Aeruuan a écrit:J'ai recu, à ma demande, l'article de bernard sergent sur la legende de St eflamm. Et j'ai ete tres etonné de constater qu'il y a un arthur specifiquement breton continental, et qui de plus est a des particularismes comme le fait d'avoir un gourdin, selon certaines versions.
J'ai une reflexion toute personnelle lié à une observation toute aussi personnelle. Je voudrais mettre l'accent sur la comparaison lug/eflamm.
En guise de rapprochements et de comparaisons, les aspects héroïques, emblématiques et allégoriques de l’histoire d’Arthur contre le dragon, démontrent son attachement aux causes perdues d'avance, si constant dans l’histoire des populations celtiques opprimées. Brandissant l’épée (
gleze ou
kleze du conte breton), — devenu dans d’autres versions et comme par enchantement un gourdin, le
penn-baz —, dernier et unique secours, il est protecteur et fédérateur de son peuple. Manière forte de marquer son territoire, de repousser hors des frontières l’autre, la bête malfaisante, l’ennemi venu d’ailleurs et sa religion païenne, là où les efforts de la diplomatie ont échoué…
De cet embrouillamini d’épée devenu gourdin à trois nœuds
(clava trinodis), Arthur, comme redresseur de tors, lutte contre le dragon, celui qui est dans le mal et fait le mal. Probablement que le premier nœud est destiné comme coup de semonce pour avertir, le deuxième pour mieux faire comprendre, et finalement le troisième pour
y'a pas, faut que çà rentre !?!
-----------------------Sous la férule du maître.------------Gossouin de Metz, Image du monde, XIVe siècle, Paris,
--------------------BnF, département des Manuscrits, Français 574, fol. 27. Quelques notes complémentaires de poids et arguments de choc à ajouter à cette captivante étude :
J. Chevalier, A. Gheerbrant a écrit:
HÉRACLÈS (Hercule)
1. Ses travaux, ses exploits, ses aventures défraient les chroniques mythologiques et font d’Héraclès le plus populaire des héros. […] Mais les images qui se détachent de trop riches légendes montrent le personnage oscillant entre l’athlète de foire et Don Quichotte. […]
2. La fonction de l’Hercule classique est assumée en Irlande par Cùchulainn, qui est le fils du dieu Lug, comme Hercule est fils de Jupiter. La popularité ou célébrité du héros* celtique suffit à rendre compte de la grande extension du culte d’Hercule en Gaule à l’époque romaine. Les auteurs grecs racontent que le héros était, en Gaule, père de Keltos et de Galatos, et qu’il avait parcouru toute la Celtique, mais les détails qu’ils apportent sont lacunaires. L’Hercule celtique symbolise uniquement la force pure. Il a part aussi à l’aspect magique de la fonction guerrière.
MASSUE (Maillet)
1. La massue du Dagda apparaît couramment comme associée à la force brutale et primitive. Elle est l’arme d’Héraclès. […]
2. La massue du Dagda est l’attribut principal de cette divinité : elle tue par un bout et ressuscite par l’autre.
---- Dans la tradition celtique, le Livre Jaune de Lecan (XVe siècle) explique à Dagda : Cette grande massue que tu vois a une extrémité douce et une extrémité rude. L’une des extrémités tue les vivants et l’autre extrémité ressuscite les morts. Dagda le vérifia par l’expérience et garda la massue à condition : de tuer ses ennemis et de ressusciter ses amis. Il devint ainsi roi d’Irlande. Exemple de bipolarité des symboles. On trouve des équivalents de la massue dans la mythologie indo-européenne : la massue d’Héraclès, le marteau* de Thor, le vazra du Mitra indo-iranien, le vajra ou arme-foudre d’Indra dans le Veda, le Fulmen de Zeus, à la fois dieu fulgurant, juge et terrible. Le bâton de Moïse, qui opérait des prodiges, avait aussi son double pouvoir, bénéfique et maléfique, ouvrant et refermant un passage dans la mer, faillant jaillir des sources ou se transformant en serpent. La lance d’Achille avait la double qualité de blesser et de guérir.
---- La valeur symbolique de la massue rejoint celle de la foudre : force double, d’essence unique, mais pouvant avoir des effets opposés.
3. Quand le Dagda ne porte pas la massue, il faut huit hommes pour la traîner et la trace qu’elle laisse suffit, dit le texte du Cath Maighe Tuireadh ou Bataille de Mag Tured, à constituer une frontière de province. Il existe du reste une assez curieuse paronymie entre le nom irlandais de la massue (lorg) et celui de la trace (lerg). […] La signification symbolique générale n’est sans doute pas différente de celle du foudre latin, distributeur de vie (la foudre participe de la fécondité selon le cas. Mais on peut y ajouter une remarque quant au symbole de la frontière ; le Dagda étant aussi le dieu du contrat et de l’amitié, la massue joue là encore un rôle arbitral et équilibrant.
4. On doit enfin comparer aux qualités intrinsèques de la massue du Dagda celle des armes de quelques dieux ou héros (Lug, Cùchulainn) dont les blessures sont incurables, hormis le cas où le propriétaire de l’arme veut bien les soigner lui-même : c’est ainsi que la Morogan, déesse de la guerre, que Cùchulainn avait gravement blessée, obtient par ruse sa guérison du jeune héros. Mais la massue n’est pas toujours mortelle ou guerrière : le conte gallois d’Owen et Lunet évoque de son côté le dieu noir de la première clairière, géant n’ayant qu’un pied, un œil au milieu du front et, à la main, une massue de fer. C’est le maître des animaux. De sa massue il frappe un cerf au front et, au bramement de ce dernier, accourent des milliers d’animaux (PGAC, 12, 360-363 ; LOTM, 2, 9-10).
5. Du point de vue psychologique et éthique, elle est le symbole du pouvoir de dominer par écrasement. Faite de peaux d’animaux, comme chez certains personnages mythiques, elle signifie l’écrasement par l’animalité. Entre les mains d’un brigand ou d’un héros, elle peut indiquer, soit la perdition consécutive à la perversité, soit son châtiment légal. La massue dans la main du brigand est le symbole de la perversité écrasante ; maniée par le héros, la massue devient symbole de l’écrasement et de la perversité (DIES, 184). Perversité écrasante, perversité écrasé, on retrouve ici l’ambivalence de tous les symboles de la force.
Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Éditions Seghers, tome III, 1973, 414 pages, pp. 16-7 et 194-6.