 1839), Arthur combat le dragon à la massue.

g) le dragon breton est finalement fixé sous terrre lorsqu'on lui permet de jouer de la musique.

h) L'affaire est entierement littorale dans la version bretonne et elle ne l'est pas moins en Anatolie.

i) Les deux concernent les meme temps, noel en Bretagne et le Nouvel an (purulli) en Anatolie. Il faut preciser qu'a l'epoque carolingienne, Noel marquait le debut de l'année (information de Gwenael Le Duc, per litteras).

j) Même épisode finale, tragique, de l'histoire de Hupasiya trouve un équivalent, mais entierement inversé dans l'histoire de saint Efflam. (la je sens que sur ce point, il va y avoir du monde à s'y engouffrer).

Pour finir, la filiation malgré tout ces points communs est impossible etd e part ce fait on peut considerer qu'il y a un voisinage ancestrale.

Encore une fois excuse moi pour toutes mes erreurs, grammaire orthographe et documentaires, je fais ce que je peux je ne suis qu'amateur et c'est vous, pour la plupart les pros en la matiere.

A vous messieurs...!

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 12:31
de Alexandre
On a déjà eu l'occasion de parler plusieurs fois de cette légende :
viewtopic.php?f=11&t=3552&p=40003&hilit=efflam#p40003
viewtopic.php?f=4&t=2983&p=43597&hilit=Efflam#p43597

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 12:49
de Aeruuan
Autaaaannt pour moi! j'aurais ete enduit en erreur par mr Bourges lui meme??? ou c'est moi qui est mal interpreté?
Dans tous les cas je suis un peu decu car j'aurais pensé que cet article aurais fait couler un peu plus d'encre.
Tant pis, il n'y a plus qu'à mettre ce topic aux oubliettes, desolé pour le derangement.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 18:44
de Kambonemos
Bien le bonjour,

En ce qui concerne l'usage de la massue : c'est un symbole fort. La massue est utilisée par le héros, pour écraser la perversité ; de plus, l'interdiction pour les chrétiens de verser le sang, permet l'emploi d'arme contondante sans déroger à ce principe... Ben, tiens ! :wink:

@+

"It's almost over Lorraine that you can feel the pain"

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 19:51
de André-Yves Bourgès
Hop, hop, hop, comme vous y allez Erwan ! La question mérite un nouvel examen, du moins, comme vous le suggériez, en ce qui concerne le personnage d'Arthur car la méthode mise en oeuvre par B. Sergent dans son étude sur "Le dragon hédoniste" révèle, au point de vue de l'histoire littéraire, un certain nombre de biais, qui sont peut-être d'ailleurs le lot commun des recherches mythographiques/mythologiques.

J'ai eu connaissance de l'article en question il y a bien longtemps par une photocopie du tapuscrit de son auteur que m'avait procurée mon ami, le regretté Gw. Le Duc, avec qui B. Sergent était alors en rapport ; je l'ai relu dans sa version abrégée sur le site de la SMF.

De la longue tradition littéraire qui va de la vita latine du saint (j'incline pour ma part à une datation vers la fin du XIe ou le début du XIIe siècle, comme j'ai essayé de le montrer dans le travail accessible en ligne ici) au récit mis en forme par Anatole Le Braz, à partir d'un travail de collecte, c'est ce dernier état de la "légende" que choisit de privilégier B. Sergent, en indiquant au passage "qu'une influence littéraire directe d'un récit sur l'autre est impossible", car, nous dit-il, " le récit breton appartient au plus vieux fonds légendaire péninsulaire, inscrit déjà qu'il est dans un texte remontant au XIIe ou au XIIIe siècle, sinon sur une église du XIIe siècle, jusqu'à des versions orales notées par Anatole Le Braz avant 1895, tandis que le mythe hittite n'a été publié pour la première fois qu'en 1922 (rappelons que les tablettes hittites ont été découvertes à partir de 1905 à Hattusa (Boghaz-Kôy), et que le hittite est déchiffré par Bedrich Hrozny en 1915)" ; or, la prémisse majeure de ce syllogisme n'est pas avérée : le récit de Le Braz sur lequel repose la démonstration de Sergent présente de nombreuses divergences avec l'état le plus ancien de la "légende" et ce sont précisément ces divergences qui semblent caractériser l'hédonisme du dragon tandis que leurs points de contact, relatifs notamment à Arthur, ne constituent pas pour autant des points d'appui de cette démonstration.

Deux exemples :
1) Divergences : le dragon de la tradition littéraire antérieure au XIXe siècle n'a pas visage humain, ne réclame pas de proie humaine à dévorer que les populations lui apporteraient à telle date symbolique, et n'est pas plus mélomane que ses congénères des autres vitae de saints saurochtones, etc.
2/ Points de contact : Arthur combat avec une massue à trois noeuds (clava trinodis) un dragon qui ruse en marchant à reculons ; mais le combat contre le dragon paraît largement démarqué de celui qui oppose Cadmus au dragon dans les Métamorphoses d'Ovide et l'utilisation de la clava trinodis, de même que la ruse attribuée au dragon par l'hagiographe de saint Efflam se retrouvent à nouveau chez Ovide, cette fois dans les Fastes .

Voilà, le débat est lancé : j'accepte bien entendu toutes les objections, sauf celle d'une volonté historicisante, car je rappelle que l'éventuelle historicité d'Arthur et celle d'Efflam nous échappent totalement et que personnellement, je ne crois pas à l'existence de dragons ! :D

Cordialement,

André-Yves Bourgès

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 21:23
de André-Yves Bourgès
Bonsoir,

J'ai édité mon message précédent, qu'un malencontreux "mastic" avait défiguré ; mais je donne les textes d'Ovide pour bien dissiper toute difficulté.

D'abord le texte des Fasti, I, v. 543-586 ; la traduction est celle de Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet (2004). Ovide nous fait le récit du combat d'Alcide [surnom d'Hercule], armé de sa massue à trois noeuds ( Occupat Alcides, adductaque claua trinodis), c'est le même terme "technique" que dans lavita de saint Efflam) Cacus, personnage monstrueux et retors, véritable "homme des cavernes" (proque domo longis spelunca recessibus ingens), qui tire ses victimes à reculons dans son antre (traxerat auersos Cacus in antra ferox)...

