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Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 15:00
de André-Yves Bourgès
Aeruuan a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:
Précision utile : l'hagiographe de saint Efflam ne donne jamais dans son ouvrage le titre de roi à Arthur, qu'il qualifie de "très énergique", ou "très vaillant" (fortissimus) et dont il souligne essentiellement l'activité de "chasseur de monstres".

AYB



Meme si le titre de roi n'est pas donné, il dit qu'il s'agit tout de meme d'arthur. Est ce que l'hagiographe precise qu'il est avec toute sa clique de guerriers ou pas?


La vita de saint Efflam parle du seul Arthur, pas une seule fois de ses compganons ; en revanche le saint lui est accompagné par d'autres religieux.

Aeruuan a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:
La massue à trois noeuds (clava trinodis) est un emprunt littéraire verbatim à Ovide, que l'on retrouve également dans la Comoedia Babionis, poème du début du XIIe siècle (et cf. plus bas ce qui est dit de la peau de lion).


Je crois que les origines classique de la massue ne fait pas l'ombre d'un doute, mais quel heureux hasard tout de meme. La representation d'Arthur accompagné d'un ecuyer combatant un dragon sur le chapiteau du portail de l'eglise de Perros (selon Gwenael Le duc), est tres ressemblant au relief de Malatya. Quel est votre avis la dessus?


Je partage l'avis de M. Aurell dans son beau livre sur La légende du roi Arthur, p. 217-219, avis récemment confirmé par E. Dehoux qui lui a donné de nouveaux développements dans son article, encore inédit je crois, intitulé : "« Pour la colère du plus grand roi des Bretons » ? Arthur, l’évêque, l’apôtre et les dragons au portail de l’église de Perros-Guirec", lequel fait suite à sa présentation en janvier dernier au CRBC : ces deux chercheurs concluent au terme d'une démonstration serrée, impossible à résumer en quelques mots, et notamment parce que les armes figurées à Perros-Guirec dans la représentation d'un combat de deux individus contre un "animal" sont clairement une épée courte et un épieu, qu'il ne s'agit pas de la scène dont l'hagiographe de saint Efflam fait le récit, d'autant que, comme je viens de le rappeler, Arthur est le seul guerrier présent dans ce récit.



Aeruuan a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:
Sur la fonction de protection exercée parallèlement par le manteau et le bouclier, je laisse intervenir les spécialistes ; mais quant aux procédés littéraires des hagiographes médiévaux, notamment la centonisation et la paraphrase, je vous renvoie aux nombreux travaux récents d'hagiologie et d'histoire littéraire : disons pour simplifier que l'hagiographe fait un clin d'oeil à son public de lettrés comme lui : "voyez comme je connais bien mes classiques ; mais je suis un créateur alors je détourne, j'enjolive, j'adapte,..."


Mais il aurait fallu que l'hagiographe sache qu'un manteau pourrait avoir la meme fonction qu'un bouclier.


Les hagiographes médiévaux le savent, depuis Grégoire de Tours qui, au VIe siècle, nous rapporte l'histoire de cet enfant qui, ayant abjuré la religion juive, est jeté dans une fournaise par son propre père mais se voit miraculeusement protégé par le manteau de la Vierge.


Aeruuan a écrit:J'ai une reflexion toute personnelle lié à une observation toute aussi personnelle. Je voudrais mettre l'accent sur la comparaison lug/eflamm. Il y a un passage qui n'a pas ete relevé par Sergent et qui va tout à fait dans son sens. C'est dans le barzaz breizh.
Quand Enora voit son mari en songe.

"Enfin elle s'endormit de lassitude, et eu un songe. Elle vit son mari debout près d'elle, aussi beau que le blond soleil".

Je suppose qu'il est inutile de mettre ce passage en breton.

En plus de ce passage il est fait allusion qu'Eflamm soit jeune et beau, normal pour un prince vous me direz. Ces quelques lignes seules ne valle pas grand chose mais cumulées aux autres ca fait un ensemble interressant. C'est aussi Eflamm qui "terrasse" le dragon à la place d'arthur.

Alors d'accord c'est aussi une version recente et je suppose que ce passage n'existe pas dans les versions anterieures, mais si c'est bien le cas, d'où pourrait provenir ces quelques lignes et pourquoi l'auteur du Barzaz Breizh aurait parler d'Eflamm en ces termes?


