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Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2009 19:53
de Alexandre
Sedullos a écrit:On pourrait aussi envisager s'il s'agit d'une massue, ayant eu une existence réelle, que c'était en rapport avec l'essence utilisée (du chêne ?) et avec sa structure. Il faut couper telle longueur d'un jeune arbre, d'où partent trois branches, les noeuds assurant la fonction de percuteur tout en maintenant la cohésion de l'arme...

Je suis d'accord : en l'absence de tout commentaire ancien sur la question, et faute de points de comparaison, il vaut mieux faire simple.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2009 20:05
de Sedullos
Où l'on découvre que l'expertise du bûcheron ou du menuisier pourrait aider l'historien des religions :
si quelqu'un s'y connaît en bois !

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2009 20:59
de Alexandre
Ce n'est pas aussi surprenant que tu sembles le croire : l'expertise du forgeron est très riche d'enseignement en matière d'histoire des religions. Celles du tailleur de pierre et de bois l'étaient sûrement aussi dans des sociétés où ils occupaient une place vitale.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2009 21:56
de Pierre
Sedullos a écrit:Où l'on découvre que l'expertise du bûcheron ou du menuisier pourrait aider l'historien des religions :
si quelqu'un s'y connaît en bois !


Salut Sedullos,

As-tu lu ?

M. Parker Pearson, A. Chamberlain, N. Field, J. Rylatt, "Fiskerton : la déposition votive et les éclipses lunaires en Angleterre et sur le Continent" in L'âge du Fer dans l'arc jurassien et ses marges - Dépôts, lieux sacrés et territorialité à l'âge du Fer, Actes du XXIXe Colloque de l'A.F.E.A.F., Bienne, 5-8 mai 2005, Volume 2. En partie visionnable sur Google-books (page 444).

Très curieux cette relation entre l'abattage des arbres et les éclipses lunaires... Le bucheron devait couper juste ... au bon moment :wink:

@+Pierre

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2009 22:50
de Sedullos
Salut, Pierre, non pas encore : j'ai un mètre de colloques en attente, plus... pfffffffffffffffff

Je regarderai ça !

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2009 23:04
de Sedullos
Alexandre a écrit:Ce n'est pas aussi surprenant que tu sembles le croire : l'expertise du forgeron est très riche d'enseignement en matière d'histoire des religions. Celles du tailleur de pierre et de bois l'étaient sûrement aussi dans des sociétés où ils occupaient une place vitale.


Allons, je suis tout sauf naïf, Alexandre. Cela fait longtemps que je sais l'importance du travail manuel et des lois qui le régissent, les lois de l'acier, du bois, de la terre, du fil, même si je ne comprends pas tout, ne pratiquant rien de tout cela.

D'abord en lisant Guénon, un pur intellectuel qui admirait le savoir-faire des artisans ainsi que Forgerons et alchimistes d'Eliade.

Ensuite j'ai rencontré certains archéologues, je pense à Jean-Paul Guillaumet et à Olivier Buchsenschutz, qui appartiennent à une génération qui a connu les artisans ou les paysans d'avant la mécanisation.

Enfin en regardant le travail de mes camarades reconstituteurs.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 9:10
de Sedullos
Salut,

Je reviens au sujet.

B Sergent a écrit:On rapporte aussi que le dragon regagnait son repaire en marchant à reculons, et qu'Arthur le combattit armé d'une massue et d'un bouclier. Dans le cantique de 1819, il a une épée, et le dragon est pourvu de deux cornes.


L'équipement d'Arthur, le couple massue + bouclier diffère de celui d'Hercule /Héraklès,
arc, flèches, carquois + massue + peau du lion de Némée que l'on retrouve dans la peinture de l'Ogmios de Lucien.

Une illustration de Peter Connolly montre un frondeur, un archer oriental et un auxiliaire germanique avec massue et bouclier ovale.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 12:17
de Sedullos
Ce qui m'intrigue dans ces textes, c'est :
On rapporte aussi que le dragon regagnait son repaire en marchant à reculons


Anrdé-Yves confirme l'interprétation comme une ruse de l'animal.