Ecce boues illuc Erytheidas adplicat heros
emensus longi clauiger orbis iter,

[1,545] dumque huic hospitium domus est Tegeaea, uagantur
incustoditae lata per arua boues.
Mane erat: excussus somno Tirynthius actor
de numero tauros sentit abesse duos.
Nulla uidet quaerens taciti uestigia furti:

[1,550] traxerat auersos Cacus in antra ferox,
Cacus, Auentinae timor atque infamia siluae,
non leue finitimis hospitibusque malum.
Dira uiro facies, uires pro corpore, corpus
grande pater monstri Mulciber huius erat,

[1,555] proque domo longis spelunca recessibus ingens,
abdita, uix ipsis inuenienda feris;
ora super postes adfixaque bracchia pendent,
squalidaque humanis ossibus albet humus.
seruata male parte boum Ioue natus abibat:

[1,560] mugitum rauco furta dedere sono.
'Accipio reuocamen' ait, uocemque secutus
impia per siluas ultor ad antra uenit.
Ille aditum fracti praestruxerat obice montis;
uix iuga mouissent quinque bis illud opus.

[1,565] Nititur hic umeris caelum quoque sederat illis,
et uastum motu conlabefactat onus.
Quod simul euersum est, fragor aethera terruit ipsum,
ictaque subsedit pondere molis humus.
Prima mouet Cacus conlata proelia dextra

[1,570] remque ferox saxis stipitibusque gerit.
Quis ubi nil agitur, patrias male fortis ad artes
confugit, et flammas ore sonante uomit;
quas quotiens proflat, spirare Typhoea credas
et rapidum Aetnaeo fulgur ab igne iaci.

[1,575] Occupat Alcides, adductaque claua trinodis
ter quater aduerso sedit in ore uiri.
Ille cadit mixtosque uomit cum sanguine fumos
et lato moriens pectore plangit humum.
Immolat ex illis taurum tibi, Iuppiter, unum

[1,580] uictor et Euandrum ruricolasque uocat,
constituitque sibi, quae Maxima dicitur, aram,
hic ubi pars Urbis de boue nomen habet.
Nec tacet Euandri mater prope tempus adesse
Hercule quo tellus sit satis usa suo.

[1,585] At felix uates, ut dis gratissima uixit,
possidet hunc Iani sic dea mense diem.



Voici que le héros porteur de massue, venant d'Érythée,
amène ses vaches en ce lieu, après avoir longuement parcouru le monde ;

tandis que la maison du Tégéen l'accueille en hôte,
ses bêtes errent sans surveillance à travers l'immensité des champs.
C'était le matin : tiré de son sommeil, le guide Tirynthien du troupeau
remarqua qu'il lui manquait deux taureaux.
Il cherche, sans voir aucune trace de ce vol mystérieux :

le farouche Cacus les avait traînés à reculons dans son antre,
Cacus, la terreur de l'Aventin et la honte de la forêt,
un fléau bien lourd pour les voisins et leurs hôtes.
L'homme paraissait effrayant : des forces proportionnées à son corps,
un corps de géant (le père de ce monstre était Mulciber),


et pour maison, une immense caverne, aux recoins prolongés,
bien cachée, difficile à repérer, même pour les bêtes sauvages.
Des têtes et des bras sont fichés et suspendus en haut des portes,
et le sol est tout blanc, hérissé d'ossements humains.
Le fils de Jupiter, qui n'avait conservé qu'une partie du troupeau, s'en allait,


Quand les bêtes dérobées se mirent à beugler de leurs voix rauques.
"J'entends ce rappel", dit-il ; et, se dirigeant au son de leur voix,
à travers bois, il arriva en vengeur à l'antre impie.
Le monstre avait barré l'entrée avec un bloc détaché du rocher,
dix attelages auraient eu du mal à mouvoir ce barrage.


Hercule y appuie ses épaules -- elles qui avaient aussi supporté le ciel --
et d'un mouvement il ébranle cet énorme roc.
Dès que le bloc se renversa, le fracas effraya l'éther même,
et le sol s'affaissa, frappé par le poids de cette masse.
Cacus, la droite levée, engage un premier combat,


et, redoutable, mène l'affaire à coups de pierres et de pieux.
Comme cela ne donne rien, il recourt, homme sans grand courage,
aux arts de son père, et vomit des flammes de sa gueule sonore ;
chaque fois qu'il souffle, on croirait entendre la respiration de Typhée
et voir la foudre rapide s'élancer du feu de l'Etna.


Alcide prend les devants, et brandissant sa massue à trois noeuds,
il l'abat, trois fois, quatre fois, sur la face de son adversaire.
Celui-ci tombe, crache les fumées qui se mêlent à son sang,
et, en mourant, il heurte le sol de sa large poitrine.
Vainqueur, Hercule immole en ton honneur, ô Jupiter,


un de ces taureaux et invite Évandre et les campagnards.
Il construit pour lui-même un autel, appelé Ara Maxima,
à l'endroit de la ville qui tient son nom du boeuf.
Et la mère d'Évandre n'omet pas de dire que le temps est proche
où la terre aura assez bénéficié de son cher Hercule.

Mais l'heureuse prophétesse, qui vécut fort bénie des dieux,
en tant que déesse, possède ce jour dans le mois de Janus.

PCC André-Yves Bourgès

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Jeu 16 Juil, 2009 23:15
de André-Yves Bourgès
Voici le texte extrait des Metamorphoses, III, v. 1-137 ; là encore je donne à la suite l'excellente et récente traduction proposée par Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet (2006).
Le récit du combat entre Cadmus et le dragon proprement dit est aux v. 31-94. Le héros saurochtone porte en guise de protection la peau d'un lion (tegumen derepta leoni pellis erat), dont l'hagiographe de saint Efflam fait le rappel en parlant du bouclier d'Arthur recouvert de la peau d'un lion (clipeo quem pellis tegebat leonis). Au delà de ce point de contact, les deux textes sont manifestement apparentés.