Le texte breton et l'adaptation française sont accessibles ici: on reparle de cette strate de l'histoire de saint Efflam un peu plus tard, si vous le voulez bien.

Aeruuan a écrit:Derniere chose, j'aimerais beaucoup avoir (traduite) la version la plus ancienne de la vie de saint eflamm, j'ai deja essayé de la trouver il y a un bout de temps et impossible de l'avoir. A moins que quelqu'un poste ici quelques passages?


A ma connaissance, il n'existe pas de traduction de la vita de saint Efflam. La version d'Albert Le Grand (1636) est accessible en ligne ici : ce qui se rapporte au dragon est aux § v, vi et vii.

Cordialement,

André-Yves Bourgès

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 15:11
de Sedullos
AYB a écrit:Les hagiographes médiévaux le savent, depuis Grégoire de Tours qui, au VIe siècle, nous rapporte l'histoire de cet enfant qui, ayant abjuré la religion juive, est jeté dans une fournaise par son propre père mais se voit miraculeusement protégé par le manteau de la Vierge.
Ou du bon usage de l'amiante :P

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 15:39
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:
AYB a écrit:Les hagiographes médiévaux le savent, depuis Grégoire de Tours qui, au VIe siècle, nous rapporte l'histoire de cet enfant qui, ayant abjuré la religion juive, est jeté dans une fournaise par son propre père mais se voit miraculeusement protégé par le manteau de la Vierge.
Ou du bon usage de l'amiante :P


:mrgreen:

Au passage, je signale que cette histoire se trouve dans Evagrius Scholasticus, Hist. eccl., liv. IV, chap. xxxvi (voir traduction anglaise ici). Le compilateur tardif du Patriarchium Bituricense rapporte un fait semblable au temps de l'évêque Humatus (523-527) dans l'église de Notre- Dame de Bourges. Ah, ces hagiographes, toujours à se piquer les anecdotes édifiantes !

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 15:51
de Alexandre
André-Yves Bourgès a écrit:Ah, ces hagiographes, toujours à se piquer les anecdotes édifiantes !

Tu ne crois pas si bien dire !
Ce qui vaut pour les hagiographes vaut aussi pour les auteurs antiques : les attributs et les anecdotes s'échangent d'un personnage à l'autre dès lors qu'ils ont généalogiquement proches et/ou ont des points communs spécifiques en rapport avec l'anecdote. Certains personnages, parce qu'ils sont particulièrement populaires, "capturent" plus que d'autres. Dans ce registre, Heraklès a "absorbé" (c'est le terme consacré) énormément d'anecdotes originellement propres à Cadmos, Achilles, et d'autres.

Le feu

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 17:27
de Muskull
Bonjour,
Dans la Bible et le Coran il y a plusieurs exemples de prophètes (dont Abraham) et de "saints" à qui le feu ne peut faire le moindre mal car ils ont le "manteau de la sainteté". Voir Elie qui confie son manteau à Elisée, son disciple.

Je suis tout à fait d'accord avec le terme "d'absorption" des traditions anciennes par les nouvelles (orales ou écrites) qu'évoque Alexandre.

Néanmoins je voudrais signaler que les hagiographes et autres auteurs médiévaux "absorbent" surtout les écrits des cultures grecques et latines (la Bible, Ovide, etc...) dont ils peuvent disposer en les temps et lieux où des copies existent et qu'ils "teintent" en fonction du public visé.
Les coïncidences existantes entre les mythes celtiques gallois ou irlandais viennent, à mon humble avis, de cette "teinture" donnée mais aussi des archétypes propres aux différentes cultures où l'on peut effectivement retrouver des mythes indo-européens mais pas solitaires car les référentiels chrétiens étaient forts et agissants.
Lug est, à mon sens, un héros solaire divinisé (comme Jésus), ce héros en mort et rédemption se retrouve dans des mythes universels.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 17:30
de André-Yves Bourgès
Alexandre a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:Ah, ces hagiographes, toujours à se piquer les anecdotes édifiantes !

Tu ne crois pas si bien dire !


Si, si ! Cela fait d'ailleurs trente ans que cela m'occupe !