Ce qui est curieux, c'est que le dragon, qui est un reptile, se conduit comme un mammifère.

Les chiens, les chats, les grands félins, reculent en cas de menace tout comme l'animal de ferme que l'on fait montrer dans le camion pour l'emmener à l'abattoir : veaux, cochons,...

Je viens d'observer, un lézard gris, il fuit puis se retourne et fixe la "menace" le temps qu'on le fixe de yeux. Une vipère va rester immobile ou se dresser prête à combattre. Les reptiles semblent ne pas pouvoir reculer... A moins que les sauriens puissent le faire ?

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 17:00
de bregwenn
dire que le dragon est un reptile me paraît pour le moins hasardeux...

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 17:22
de Sedullos
salut,

on peut aussi le classer dans les lance-flammes :mrgreen: :P :s44:

pour une approche naturaliste :

Histoire naturelle des dragons : Un animal problématique sous l'oeil de la science : Essai / Michel Meurger ; préf. de Jean Céart.- Rennes : Terre de brume, 2001.- 240 p. ; 24 x 14 cm.- (Terres fantastiques).

Un ouvrage qui quitte les sentiers battus de l'approche symbolique et mythique des dragons pour se livrer à une analyse détaillée du courant naturaliste qui s'efforçait d'appréhender le reptile ailé comme une créature réelle.

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 18:11
de Muskull
bregwenn a écrit:dire que le dragon est un reptile me paraît pour le moins hasardeux...

Voui, comme de voir dans les trois noeuds de la massue une simple réalité naturaliste ! :D
Les représentations médiévales sont toutes symboliques et il convient de rechercher le comment du pourquoi.
Le dragon destructeur est une représentation du chaos et si l'on suit l'analyse de Jung sur les représentations antiques en psychologie des profondeurs, il est autant désordre dans la nature que désordre dans la psychée. La forme reptilienne du dragon étant une représentation d'un état de conscience très archaïque qui traduit le profond enfouissement inconscient de ces valeurs destructrices.(voir aussi totems et tabous de Freud)
Cette "ruse du dragon reculant" se retrouve dans le combat d'hercule (voir un de mes messages plus haut) et c'est assez amusant de se poser la question sur le fait qu'un saurien puisse reculer ou pas. :lol:
De même d'ailleurs que de chercher dans le réel technique de la coupe d'une massue la raison statistique de ces trois noeuds dans les représentations antiques. :s44:

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 19:56
de Patrice
Salut,

Ce qui est curieux, c'est que le dragon, qui est un reptile, se conduit comme un mammifère.

Les chiens, les chats, les grands félins, reculent en cas de menace tout comme l'animal de ferme que l'on fait montrer dans le camion pour l'emmener à l'abattoir : veaux, cochons,...

Je viens d'observer, un lézard gris, il fuit puis se retourne et fixe la "menace" le temps qu'on le fixe de yeux. Une vipère va rester immobile ou se dresser prête à combattre. Les reptiles semblent ne pas pouvoir reculer... A moins que les sauriens puissent le faire ?


Voilà une interprétation naturaliste qui ne mène pas loin. Le dragon est certes représenté comme un reptile, mais dans les "faits" (c'est-à-dire les récits légendaires), il est, malgré les descriptions qui peuvent être monstrueuses (plusieurs têtes, etc.), on ne peut plus anthropomorphe dans ces actions. Il peut avoir un château, une épouse (souvent humaine), monter à cheval, manier lui-même la massue. C'est particulièrement sensible dans les contes d'Europe centrale et orientale, mais pas seulement.

Quand au motif de marcher à reculons, oui c'est bien une ruse, particulièrement classique d'ailleurs, connue par deux variantes:
1. Celle de Cacus, qui consiste à tirer les vaches volées par la queue, afin de faire croire qu'elles marchent dans l'autre sens. L'hagiographe avait certainement cette version classique en tête, mais le motif existe aussi dans la version populaire de la naissance de Lug, où c'est Balor qui procède ainsi.
2. Celle de divers seigneurs perfides, ordinairement appelés "Ganne" (nombreux en Normandie, mais pas seulement), étudiés au début des années 80 par Henri Fromage dans un excellent article du BSMF. Le seigneur en question pour éviter les recherches après ses rapines, faisait ferrer ses chevaux à l'envers.
On a donc bien-là un motif qui doit sans doute entrer dans le Motif Index de Stith Thompson.