Iamque deus posita fallacis imagine tauri
se confessus erat Dictaeaque rura tenebat,
cum pater ignarus Cadmo perquirere raptam
imperat et poenam, si non invenerit, addit
exilium, facto pius et sceleratus eodem. 5

orbe pererrato (quis enim deprendere possit
furta Iovis?) profugus patriamque iramque parentis
vitat Agenorides Phoebique oracula supplex
consulit et, quae sit tellus habitanda, requirit.
'bos tibi' Phoebus ait 'solis occurret in arvis, 10

nullum passa iugum curvique inmunis aratri.
hac duce carpe vias et, qua requieverit herba,
moenia fac condas Boeotiaque illa vocato.'
vix bene Castalio Cadmus descenderat antro,
incustoditam lente videt ire iuvencam 15

nullum servitii signum cervice gerentem.
subsequitur pressoque legit vestigia gressu
auctoremque viae Phoebum taciturnus adorat.
iam vada Cephisi Panopesque evaserat arva:
bos stetit et tollens speciosam cornibus altis 20

ad caelum frontem mugitibus inpulit auras
atque ita respiciens comites sua terga sequentis
procubuit teneraque latus submisit in herba.
Cadmus agit grates peregrinaeque oscula terrae
figit et ignotos montes agrosque salutat. 25

Sacra Iovi facturus erat: iubet ire ministros
et petere e vivis libandas fontibus undas.
silva vetus stabat nulla violata securi,
et specus in media virgis ac vimine densus
efficiens humilem lapidum conpagibus arcum 30

uberibus fecundus aquis; ubi conditus antro
Martius anguis erat, cristis praesignis et auro;
igne micant oculi, corpus tumet omne venenis,
tresque vibrant linguae, triplici stant ordine dentes.
quem postquam Tyria lucum de gente profecti 35

infausto tetigere gradu, demissaque in undas
urna dedit sonitum, longo caput extulit antro
caeruleus serpens horrendaque sibila misit.
effluxere urnae manibus sanguisque reliquit
corpus et attonitos subitus tremor occupat artus. 40

ille volubilibus squamosos nexibus orbes
torquet et inmensos saltu sinuatur in arcus
ac media plus parte leves erectus in auras
despicit omne nemus tantoque est corpore, quanto,
si totum spectes, geminas qui separat arctos. 45

nec mora, Phoenicas, sive illi tela parabant
sive fugam, sive ipse timor prohibebat utrumque,
occupat: hos morsu, longis conplexibus illos,
hos necat adflati funesta tabe veneni.
Fecerat exiguas iam sol altissimus umbras: 50

quae mora sit sociis, miratur Agenore natus
vestigatque viros. tegumen derepta leoni
pellis erat
, telum splendenti lancea ferro
et iaculum teloque animus praestantior omni.
ut nemus intravit letataque corpora vidit 55

victoremque supra spatiosi tergoris hostem
tristia sanguinea lambentem vulnera lingua,
'aut ultor vestrae, fidissima pectora, mortis,
aut comes' inquit 'ero.' dixit dextraque molarem
sustulit et magnum magno conamine misit. 60

illius inpulsu cum turribus ardua celsis
moenia mota forent, serpens sine vulnere mansit
loricaeque modo squamis defensus et atrae
duritia pellis validos cute reppulit ictus;
at non duritia iaculum quoque vicit eadem, 65

quod medio lentae spinae curvamine fixum
constitit et totum descendit in ilia ferrum.
ille dolore ferox caput in sua terga retorsit
vulneraque adspexit fixumque hastile momordit,
idque ubi vi multa partem labefecit in omnem, 70

vix tergo eripuit; ferrum tamen ossibus haesit.
tum vero postquam solitas accessit ad iras
causa recens, plenis tumuerunt guttura venis,
spumaque pestiferos circumfluit albida rictus,
terraque rasa sonat squamis, quique halitus exit 75

ore niger Stygio, vitiatas inficit auras.
ipse modo inmensum spiris facientibus orbem
cingitur, interdum longa trabe rectior adstat,
inpete nunc vasto ceu concitus imbribus amnis
fertur et obstantis proturbat pectore silvas. 80

cedit Agenorides paulum spolioque leonis
sustinet incursus instantiaque ora retardat
cuspide praetenta: furit ille et inania duro
vulnera dat ferro figitque in acumine dentes.
iamque venenifero sanguis manare palato 85

coeperat et virides adspergine tinxerat herbas;
sed leve vulnus erat, quia se retrahebat ab ictu
laesaque colla dabat retro plagamque sedere
cedendo arcebat nec longius ire sinebat,
donec Agenorides coniectum in guttura ferrum 90

usque sequens pressit, dum retro quercus eunti
obstitit et fixa est pariter cum robore cervix.
pondere serpentis curvata est arbor et ima
parte flagellari gemuit sua robora caudae.
Dum spatium victor victi considerat hostis, 95

vox subito audita est; neque erat cognoscere promptum,
unde, sed audita est: 'quid, Agenore nate, peremptum
serpentem spectas? et tu spectabere serpens.'
ille diu pavidus pariter cum mente colorem
perdiderat, gelidoque comae terrore rigebant: 100

ecce viri fautrix superas delapsa per auras
Pallas adest motaeque iubet supponere terrae
vipereos dentes, populi incrementa futuri.
paret et, ut presso sulcum patefecit aratro,
spargit humi iussos, mortalia semina, dentes. 105

inde (fide maius) glaebae coepere moveri,
primaque de sulcis acies adparuit hastae,
tegmina mox capitum picto nutantia cono,
mox umeri pectusque onerataque bracchia telis
exsistunt, crescitque seges clipeata virorum: 110

sic, ubi tolluntur festis aulaea theatris,
surgere signa solent primumque ostendere vultus,
cetera paulatim, placidoque educta tenore
tota patent imoque pedes in margine ponunt.
Territus hoste novo Cadmus capere arma parabat: 115

