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Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Lun 05 Jan, 2015 19:08
de Pan
Tout d'abord bonsoir et bonne année à tous, des lustres que je ne suis venu vous voir...

je viens de lire le dernier Brunaux et je vais enquiller, histoire d'actualiser mes connaissances et réviser mon vocabulaire :shock: , sur Demoule – Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l’Occident. Quelqu'un a-t-il lu l'un de ces livres et qu'en a-t-il pensé ?

Ce serait sympa de débattre à nouveau avec vous.

Pan urge

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Dim 11 Jan, 2015 14:59
de Lucterios
Bonjour, je viens également de terminer ce livre.
Comme de nombreux membres de ce forum, je me passionne depuis longtemps pour l'Histoire et celle des Celtes plus particulièrement. Le titre de l'ouvrage nous interpelle forcément. Sur ce sujet, les débats risquent d'être houleux, que ce soit sur les forums ou au sein la communauté scientifique. Nombreux sont ceux qui ont critiqué et qui critiqueront encore Jean Louis Brunaux comme à chacune de ses parutions.
Je ne peux que donner mon très modeste avis sur la question. J' ai beaucoup aimé son livre. Il bouleverse ce que beaucoup considèrent comme des faits inébranlables. Pour ma part, je trouve ses arguments fort pertinents même si je peux comprendre les réticences de certains lecteurs. On lit souvent que l'auteur fait des hypothèses et autres suppositions qui ne reposent sur aucune source historique, sur aucune donnée archéologique... La lecture attentive de cet ouvrage me laisse penser le contraire.
Je sais ce que l'on peut ressentir lorsqu'on nous apprend que ce que l'on appris, ce pourquoi on s'est passionné, est aujourd'hui remis en question. On a d'abord du mal à y croire. Comment admettre que certains historiens ont pu se tromper à ce point. On les admire, on a lu bon nombre de leurs publications et on nous dit aujourd'hui qu'il ne faut pas tenir tout cela pour véridique ?
Mais n'est-ce pas le propre de l'Histoire ? Si on prend un peu de distance, on se rend compte qu'il en a toujours été ainsi. Il y a quelques dizaines d'années, qui aurait remis en cause certaines affirmations de Jules Michelet ? L'historiographie, l'archéologie... tous ces domaines doivent admettre une certaine «  marge d'erreur ».
Quand on se passionne pour la mythologie celtique, se laisser dire que tout ceci n'a peut être rien de « celte» a quelque chose de bouleversant. Et pourtant, est-ce un problème en soit ?
J'avais un centre d'intérêt et j''en ai maintenant plusieurs. Je m'explique. Les gaulois partageaient-ils les croyances des populations Irlandaises du moyen-âge ? Peut-être pas finalement...
Gaulois et mythologie irlandaise deviendront peut être deux sujets d'étude différents et bien distincts mais cela n'enlève rien à l'intérêt que je leur porte.

N'est-il pas présomptueux de refuser d'admettre que ce que l'on tenait pour acquis ne l'est peut être pas … Doit-on accepter de « figer » nos connaissances actuelles ? Sont-elles devenues immuables ? A ces questions, je crois que la majorité d'entre nous s'accordera à répondre par la négative.

Les sciences sont en constante évolution. Les recherches historiques et les sciences humaines également. C'est ce qui fait leur intérêt. L'archéologie doit-elle faire exception ?

Bien évidement, Jean Louis Brunaux, tout comme ses confrères, peut faire des erreurs. J'ai pourtant le sentiment que d'ici quelques années ( 5, 6 ? ), ses arguments et propos ne feront plus figure de simples « suppositions ».

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Mer 14 Jan, 2015 19:34
de Muskull
Bonjour Pan, ravi de te revoir en ces parages !
Hélas, je n'ai pas lu le bouquin, ni l'envie de le faire, et ne sais de koikikose.
Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l’Occident.

La question est peu claire dans ce contexte (de non lu) mais la réponse est certainement politique dans la naissance de ce mythe aux XIX° et XX° siècle.
La culture celtique est un fait historique, archéologique, pas seulement linguistique, mais certes, faire du comparatisme avec le moyen-âge Irlandais et la Tène, voire le Hallstat est pour le moins périlleux.