AYB

Re: Le feu

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 17:57
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Néanmoins je voudrais signaler que les hagiographes et autres auteurs médiévaux "absorbent" surtout les écrits des cultures grecques et latines (la Bible, Ovide, etc...) dont ils peuvent disposer en les temps et lieux où des copies existent et qu'ils "teintent" en fonction du public visé.


Bonjour ami Muskull,

Ils ne les "absorbent" pas : ils en sont "imprégnés" ! L'Ecriture sainte, les Pères de l'Eglise, les textes hagiographiques, qu'ils "recyclent" en permanence, etc. ; mais également les auteurs profanes de l'Antiquité, grecque et latine ; puis les écrivains du bas Empire et ceux des périodes suivantes, sans parler du contact permanent et durable avec Byzance et avec l'Orient de l'époque, notamment avec les Syriaques, contacts qui permettent très tôt la transmission en Orient de traditions sur la Dormition de la Vierge et celle des Sept Dormants d'Ephèse (voir là encore le témoignage de Grégoire de Tours), etc., etc.

Tout cela pour souligner, comme dans le débat amorcé avec Erwan, que les recherches sur la circulation, les échanges, le développement et l'évolution des mythèmes s'inscrivent, me semble-t-il, tout autant dans le cadre de l'histoire littéraire "traditionnelle", érudite - horresco referens !! - que dans des approches empruntées à l'ethnologie.

Bien cordialement,

AYB

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 18:07
de Alexandre
Faut-il rappeler qu'on est parti de la forte ressemblance entre une hagiographie bretonne et un mythe hittite. Si l'on tient absolument à voir l'influence de Virgile dans le texte breton, ne déplace-t-on pas le problème ? Qui va soutenir une influence hittite sur le texte latin ?

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 18:30
de Muskull
Hi cher ami !
Absorption, imprégnation puis exsudation est le propre de tous les auteurs littéraires même actuellement, sorte de "pierre-éponges" sur lesquelles se bâtissent parfois même des églises ou du moins des sectes. :wink:

Tu écris:
Tout cela pour souligner, comme dans le débat amorcé avec Erwan, que les recherches sur la circulation, les échanges, le développement et l'évolution des mythèmes s'inscrivent, me semble-t-il, tout autant dans le cadre de l'histoire littéraire "traditionnelle", érudite - horresco referens !! - que dans des approches empruntées à l'ethnologie.

En cela je suis parfaitement en accord et il faut des "érudits" pour démêler les fils des influences qui ont faite la pensée dominante du moyen-âge.
"Celtains" rêve de la 'perduration' des mythes celtiques très peu connus en fait à ces époques est monté en graine par des 'identitaires' mais il est vrai que quelques souvenirs perdurent en "teinture" comme je le disais précédemment.
Notamment dans "le voyage de Bran" gallois où cela semble manifeste.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 18:44
de André-Yves Bourgès
Alexandre a écrit:Faut-il rappeler qu'on est parti de la forte ressemblance entre une hagiographie bretonne et un mythe hittite. Si l'on tient absolument à voir l'influence de Virgile dans le texte breton, ne déplace-t-on pas le problème ? Qui va soutenir une influence hittite sur le texte latin ?


Attention, ressemblance reconnue par B. Sergent entre le récit mythique hittite et la version la plus récente du récit hagiographique, dont précisément plusieurs des éléments qui permettent à B. Sergent de soutenir cette ressemblance n'appartiennent pas à la tradition littéraire de cette "légende", en particulier au texte le plus ancien (des XIe-XIIe siècles).

Parmi les nombreux spécialistes du forum, quelqu'un aurait-il l'amabilité de répondre à la question implicite de ce fil : le fait de privilégier la version la plus récente de la "légende", transmise comme les versions antérieures par un "homme de lettres" (car Le Braz aussi bien que l'auteur de la vita de saint Efflam aux XIe-XIIe siècles ou le dominicain Albert Le Grand au XVIIe siècle sont des "hommes de lettres") et sans tenir compte que plusieurs des éléments qui figurent dans le texte de Le Braz ne figurent pas dans les témoins antérieurs est-il négligeable au point de vue méthodologique ?