'ne cape!' de populo, quem terra creaverat, unus
exclamat 'nec te civilibus insere bellis!'
atque ita terrigenis rigido de fratribus unum
comminus ense ferit, iaculo cadit eminus ipse;
hunc quoque qui leto dederat, non longius illo 120

vivit et exspirat, modo quas acceperat auras,
exemploque pari furit omnis turba, suoque
Marte cadunt subiti per mutua vulnera fratres.
iamque brevis vitae spatium sortita iuventus
sanguineam tepido plangebat pectore matrem, 125

quinque superstitibus, quorum fuit unus Echion.
is sua iecit humo monitu Tritonidis arma
fraternaeque fidem pacis petiitque deditque:
hos operis comites habuit Sidonius hospes,
cum posuit iussus Phoebeis sortibus urbem. 130

Iam stabant Thebae, poteras iam, Cadme, videri
exilio felix: soceri tibi Marsque Venusque
contigerant; huc adde genus de coniuge tanta,
tot natos natasque et, pignora cara, nepotes,
hos quoque iam iuvenes; sed scilicet ultima semper 135

exspectanda dies hominis, dicique beatus
ante obitum nemo supremaque funera debet.



Et déjà Jupiter s'était défait de sa fallacieuse apparence de taureau.
Il avait avoué son identité et séjournait dans les campagnes du Dicté,
quand le père d'Europe, ignorant l'incident, ordonne à Cadmos
de rechercher sa fille enlevée. Puis, se montrant et pieux et criminel ,
5 il ajoute qu'il le punirait de l'exil, s'il ne la retrouvait pas.

Après avoir parcouru le monde en tous sens (qui en effet pourrait
surprendre les amours secrètes de Jupiter ?), le fils d'Agénor, en exil,
évite sa patrie et la colère paternelle ; il consulte les oracles de Phébus
tel un suppliant, et cherche à savoir quelle terre il pourrait habiter.
10 « Tu rencontreras une génisse dans des champs déserts », dit Phébus,

« elle n'aura jamais subi le joug ni connu la charrue recourbée.
Prends-là pour guide, suis ta route et, dans l'herbe où elle se sera posée,
établis des murs que tu appelleras remparts de Béotie. »
À peine Cadmos rassuré était-il descendu de l'antre de Castalie,
15 qu'il voit s'avancer lentement une génisse : elle n'est pas gardée

et son encolure ne porte aucune marque de dépendance.
Il la suit, marche sur ses traces d'un pas empressé et,
sans mot dire, vénère Phébus qui lui a conseillé sa route.
Déjà il avait quitté les marais du Céphise et les champs de Panope
20 quand la génisse s'arrêta et, levant vers le ciel un front magnifique

paré de longues cornes, elle lança dans l'air ses mugissements,
puis, se retournant vers les compagnons qui la suivaient,
elle se coucha et étendit son flanc dans l'herbe tendre.
Cadmos rend grâces, couvre de baisers cette terre étrangère
25 et salue ces monts et ces champs qu'il ne connaissait pas.

Il s'apprêtait à faire des offrandes à Jupiter : il charge des serviteurs
d'aller chercher de l'eau à une source vive pour les libations.
Il y avait là une forêt ancienne, qu'aucune hache n'avait violée,
et, en son centre, une grotte couverte de branches d'osier touffues
30 formait avec des pierres assemblées une voûte basse,

d'où jaillissait une eau abondante. Dans cette grotte se cachait
un dragon, né de Mars, paré d'une crête d'or extraordinaire.
Ses yeux brillent et flamboient, tout son corps est gonflé de venins,
et ses trois langues vibrent derrière une triple rangée de dents.
35 Lorsque les Tyriens, portés par leurs pas funestes,

eurent atteint ce bois, lorsque l'urne plongée dans l'eau
fit entendre un bruit, le dragon à la couleur d'azur sortit la tête
de l'antre profond et émit des sifflements effrayants.
L'urne glissa de leurs mains, le sang sembla quitter leurs corps
40 et un tremblement subit s'empara de leurs membres épouvantés.

Le monstre noue et tord en les enroulant ses anneaux écailleux ;
il rampe en bonds sinueux, dessinant des arcs immenses,
puis, soulevant plus que la moitié de son corps dans l'air léger,
il toise tout le bois ; son corps, si on l'apercevait en entier,
45 est aussi grand que le Serpentaire entre les deux Ourses.

Aussitôt, tandis que des Phéniciens préparaient leurs traits,
d'autres leur fuite, et que d'autres encore étaient paralysés de crainte,
le dragon attaque : ils sont tués, les uns à coups de dents, d'autres broyés
dans ses longs anneaux, ou étouffés par le souffle funeste de son venin.
50 Le soleil très haut déjà avait fait les ombres toutes petites.

Le fils d'Agénor s'étonne du retard de ses compagnons et partout
recherche ses hommes. La dépouille d'un lion le couvrait,
il était armé d'une lance au fer étincelant et d'un javelot,
mais sa vaillance était plus remarquable que tout son équipement.
55 Dès qu'il eut pénétré dans le bois, il vit les corps sans vie

et au-dessus d'eux, victorieux, leur ennemi à la vaste échine,
léchant de sa langue sanglante leurs horribles blessures,
« Coeurs très fidèles, ou je vengerai votre mort », dit-il,
« ou je vous accompagnerai ». Il dit et de la main droite
60 enleva une roche immense, qu'il lança en un immense effort.

Le choc du rocher aurait ébranlé de hautes murailles
et leurs hautes tours, mais le serpent resta indemne :
ses écailles le défendaient, à la manière d'une cuirasse,
et le coup violent ricocha sur le cuir épais de sa peau noire.
65 Mais cette dureté ne triompha toutefois pas du javelot

qui vint se planter au milieu de la courbure de sa souple échine.
La lame pénétra entièrement dans les entrailles de la bête.
Celle-ci, rendue féroce par la douleur, tourna la tête en arrière,
examina sa blessure et mordit sur le trait enfoncé dans sa chair.
70 Mais, après l'avoir secoué violemment en tous sens,

elle l'arracha à peine de son dos ; le fer resta fiché dans ses os.
Mais à ce moment, lorsque, à sa fureur ordinaire s'ajouta
cette cause nouvelle, sa gorge se gonfla à pleines veines,
une écume blanchâtre s'écoula de sa gueule empestée,
75 la terre, raclée par ses écailles, résonne, et l'haleine noire

qui sort de sa bouche infernale souille l'air et l'infecte.
Tantôt il s'enroule dans l'immense anneau de ses spires,
parfois il se dresse plus droit qu'un tronc majestueux,
tantôt, impétueusement, tel un fleuve entraîné par des orages,
80 il est emporté et de son poitrail renverse les forêts sur son passage.