Précise ta pensée et ton analyse ami Pan :)

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Mer 14 Jan, 2015 21:40
de Lucterios
Bonsoir :D
Petite précision : Jean Louis Brunaux ne remet pas en cause l'existence des Celtes mais leur zone de répartition. :wink:

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Dim 01 Mar, 2015 14:47
de Pan
Salut à vous,

l'avis de Lucterios me conviendrait assez. Que dire aux personnes passionnées qui n'auraient pas encore lu ce livre ou qui ne daigneront même pas le lire ? Je l'ai lu en décembre, autant dire que ce n'est plus aussi frais dans ma matière grise... Ce que j'ai pourtant retenu ne souffre pas d'un quelconque rejet en bloc. Je me souviens d'une idée qui ne m'a pas quitté en le lisant : celle d'un terme générique donné par des étrangers (Grecs, plus tard Latins) à l'extrême occident du monde connu (cf Hyperboréens). Pêle-mêle, tous ces peuples furent qualifiés de Celtes, qu'ils aient été Ligures, Ibères, Gaulois, Bretons, Germains, etc... Les termes génériques de Scythes pour toute l'Asie centrale ou d'Ethiopiens pour toute l'Afrique iraient dans le même sens, et cela est exactement ce qui fut fait en Mésopotamie où les autochtones furent nommés d'un terme tout aussi générique quant à leur culture, leur histoire, leurs mœurs et leurs langues. Or qu'ils aient été Akkadiens, Eblaïtes, Cananéens, Amorrites, Araméens, Hébreux, Nabatéens ou Arabes, courant sur plusieurs millénaires, aucun de ces peuples ne se définissaient comme Sémites !
Certes ce sont des termes contemporains de leur histoire mais ce que nous nous en avons faits serait pour eux un anachronisme.
Je ne peux résumer ce livre d'un spécialiste de la société gauloise, ce serait dénaturé son propos, je ne pense pas avoir les arguments, et c'est pour cela que je demandais vos avis éclairés, pour critiquer de manière valable ce qui est dit. Pourtant ses hypothèses n'ont rien d'irrecevables, elles sont bien renseignées et argumentées. Il faut le lire avant tout, ça me paraît indispensable pour tous les celtophiles, qu'ils rejettent ou pas ses conclusions.
Autant dire mon cher Muskull que je n'ai pas réellement d'analyse à donner :D si ce n'est celle qui consisterait à labourer avant d'ensemencer 8)

Pour finir, citer l'auteur en ses intentions m’apparaît plus légitime :

Dans sa conclusion p. 326 : "Étudier l'usage du mot "Celtes" à travers le temps pour savoir si ce dernier est encore utilisable de nos jours, tel est, en définitive, le véritable but de cet ouvrage. Quelle réponse a été apportée ? Quelle est la pertinence de la dénomination antique, sans cesse remise au goût du jour ? On peut la mesurer selon trois critères : sa faculté à désigner et à classer les peuples anciens ; sa capacité à valoriser ces peuples en leur rendant une identité ; et son utilité actuelle dans les sciences humaines que sont l'histoire, l'ethnographie et la linguistique".

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Dim 01 Mar, 2015 20:08
de Muskull
Bonjour,
Pour ma part la différenciation entre langues sémitiques et indo-européennes est une pure invention idéologique.
Le berceau est commun: l'invention de l'agriculture au Moyen Orient et son développement: sa migration de population et les mots qui suivent pour entretenir dans le savoir cette "révolution".
Pourquoi les langages de cette sphère de diffusion seraient-ils devenus indo-européens au Nord et Sémites au Sud ? Idéologie récente.
Quand on ne cherche pas on ne risque pas de trouver.
"Ils ne sont pas comme nous, nous leur avons tout appris, etc..." Foutaises idéologiques encore une fois.

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Lun 02 Mar, 2015 12:29
de Alexandre
Linguistiquement parlant, tu t'appuies sur quoi ?

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Lun 02 Mar, 2015 19:15
de Muskull
Sur la thèse de Renfrew et le bon sens paysan. :D

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Lun 02 Mar, 2015 19:18
de Alexandre
Ni l'un ni l'autre ne sont linguistes.

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Lun 02 Mar, 2015 20:11
de Jacques
C'est vrai, Muskull, il faudrait d'abord mettre en évidence les convergences entres langues sémitiques et langues indo-européennes...

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Mar 03 Mar, 2015 20:16
de Muskull
Jacques a écrit:C'est vrai, Muskull, il faudrait d'abord mettre en évidence les convergences entres langues sémitiques et langues indo-européennes...

Bonjour Jacques
Mais puis-je faire confiance aux "linguistes" pour ce faire ?
Ils sont tous issus de même nid de référents, voire de révérends, de cette frontière moyen-orientale des langues. C'est un dogme irréfutable et aucun n'irait le mettre en question. Si quelqu'un le faisait, il serait tellement ostracisé qu'il disparaîtrait de toutes publications.
Ce qui me paraît surréaliste c'est cette frontière Sud-Nord alors que les populations commerçaient, migraient en métissant leurs langages dans tous le domaine moyen-oriental. L'écriture a certes figé les choses dans le domaine marchand mais tout autour, longtemps, les langues foisonnaient...
Les Hittites ont beaucoup appris de Hattis les uns I.E les autres "sémites" soit disant, où est la frontière ?