A+

Patrice

Re: Le dragon hedoniste

MessagePosté: Mar 21 Juil, 2009 23:07
de Sedullos
Salut, Muskull et Patrice,

Vous pouvez bien vous gausser d'une interprétation naturaliste que j'ai proposée et je veux bien passer pour un matérialiste pour une fois :biere:

En revanche, si le dragon a un quelconque rapport avec le temps, la course du temps, le fait de marcher à reculons ne relève pas de la ruse mais de l'intention de faire tourner la roue (pas celle d'une bicyclette) à l'envers.

Or si on considère qu'Arthur est, comme l'a soutenu Fergus sur ce forum, une image du Chakravartin celtique, la marche en arrière du dragon pourrait prendre un tout autre sens que celui de la ruse, et une autre dimension symbolique et métaphysique.

MessagePosté: Mer 22 Juil, 2009 11:29
de ejds
Aeruuan a écrit:J'ai recu, à ma demande, l'article de bernard sergent sur la legende de St eflamm. Et j'ai ete tres etonné de constater qu'il y a un arthur specifiquement breton continental, et qui de plus est a des particularismes comme le fait d'avoir un gourdin, selon certaines versions.

J'ai une reflexion toute personnelle lié à une observation toute aussi personnelle. Je voudrais mettre l'accent sur la comparaison lug/eflamm.

En guise de rapprochements et de comparaisons, les aspects héroïques, emblématiques et allégoriques de l’histoire d’Arthur contre le dragon, démontrent son attachement aux causes perdues d'avance, si constant dans l’histoire des populations celtiques opprimées. Brandissant l’épée (gleze ou kleze du conte breton), — devenu dans d’autres versions et comme par enchantement un gourdin, le penn-baz —, dernier et unique secours, il est protecteur et fédérateur de son peuple. Manière forte de marquer son territoire, de repousser hors des frontières l’autre, la bête malfaisante, l’ennemi venu d’ailleurs et sa religion païenne, là où les efforts de la diplomatie ont échoué…

De cet embrouillamini d’épée devenu gourdin à trois nœuds (clava trinodis), Arthur, comme redresseur de tors, lutte contre le dragon, celui qui est dans le mal et fait le mal. Probablement que le premier nœud est destiné comme coup de semonce pour avertir, le deuxième pour mieux faire comprendre, et finalement le troisième pour y'a pas, faut que çà rentre !?!

-----------Image
------------Sous la férule du maître.
------------Gossouin de Metz, Image du monde, XIVe siècle, Paris,
--------------------BnF, département des Manuscrits, Français 574, fol. 27.


Quelques notes complémentaires de poids et arguments de choc à ajouter à cette captivante étude : :s79:

J. Chevalier, A. Gheerbrant a écrit:
HÉRACLÈS (Hercule)

1. Ses travaux, ses exploits, ses aventures défraient les chroniques mythologiques et font d’Héraclès le plus populaire des héros. […] Mais les images qui se détachent de trop riches légendes montrent le personnage oscillant entre l’athlète de foire et Don Quichotte. […]

2. La fonction de l’Hercule classique est assumée en Irlande par Cùchulainn, qui est le fils du dieu Lug, comme Hercule est fils de Jupiter. La popularité ou célébrité du héros* celtique suffit à rendre compte de la grande extension du culte d’Hercule en Gaule à l’époque romaine. Les auteurs grecs racontent que le héros était, en Gaule, père de Keltos et de Galatos, et qu’il avait parcouru toute la Celtique, mais les détails qu’ils apportent sont lacunaires. L’Hercule celtique symbolise uniquement la force pure. Il a part aussi à l’aspect magique de la fonction guerrière.