Le fils d'Agénor recule un peu et, protégé par sa dépouille léonine,
il soutient les assauts, écartant de sa pique tendue
la gueule menaçante : le monstre furieux cogne en vain
la dure lame, enfonçant ses dents dans la pointe de l'arme.
85 Et déjà de son palais venimeux le sang s'était mis à couler

et ses flots avaient teinté le gazon verdoyant ;
mais la blessure était légère, parce qu'il esquivait les coups,
ramenant en arrière sa nuque blessée, empêchant par ce retrait
le coup de s'abattre et la pointe de pénétrer plus profondément.
90 Finalement le fils d'Agénor lui ficha sa pique dans la gorge

sans cesser de le suivre et de le presser ; alors le dragon, reculant,
heurta un chêne, et sa cervelle tout comme l'arbre fut transpercée.
Sous le poids du serpent, l'arbre se courba et gémit
quand l'extrémité de la queue en fouetta le tronc.
95 Le vainqueur considérait l'espace occupé par son ennemi vaincu,

quand soudain il entend une voix - on ne savait d'où elle venait,
mais on l'entendait - : « Pourquoi, fils d'Agénor, regardes-tu
ce serpent anéanti ? Toi aussi devenu serpent, tu seras regardé ».
Longtemps épouvanté, le héros avait perdu ses esprits et ses couleurs
100 tandis qu'une terreur glaciale lui hérissait les cheveux.

Mais bientôt, descendue des régions célestes, sa protectrice,
Pallas, se présente et lui ordonne de remuer la terre
et d'y déposer les dents du dragon, germes d'un peuple futur.
Il obéit et, dès que, poussant une charrue, il eut tracé un sillon,
105 selon l'ordre reçu, il sema sur le sol ces dents, graines de mortels.

Alors, chose incroyable, les mottes de terre se mirent à bouger,
et, hors des sillons, une première pointe de lance apparut.
Bientôt émergent des têtes casquées agitant un panache coloré,
bientôt s'élèvent des épaules et des torses et des bras chargés d'armes :
110 on voit surgir et croître une moisson d'hommes avec des boucliers.

Ainsi, lorsqu'on lève les rideaux dans les théâtres, lors des fêtes,
on voit souvent surgir des statues, d'abord leurs visages,
et peu à peu tout le reste ; tirées avec une lenteur progressive,
elles apparaissent tout entières, jusqu'aux extrémités de leurs pieds.
115 Effrayé par cet ennemi nouveau, Cadmus s'apprêtait à s'armer :

« Non », s'écrie l'un des hommes sortis de la terre,
« ne t'engage pas dans des guerres entre citoyens ! ».
Sur ce, tout près de lui, il frappe de sa dure épée un de ses frères
nés de la terre, puis lui-même tombe, atteint par un trait lancé de loin.
120 L'homme qui lui avait donné la mort ne lui survit pas longtemps :

il expire en rendant le souffle qu'il venait de recevoir.
À cet exemple, la foule entière est prise de fureur ; ces frères nouveaux
meurent au combat, sous les coups qu'ils se portent mutuellement.
Ces jeunes gens, gratifiés par le sort d'une vie déjà courte,
125 heurtaient de leur poitrine encore tiède leur mère ensanglantée

Il y eut cinq survivants, dont l'un s'appelait Échion.
Sur ordre de la Tritonide, il jeta ses armes sur le sol,
puis réclama et proposa une promesse de paix entre frères.
L'étranger venu de Sidon les prit pour compagnons de son œuvre
130 lorsque, obéissant aux oracles de Phébus, il fonda sa ville.

Déjà Thèbes était debout, déjà, tu pouvais te croire en droit, Cadmos,
de te féliciter de ton exil : Mars et Vénus t'avaient accepté pour gendre.
Ajoute à cela une épouse de si noble naissance,
tant de fils et de filles, et de petits-enfants, gages de tendresse,
135 eux aussi déjà devenus des jeunes gens. Mais il est sûr qu'il faut toujours

attendre le dernier jour de la vie d'un homme, et que personne ne peut
être proclamé heureux avant sa mort et ses funérailles suprêmes.

PCC André-Yves Bourgès

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 1:36
de Aeruuan
Oui c'est vrai que la version du mythe choisit par sergent est celle de le Braz donc la plus recente, c'est pour cette raison que celon vous il pourrait avoir des influences litteraires? C'est une petit peu rapide je trouve.
Pourquoi cette version ne pourrais pas avoir credit d'une anteriorité au dela du 19e comme les autres versions? parce qu'elle est orale et donc plus influencable? c'est une peu le reproche que l'on a fait à De La Villemarqué et on est un peu revenu la dessus je crois?

Est ce qu'il n'y aurait pas pu avoir justement un lissage avec les plus anciennes version bretonnes pour s'ajuster au gout de l'epoque?

lluyanka n'a pas non plus de tete humaine, mais c'est en famille qu'il se presente. C'est dans quelle version bretonne que le dragon sait coudre?
La tete humaine, la couture et la musique chez l'un. La famille et l'interet pour la fete, ce qui va avec la musique chez l'autre. Ca fait beaucoup de traits communs pour une version bretonne recente et un mythe hittite.

Qu'est ce qu'un roi tel qu'arthur fait avec une massue? Surtout que dans une autre version bretonne, recente elle aussi on lui a mis une epée, ce qui convient mieux à un roi.
Hercule dans le texte des fasti quand à lui tue le dragon, ce qui est loin d'etre le cas d'arthur, bien au contraire.

S'agit il d'une ruse quand la bete se met à reculer dans la version bretonne?
Il n'y a pas de sacrifice humain avec cacus.
Hercule est bien le fils de zeus le dieu du tonnerre,non?

Autre chose un peu a part, Cacus est il reellement un dragon?