Il me semble (comme je l'ai écrit dans un article dont j'ai donné les références et l'accès en ligne) que "le combat d’Arthur contre le dragon apparaît comme un épisode superfétatoire, largement tributaire du récit similaire relatif à Cadmus dans les Métamorphoses d’Ovide, ainsi que de l’affrontement entre Hercule et Cacus dans les Fastes du même poète".

Alexandre, qui va en effet soutenir une influence hittite sur un texte latin, lequel faisait au demeurant partie de la bibliothèque des hagiographes bretons et dont ceux-ci étaient "imprégnés" ?

Le même type d'emprunt littéraire par l'hagiographe de saint Efflam "se voit également avec l’anecdote relative à la forêt dans laquelle l’hagiographe situe la retraite de saint Gestin, l’éponyme de la paroisse de Plestin et le prédécesseur de saint Efflam dans cette contrée : Efflam se serait en effet installé, au lieu-dit Donguel, dans la "cellule" que Gestin avait autrefois désertée pour entreprendre un pèlerinage à Rome . La forêt où, à son retour, s’était retiré le saint était devenue, aux dires de l’hagiographe, un lieu magique, où s’accomplissaient des prodiges qui décourageaient quiconque de venir ramasser le bois tombé à terre, ou de se livrer à une coupe réglée ; mais l’influence de la description par Lucain du bois sacré des Massaliotes est trop manifeste pour ne pas voir là encore un effet littéraire".

Là encore Lucain est un des auteurs favoris des hagiographes bretons.

J'attends une réponse à ma question ci-dessus avant de revenir sur ce fil de discussion, car je crains que nous ne parlions pas de la même chose.

AYB

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 18:49
de Muskull
Alexandre a écrit:Faut-il rappeler qu'on est parti de la forte ressemblance entre une hagiographie bretonne et un mythe hittite. Si l'on tient absolument à voir l'influence de Virgile dans le texte breton, ne déplace-t-on pas le problème ? Qui va soutenir une influence hittite sur le texte latin ?

A mon avis ce n'est qu'une coïncidence archétypale sur le mythe du héros I.E. qui s'est transmis de culture à culture.
Les développements sociologiques dans des cultures post-modernes sont très proches avant la "révolution industrielle" qui introduit de nouveaux facteurs d'analyse et de nouveaux concepts sur l'analyse de l'histoire.

AYB écrit:
Parmi les nombreux spécialistes du forum, quelqu'un aurait-il l'amabilité de répondre à la question implicite de ce fil : le fait de privilégier la version la plus récente de la "légende", transmise comme les versions antérieures par un "homme de lettres" (car Le Braz aussi bien que l'auteur de la vita de saint Efflam aux XIe-XIIe siècles ou le dominicain Albert Le Grand au XVIIe siècle sont des "hommes de lettres") et sans tenir compte que plusieurs des éléments qui figurent dans le texte de Le Braz ne figurent pas dans les témoins antérieurs est-il négligeable au point de vue méthodologique ?

Je ne suis en rien spécialiste mais un peu littéraire et l'influence en ce domaine des anciens sur les nouveaux est prépondérante comme je le signalais plus haut sur les influences traditionnelles. Les hagiographes médiévaux peuvent être considérés comme de romanciers car leur but était de plaire aux puissants de l'époque et ils "piochaient" à toutes les sources possibles pour le faire.
Ainsi font les "grands" écrivains à succès contemporains comme Umberto Ecco...

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 19:19
de Alexandre
André-Yves Bourgès a écrit:Parmi les nombreux spécialistes du forum, quelqu'un aurait-il l'amabilité de répondre à la question implicite de ce fil : le fait de privilégier la version la plus récente de la "légende", transmise comme les versions antérieures par un "homme de lettres" (car Le Braz aussi bien que l'auteur de la vita de saint Efflam aux XIe-XIIe siècles ou le dominicain Albert Le Grand au XVIIe siècle sont des "hommes de lettres") et sans tenir compte que plusieurs des éléments qui figurent dans le texte de Le Braz ne figurent pas dans les témoins antérieurs est-il négligeable au point de vue méthodologique ?