MASSUE (Maillet)

1. La massue du Dagda apparaît couramment comme associée à la force brutale et primitive. Elle est l’arme d’Héraclès. […]

2. La massue du Dagda est l’attribut principal de cette divinité : elle tue par un bout et ressuscite par l’autre.
---- Dans la tradition celtique, le Livre Jaune de Lecan (XVe siècle) explique à Dagda : Cette grande massue que tu vois a une extrémité douce et une extrémité rude. L’une des extrémités tue les vivants et l’autre extrémité ressuscite les morts. Dagda le vérifia par l’expérience et garda la massue à condition : de tuer ses ennemis et de ressusciter ses amis. Il devint ainsi roi d’Irlande. Exemple de bipolarité des symboles. On trouve des équivalents de la massue dans la mythologie indo-européenne : la massue d’Héraclès, le marteau* de Thor, le vazra du Mitra indo-iranien, le vajra ou arme-foudre d’Indra dans le Veda, le Fulmen de Zeus, à la fois dieu fulgurant, juge et terrible. Le bâton de Moïse, qui opérait des prodiges, avait aussi son double pouvoir, bénéfique et maléfique, ouvrant et refermant un passage dans la mer, faillant jaillir des sources ou se transformant en serpent. La lance d’Achille avait la double qualité de blesser et de guérir.
---- La valeur symbolique de la massue rejoint celle de la foudre : force double, d’essence unique, mais pouvant avoir des effets opposés.

3. Quand le Dagda ne porte pas la massue, il faut huit hommes pour la traîner et la trace qu’elle laisse suffit, dit le texte du Cath Maighe Tuireadh ou Bataille de Mag Tured, à constituer une frontière de province. Il existe du reste une assez curieuse paronymie entre le nom irlandais de la massue (lorg) et celui de la trace (lerg). […] La signification symbolique générale n’est sans doute pas différente de celle du foudre latin, distributeur de vie (la foudre participe de la fécondité selon le cas. Mais on peut y ajouter une remarque quant au symbole de la frontière ; le Dagda étant aussi le dieu du contrat et de l’amitié, la massue joue là encore un rôle arbitral et équilibrant.

4. On doit enfin comparer aux qualités intrinsèques de la massue du Dagda celle des armes de quelques dieux ou héros (Lug, Cùchulainn) dont les blessures sont incurables, hormis le cas où le propriétaire de l’arme veut bien les soigner lui-même : c’est ainsi que la Morogan, déesse de la guerre, que Cùchulainn avait gravement blessée, obtient par ruse sa guérison du jeune héros. Mais la massue n’est pas toujours mortelle ou guerrière : le conte gallois d’Owen et Lunet évoque de son côté le dieu noir de la première clairière, géant n’ayant qu’un pied, un œil au milieu du front et, à la main, une massue de fer. C’est le maître des animaux. De sa massue il frappe un cerf au front et, au bramement de ce dernier, accourent des milliers d’animaux (PGAC, 12, 360-363 ; LOTM, 2, 9-10).

5. Du point de vue psychologique et éthique, elle est le symbole du pouvoir de dominer par écrasement. Faite de peaux d’animaux, comme chez certains personnages mythiques, elle signifie l’écrasement par l’animalité. Entre les mains d’un brigand ou d’un héros, elle peut indiquer, soit la perdition consécutive à la perversité, soit son châtiment légal. La massue dans la main du brigand est le symbole de la perversité écrasante ; maniée par le héros, la massue devient symbole de l’écrasement et de la perversité (DIES, 184). Perversité écrasante, perversité écrasé, on retrouve ici l’ambivalence de tous les symboles de la force.


Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Éditions Seghers, tome III, 1973, 414 pages, pp. 16-7 et 194-6.

:ogam-th:

Re:

MessagePosté: Mer 22 Juil, 2009 12:04
de Aeruuan
ejds a écrit:
2. La fonction de l’Hercule classique est assumée en Irlande par Cùchulainn, qui est le fils du dieu Lug, comme Hercule est fils de Jupiter.


Si je ne m'abuse Cuchulainn est plus proche d'Achille que d'Hercule, et quand je dis proche c'est pour ne pas dire identique.
Et je vois pas trop le rapport entre le penn bah attribut paysan et voir meme "guerrier" paysan, et le gourdin du dagda.