Excusez moi mais il me semble que ce soit legerement different un manteau et un bouclier. Que dans la version bretonne l'auteur connaisse des classiques ca n'a l'air de faire aucun doute. Mais la fonction d'un manteau et d'un bouclier est plutot tres eloigné à premiere vue. Pourquoi arthur n'a pas de manteau en peau de lion qui l'en empeche? pourquoi l'auteur aurait "caché" son copiage? il y avait des copyrights à l'epoque?

Je trouve que bernard sergent parle tres bien des points commun entre Cadmos et Eflamm, et ce n'est pas Eflamm qui porte le bouclier en peau de lion. Cadmos est aussi un personnage sanctifier et lui porte la peau de lion, grosse difference tout de meme.

Voilà pour les "divergences", minime à mon gout par rapport au nombreux points communs. Et j'imagine que l'auteur admettra qu'il doit y avoir encore du boulot sur ce sujet.

Voilà ce que j'en pense avec mes tres modestes moyens.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 9:06
de André-Yves Bourgès
Aeruuan a écrit:Oui c'est vrai que la version du mythe choisit par sergent est celle de le Braz donc la plus recente, c'est pour cette raison que celon vous il pourrait avoir des influences litteraires? C'est une petit peu rapide je trouve.


Bonjour Erwan,

Je ne prétends nullement avoir fait le tour de la question en trois rapides messages et le débat est ouvert : le fait de privilégier la version la plus récente de la "légende", transmise comme les versions antérieures par un "homme de lettres" (car Le Braz aussi bien que l'auteur de la vita de saint Efflam aux XIe-XIIe siècles ou le dominicain Albert Le Grand au XVIIe siècle sont des "hommes de lettres") et sans tenir compte que plusieurs des éléments qui figurent dans le texte de Le Braz ne figurent pas dans les témoins antérieurs me parait constituer d'un point de vue de la méthode historique un biais considérable ; mais, comme je l'ai dit, peut-être n'en est-il pas de même en ce qui concerne les recherches mythologiques/mythographiques.


Pourquoi cette version ne pourrais pas avoir credit d'une anteriorité au dela du 19e comme les autres versions? parce qu'elle est orale et donc plus influencable? c'est une peu le reproche que l'on a fait à De La Villemarqué et on est un peu revenu la dessus je crois?

Est ce qu'il n'y aurait pas pu avoir justement un lissage avec les plus anciennes version bretonnes pour s'ajuster au gout de l'epoque?


Je réponds pour ce que je connais un peu moins mal, à savoir le matériau hagiographique médiéval.
Pendant plusieurs siècles un processus complexe d’échanges culturels a permis à la littérature hagiographique de se nourrir de traditions orales et, tout à la fois, de les alimenter. Il faut bien considérer, comme l'écrit B. Merdrignac, que "la démarche des hagiographes médiévaux ne saurait se comparer aux techniques de “collectage” des folkloristes contemporains. Ces auteurs sont mandatés par les autorités ecclésiastiques pour actualiser, à des fins liturgiques et édifiantes, les traditions relatives aux saints dont ils sont chargés de rédiger la Vie". B. Merdrignac a souligné que "les traditions qu’il est d’usage de qualifier par commodité de “populaires” ou de “folkloriques” sont alors partagées à tous les niveaux de la société laïque. De plus un constant mouvement de va-et-vient s’établit entre les clercs qui recourent à des motifs folkloriques et les professionnels de la mémoire qui empruntent des thèmes issus de la culture savante".

L’exemple d’un tel va-et-vient nous est fourni en Italie du nord, par un moine anonyme qui, au milieu du XIIIe siècle, a mis par écrit un récit de voyage au Paradis et donne de précieux renseignements sur la source de son information ; en même temps, il convient de ne pas faire dire à ce témoignage exceptionnel plus que ce qu’il contient.
Le moine déclare avoir recueilli la matière de son récit de la bouche d’un illitteratus ; mais ce dernier lui avait expliqué qu’il n’était pas lui-même à l’origine de l’histoire qu’il racontait : "il l’avait entendue", écrit J.-C. Schmitt, "d’un litteratus, dont il avait seulement retenu les paroles en langue vulgaire, oubliant les mots prononcés en “l’autre langue”, c’est-à-dire sans doute en latin (sed a litterato rem audiens materne lingue retinuit, alterius lingue vocabula retinere non potuit). Le scribe jugea l’histoire digne d’être mise par écrit, mais, tout en se défendant de l’avoir altérée, il décrit précisément le double processus de christianisation et de mise en forme savante auquel il a soumis ce récit folklorique " . J.-C. Schmitt — qui met en rapport ce récit avec une légende rapportée un siècle auparavant par Walter Map — et J. Le Goff tiennent pour acquis que le litteratus avait lui-même emprunté la matière de son récit à la tradition orale folklorique, mais il n’y a pourtant rien d’explicite à ce sujet dans le texte : il s’agit d’un pré-supposé assez caractéristique de l’ "idéologie" qui a longtemps dominé et qui peut-être domine encore une partie de la recherche historique sur "l’homme médiéval", considéré sous le seul angle de sa fonction sociale . On peut en effet tout aussi valablement conjecturer que le clerc avait "inventé" cette histoire à la suite d’une de ses lectures, d’autant plus que les récits de voyage dans l’au-delà ont particulièrement fleuri au XIIe siècle ; et qu’il l’avait diffusée indistinctement dans le cercle de ses proches, aussi bien des clercs que des illitterati.

Qu'est ce qu'un roi tel qu'arthur fait avec une massue? Surtout que dans une autre version bretonne, recente elle aussi on lui a mis une epée, ce qui convient mieux à un roi.


La massue à trois noeuds (clava trinodis) est un emprunt littéraire verbatim à Ovide, que l'on retrouve également dans la Comoedia Babionis, poème du début du XIIe siècle (et cf. plus bas ce qui est dit de la peau de lion).

S'agit il d'une ruse quand la bete se met à reculer dans la version bretonne?


Si votre question est : dans la vita de saint Efflam, la marche à reculons du dragon est-elle présentée explicitement comme une ruse par l'hagiographe, la réponse est "oui".