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Mer 04 Mar, 2015 12:49
de Alexandre
Muskull a écrit:Les Hittites ont beaucoup appris de Hattis les uns I.E les autres "sémites" soit disant, où est la frontière ?

Les Hattis ne parlaient pas une langue sémitique. On ne sait pas avec certitude à quoi les rattacher, probablement aux langues du nord-Caucause.

Pour le reste, le débat quant à la validité du rapprochement entre langues indo-européennes et langues sémitiques dure depuis le XIXe siècle, avec un point culminant au début des années 30, quand Holger Pedersen en a produit la théorie de référence. Mais depuis, il n'a pas été sorti grand chose pour appuyer ce rapprochement.

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Mer 04 Mar, 2015 14:05
de Pan
Bonjour,

merci pour vos réponses mais n'y aurait-il pas un glissement, voire un hors sujet ?

Le Demoule, pas eu le temps de le finir mais très intéressant pour le moment. Vous pourriez ouvrir un autre topic pour cette question linguistique : les liens entre famille de langues.

Le fil était ici je pense :

"Étudier l'usage du mot "Celtes" à travers le temps pour savoir si ce dernier est encore utilisable de nos jours, tel est, en définitive, le véritable but de cet ouvrage."... et celui de ma question :mrgreen:

Cela avait un véritable lien avec ce forum

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Mer 04 Mar, 2015 15:19
de Patrice
Salut,

Attention, Muskull, quand tu écris:
La culture celtique est un fait historique, archéologique, pas seulement linguistique


C'est justement faux. Je vais reprendre, en l'augmentant un peu, ce que j'ai écris récemment sur facebook pour le groupe Wekwos:

L'archéologie, comme la linguistique, sont des disciplines importantes, mais qui dans notre domaine ne se suffisent pas à elles seules. Et c'est un fait que la corrélation entre culture matérielle et culture mentale n'est pas toujours exacte.
Il y a des archéologues qui pensent que les Celtes doivent être limités à la culture de La Tène... Mais celle-ci n'a que très superficiellement touché l'Irlande (par importations d'objets, et encore, pas partout). Et on ne sait alors que faire des "Lépontiques" et de la culture de Golasecca, qui est italique. Pourtant, tant les Irlandais anciens que "Lépontiques" ont parlé une langue celtique.
Inversement, la culture de Jastorf, influencée primitivement par le Hallstatt, puis par La Tène, est celle des anciens Germains. De même, plus loin à l'Est, la culture de Zarubinets (à cheval entre l'actuelle Ukraine et la Biélorussie), est un mix matériel entre la Tène (céramiques, armes et fibules – les archéologues locaux se servent de la typologie des fibules gauloises pour dater leurs sites!), Jastorf et Przeworsk, Milograd (qu'on attribue à des Baltes) et scythiques (céramiques). Or les gens qui ont développé cette culture sont les proto-Slaves...
Bref, il faut corréler les deux critères, archéologique ET linguistique – en ajoutant aussi les mythes et l'histoire quand on les connaît – pour déterminer qui est quoi.
Mais faire de l'archéologie seule ne rime à rien.


Et pour le cas des Celtes, j'aurais tendance à penser que le critère de base est avant tout linguistique, probablement aussi religieux (mais ça demande beaucoup d'efforts pour le montrer), mais certainement pas matériel.

Qui plus est, doit-on nécessairement conserver le sens que les anciens (qui ne s'entendaient déjà pas entre sur ce point) donnaient au mot "celte", ou doit-on lui donner un sens moderne, pratique?

A+

Patrice

Re: Jean-Louis Brunaux. Les Celtes - Histoire d'un mythe

MessagePosté: Jeu 05 Mar, 2015 19:52
de Muskull
Patrice a écrit:
Et pour le cas des Celtes, j'aurais tendance à penser que le critère de base est avant tout linguistique, probablement aussi religieux (mais ça demande beaucoup d'efforts pour le montrer), mais certainement pas matériel.

Qui plus est, doit-on nécessairement conserver le sens que les anciens (qui ne s'entendaient déjà pas entre sur ce point) donnaient au mot "celte", ou doit-on lui donner un sens moderne, pratique?

Merci Patrice,
Chaque langue porte en sa forme sa propre culture et donc idéologie.
Pour Pan, les phénomènes identitaires "celtiques" actuels, même s'ils sont très créatifs depuis A.Stivell, ne peuvent être comparés aux celtes antiques et les langues celtiques survivantes sont en déclin.
Entre le gaélique et le brittonique gît les mésententes humaines dans un espace aussi réduit que la Mer d'Irlande...