La linguistique nous livre des exemples qui nous montrent qu'ancienneté d'attestation ne signifie pas ancienneté de conception, et inversement que texte tardif ne signifie pas nécessairement conception tardive :
Le nom indo-européen de la guêpe est *wobhseh2
Il est illustré par le vieil haut allemand vefsa, qui a influencé le latin vespa, le lituanien vapsva, et quelques gloses celtiques.
Le cas des langues iraniennes est intéressant : en avestique, plus vieille langue iranienne attestée, le cognat de *wobhseh2 est wawβaka qui désigne un scorpion. Pourtant le moyen perse atteste plusieurs siècles plus tard de la forme vabz avec le sens original de guêpe. A moins d'imaginer un curieux aller-retour, on a une illustration de la conservation d'une conception hors de toute attestation écrite.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 19:20
de Alexandre
Muskull a écrit:A mon avis ce n'est qu'une coïncidence archétypale sur le mythe du héros I.E. qui s'est transmis de culture à culture.

Qu'appelles-tu une coïncidence archétypale ?

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 20:20
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:
AYB écrit:
Parmi les nombreux spécialistes du forum, quelqu'un aurait-il l'amabilité de répondre à la question implicite de ce fil : le fait de privilégier la version la plus récente de la "légende", transmise comme les versions antérieures par un "homme de lettres" (car Le Braz aussi bien que l'auteur de la vita de saint Efflam aux XIe-XIIe siècles ou le dominicain Albert Le Grand au XVIIe siècle sont des "hommes de lettres") et sans tenir compte que plusieurs des éléments qui figurent dans le texte de Le Braz ne figurent pas dans les témoins antérieurs est-il négligeable au point de vue méthodologique ?

Je ne suis en rien spécialiste mais un peu littéraire et l'influence en ce domaine des anciens sur les nouveaux est prépondérante comme je le signalais plus haut sur les influences traditionnelles. Les hagiographes médiévaux peuvent être considérés comme de romanciers car leur but était de plaire aux puissants de l'époque et ils "piochaient" à toutes les sources possibles pour le faire.
Ainsi font les "grands" écrivains à succès contemporains comme Umberto Ecco...


Merci l'ami, mais tu ne réponds pas à ma question qui porte sur la méthode de B. Sergent.

AYB

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Ven 17 Juil, 2009 20:45
de André-Yves Bourgès
Alexandre a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:Parmi les nombreux spécialistes du forum, quelqu'un aurait-il l'amabilité de répondre à la question implicite de ce fil : le fait de privilégier la version la plus récente de la "légende", transmise comme les versions antérieures par un "homme de lettres" (car Le Braz aussi bien que l'auteur de la vita de saint Efflam aux XIe-XIIe siècles ou le dominicain Albert Le Grand au XVIIe siècle sont des "hommes de lettres") et sans tenir compte que plusieurs des éléments qui figurent dans le texte de Le Braz ne figurent pas dans les témoins antérieurs est-il négligeable au point de vue méthodologique ?

La linguistique nous livre des exemples qui nous montrent qu'ancienneté d'attestation ne signifie pas ancienneté de conception, et inversement que texte tardif ne signifie pas nécessairement conception tardive :
Le nom indo-européen de la guêpe est *wobhseh2
Il est illustré par le vieil haut allemand vefsa, qui a influencé le latin vespa, le lituanien vapsva, et quelques gloses celtiques.
Le cas des langues iraniennes est intéressant : en avestique, plus vieille langue iranienne attestée, le cognat de *wobhseh2 est wawβaka qui désigne un scorpion. Pourtant le moyen perse atteste plusieurs siècles plus tard de la forme vabz avec le sens original de guêpe. A moins d'imaginer un curieux aller-retour, on a une illustration de la conservation d'une conception hors de toute attestation écrite.


Merci Alexandre : mais l'attestation la plus ancienne donne au moins un terminus a quo pour ce que tu appelles la conception non ? En outre, dans le cas qui nous occupe, nous avons affaire à une longue tradition littéraire avec plusieurs témoins répartis dans le temps : pourquoi donc B. Sergent a-t-il choisi de privilégier le plus récent en écartant les plus anciens, notamment celui du premier hagiographe connu (XIe-XIIe siècles) ? Si j'étais aussi perfide que Pierre :D , je poserais la question : par méconnaissance du dossier ou ignorance du latin ?

AYB