Excusez moi mais il me semble que ce soit legerement different un manteau et un bouclier. Que dans la version bretonne l'auteur connaisse des classiques ca n'a l'air de faire aucun doute. Mais la fonction d'un manteau et d'un bouclier est plutot tres eloigné à premiere vue. Pourquoi arthur n'a pas de manteau en peau de lion qui l'en empeche? pourquoi l'auteur aurait "caché" son copiage? il y avait des copyrights à l'epoque?


Sur la fonction de protection exercée parallèlement par le manteau et le bouclier, je laisse intervenir les spécialistes ; mais quant aux procédés littéraires des hagiographes médiévaux, notamment la centonisation et la paraphrase, je vous renvoie aux nombreux travaux récents d'hagiologie et d'histoire littéraire : disons pour simplifier que l'hagiographe fait un clin d'oeil à son public de lettrés comme lui : "voyez comme je connais bien mes classiques ; mais je suis un créateur alors je détourne, j'enjolive, j'adapte,..."

Je trouve que bernard sergent parle tres bien des points commun entre Cadmos et Eflamm, et ce n'est pas Eflamm qui porte le bouclier en peau de lion. Cadmos est aussi un personnage sanctifier et lui porte la peau de lion, grosse difference tout de meme.

Voilà pour les "divergences", minime à mon gout par rapport au nombreux points communs. Et j'imagine que l'auteur admettra qu'il doit y avoir encore du boulot sur ce sujet.


Je ne disconviens pas pour ma part que le travail de Sergent ne soit très séduisant ; mais j'en reviens une nouvelle fois aux aspects méthodologiques : pourquoi privilégier le texte le plus récent sans tenir compte de ce que les témoins antérieurs pourraient nous apprendre de l'évolution de la "légende" ?

Voilà ce que j'en pense avec mes tres modestes moyens.


Modestes ou pas, vos moyens ne sont pas en cause ; la controverse et le débat sont toujours enrichissants pour ceux qui s'intéressent à la question ; mais attention aux déclarations d'opinion et aux polémiques.

Cordialement,

André-Yves Bourgès

Cacus

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 9:55
de Muskull
Dans la mythologie grecque, Cacus ou Cacos (en grec ancien Κακός / Kakós, « méchant, mauvais »), fils d'Héphaïstos, mi-homme et mi-satyre, était un Géant qui vomissait des tourbillons de flamme et de fumée. Des têtes sanglantes étaient sans cesse suspendues à la porte de sa caverne située en Italie, dans le Latium, au pied du mont Aventin.

Héraclès, après la défaite de Géryon, conduisit ses troupeaux de bœufs sur les bords du Tibre, et s'endormit pendant qu'ils paissaient. Cacus en vola quatre paires, et, pour n'être pas trahi par les traces de leurs pas, les traîna dans son antre à reculons, par la queue. Le héros se disposait à quitter ces pâturages. lorsque les bœufs qui lui restaient se mirent à mugir : les vaches enfermées dans l'antre répondirent par des beuglements. Hercule, furieux, court vers la caverne ; mais l'ouverture en était fermée avec un rocher énorme que tenaient suspendu des chaînes forgées par Vulcain. Il ébranle les rochers, se fraye un passage, s'élance dans la caverne à travers les tourbillons de flamme et de fumée que le monstre vomit ; il le saisit, l'étreint de ses mains robustes, et l'étrangle. Ovide le lui fait tuer à coups de massue.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cacus

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 11:06
de André-Yves Bourgès
André-Yves Bourgès a écrit:
Aeruuan a écrit:Qu'est ce qu'un roi tel qu'arthur fait avec une massue? Surtout que dans une autre version bretonne, recente elle aussi on lui a mis une epée, ce qui convient mieux à un roi.


La massue à trois noeuds (clava trinodis) est un emprunt littéraire verbatim à Ovide, que l'on retrouve également dans la Comoedia Babionis, poème du début du XIIe siècle (et cf. plus bas ce qui est dit de la peau de lion).


Précision utile : l'hagiographe de saint Efflam ne donne jamais dans son ouvrage le titre de roi à Arthur, qu'il qualifie de "très énergique", ou "très vaillant" (fortissimus) et dont il souligne essentiellement l'activité de "chasseur de monstres".

AYB

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 11:18
de Sedullos
Salut,

Aeruuan a écrit:Qu'est ce qu'un roi tel qu'arthur fait avec une massue? Surtout que dans une autre version bretonne, recente elle aussi on lui a mis une epée, ce qui convient mieux à un roi.
Hercule dans le texte des fasti quand à lui tue le dragon, ce qui est loin d'etre le cas d'arthur, bien au contraire.

S'agit il d'une ruse quand la bete se met à reculer dans la version bretonne?
Il n'y a pas de sacrifice humain avec cacus.
Hercule est bien le fils de zeus le dieu du tonnerre,non?

Autre chose un peu a part, Cacus est il reellement un dragon?

Excusez moi mais il me semble que ce soit legerement different un manteau et un bouclier. Que dans la version bretonne l'auteur connaisse des classiques ca n'a l'air de faire aucun doute. Mais la fonction d'un manteau et d'un bouclier est plutot tres eloigné à premiere vue. Pourquoi arthur n'a pas de manteau en peau de lion qui l'en empeche? pourquoi l'auteur aurait "caché" son copiage? il y avait des copyrights à l'epoque?


Fil intéressant !

Juste deux ou trois remarques à propos des armes.

Dans un épisode centré sur Tombelaine, Arthur tue un géant cannibale (et/ou violeur) armé d'une massue. La peau du lion de Némée est à la fois le trophée et "l'armure" d'Héraklès !

Une illustration datée du XVe présente un Arthur armé d'une grande hache d'armes ou hallebarde comme celles utilisées à Azincourt par les Perfides :s45:

Les Gaulois du IIIe siècle av. J.-C. ont parfois utilisé leur sayon, roulé autour du bras, comme substitut du bouclier, cf Polybe, (à vérifier)

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 11:29
de Sedullos
Toujours à propos des massues et en restant dans la légende et le mythe, elles sont utilisées par ou associées à des rois ou grands guerriers : des rois plus ou moins historiques sont enterrés avec une panoplie comprenant une massue de fer ; Sreng des Fir Bolg et les TDD et Fomore ont aussi des massues de fer de même que Cúchulainn. Un passage du Peredur gallois dit que celui qui maîtrise l'art du bâton connaît l'art de l'épée.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 12:50
de Aeruuan
André-Yves Bourgès a écrit:
Précision utile : l'hagiographe de saint Efflam ne donne jamais dans son ouvrage le titre de roi à Arthur, qu'il qualifie de "très énergique", ou "très vaillant" (fortissimus) et dont il souligne essentiellement l'activité de "chasseur de monstres".

AYB



Meme si le titre de roi n'est pas donné, il dit qu'il s'agit tout de meme d'arthur. Est ce que l'hagiographe precise qu'il est avec toute sa clique de guerriers ou pas?

André-Yves Bourgès a écrit:
La massue à trois noeuds (clava trinodis) est un emprunt littéraire verbatim à Ovide, que l'on retrouve également dans la Comoedia Babionis, poème du début du XIIe siècle (et cf. plus bas ce qui est dit de la peau de lion).


Je crois que les origines classique de la massue ne fait pas l'ombre d'un doute, mais quel heureux hasard tout de meme. La representation d'Arthur accompagné d'un ecuyer combatant un dragon sur le chapiteau du portail de l'eglise de Perros (selon Gwenael Le duc), est tres ressemblant au relief de Malatya. Quel est votre avis la dessus?
Sur ce relief le dieu du tonnerre hittite a à la fois un lance et une massue.
Une massue pour un dieu du tonerre hittite et pour le fils de zeus ca me laisse dubitatif.


André-Yves Bourgès a écrit:
Sur la fonction de protection exercée parallèlement par le manteau et le bouclier, je laisse intervenir les spécialistes ; mais quant aux procédés littéraires des hagiographes médiévaux, notamment la centonisation et la paraphrase, je vous renvoie aux nombreux travaux récents d'hagiologie et d'histoire littéraire : disons pour simplifier que l'hagiographe fait un clin d'oeil à son public de lettrés comme lui : "voyez comme je connais bien mes classiques ; mais je suis un créateur alors je détourne, j'enjolive, j'adapte,..."


Mais il aurait fallu que l'hagiographe sache qu'un manteau pourrait avoir la meme fonction qu'un bouclier.



André-Yves Bourgès a écrit:
Je ne disconviens pas pour ma part que le travail de Sergent ne soit très séduisant ; mais j'en reviens une nouvelle fois aux aspects méthodologiques : pourquoi privilégier le texte le plus récent sans tenir compte de ce que les témoins antérieurs pourraient nous apprendre de l'évolution de la "légende" ?

Voilà ce que j'en pense avec mes tres modestes moyens.


Modestes ou pas, vos moyens ne sont pas en cause ; la controverse et le débat sont toujours enrichissants pour ceux qui s'intéressent à la question ; mais attention aux déclarations d'opinion et aux polémiques.


Vous avez tout à fait raison. Je vous promet de faire le plus attention possible.



J'ai une reflexion toute personnelle lié à une observation toute aussi personnelle. Je voudrais mettre l'accent sur la comparaison lug/eflamm. Il y a un passage qui n'a pas ete relevé par Sergent et qui va tout à fait dans son sens. C'est dans le barzaz breizh.
Quand Enora voit son mari en songe.

"Enfin elle s'endormit de lassitude, et eu un songe. Elle vit son mari debout près d'elle, aussi beau que le blond soleil".

Je suppose qu'il est inutile de mettre ce passage en breton.

En plus de ce passage il est fait allusion qu'Eflamm soit jeune et beau, normal pour un prince vous me direz. Ces quelques lignes seules ne valle pas grand chose mais cumulées aux autres ca fait un ensemble interressant. C'est aussi Eflamm qui "terrasse" le dragon à la place d'arthur.

Alors d'accord c'est aussi une version recente et je suppose que ce passage n'existe pas dans les versions anterieures, mais si c'est bien le cas, d'où pourrait provenir ces quelques lignes et pourquoi l'auteur du Barzaz Breizh aurait parler d'Eflamm en ces termes?

Derniere chose, j'aimerais beaucoup avoir (traduite) la version la plus ancienne de la vie de saint eflamm, j'ai deja essayé de la trouver il y a un bout de temps et impossible de l'avoir. A moins que quelqu'un poste ici quelques passages?

Sedullos a écrit:Toujours à propos des massues et en restant dans la légende et le mythe, elles sont utilisées par ou associées à des rois ou grands guerriers : des rois plus ou moins historiques sont enterrés avec une panoplie comprenant une massue de fer ; Sreng des Fir Bolg et les TDD et Fomore ont aussi des massues de fer de même que Cúchulainn. Un passage du Peredur gallois dit que celui qui maîtrise l'art du bâton connaît l'art de l'épée.


quel passage de cuchulainn?

En bref je constate quand meme que la massue est l'attribut des grands rois ou des grands guerriers. Arthur est un grand roi. Cela reste donc un emprunt heureux de lui attribuer une massue.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 14:24
de Sedullos
quel passage de cuchulainn?
Honnêtement, je ne sais plus :mrgreen:

Elle ne joue pas un grand rôle dans la panoplie du héros.

Si on suit les interprétations d'Ananda Kentish Coomaraswamy, La doctrine du sacrifice et de Jean Varenne, Cosmogonies védiques, le meurtre du dragon est Le Sacrifice.

Le dragon Vritra est le Constricteur, celui qui retient captives les eaux, les rivières qui sont aussi les Aurores et les Vaches. Indra le Tueur de Dragon est assisté d'Agni, Le Feu ou de Visnu, celui qui élargit l'Univers en faisant trois pas en avant* , un dieu à la chaussure tout comme le sont à leur façon et dans des contextes différents le Vidar du Ragnarök scandinave ou plus près de nous le Chat botté, tueur d'ogre.

*Cacus fait des pas en arrière :s46:

Le vajra , l'arme d'Indra a été interprétée comme une hache ou une massue, voire un disque ou une arme de jet.