Taliesin a écrit:Cette partition semble aussi avoir une origine politique. Léon Fleuriot a émis l'hypothèse d'un traité entre Clovis et les Bretons, accordant à ces derniers les cités des Osismes et des Vénètes, qu'ils contrôlaient déjà, et y ajoutant celle des Coriosolites. C'est probablement à partir de ce moment qu'on passe d'une émigration bretonne essentiellement militaire à une émigration de peuplement civil. Comme l'émigration militaire s'était faite sous l'égide du pouvoir romain, l'émigration civile semble se faire sous l'égide du pouvoir franc, qui entretient sans doute aussi des relations avec la Bretagne insulaire. L'alliance perdure jusqu'à la mort de Childebert en 558. Il s'ensuit une période troublée où les Bretons prennent part aux luttes intestines franques (Chramme, Clotaire) et s'entredéchirent (Budic/Maclou). Il semble qu'il y ait alors deux partis en présence en Bretagne : celui de Budic, fidèle à l'alliance franque, qui a nommé son fils Theodoric, ce qui, selon Joëlle Quaghebeur, suggère "sinon une alliance matrimoniale, au moins une alliance de fidélité avec les Mérovingiens, pouvant être justifiée par les relations nécessairement entretenues avec le pouvoir franc, dans un contexte d’installation bretonne dans les Gaules. Mais concéder ce nomen était compris comme un honneur fait au chef breton, ce dont ce dernier avait certainement conscience." Et celui de Maclou, puis de son fils Waroc, chefs du Vannetais naissant, qui brisent l'alliance et mènent des raids vers l'Est, profitant des luttes de pouvoir entre les petit-fils de Clovis. La révolte vannetaise, conjuguée aux défaites des Bretons insulaires face aux Saxons, conduisent peut-être les Francs à un retournement d'alliance : après la mort de Clotaire en 561, son fils Charibert marie sa fille Berta à Aethelbert, héritier du royaume du Kent, qui sera le premier roi saxon à se faire baptiser.
Voir, dans le récent ouvrage de Bernard Merdignac, Les saints bretons entre légendes et histoire — Le glaive à deux tranchants, Rennes, PUR (collection Histoire), 2008, une intéressante hypothèse sur le millenium des saints :
André-Yves Bourgès a écrit:L’hypothèse proposée par B.M. constitue une importante avancée pour les futurs travaux des médiévistes sur les origines bretonnes : les débuts de la christianisation massive de la Bretagne armoricaine se situeraient, dans une perspective millénariste, au lendemain du traité d’alliance passé par les Bretons avec la dynastie mérovingienne dont le plus illustre membre, Clovis, venait de recevoir l’onction baptismale. Tenant compte des travaux fondateurs de S. Reinach, reprenant les propositions du regretté L. Fleuriot et de M. Rouche, intégrant les correctifs apportés par A. Chédeville, B.M. avance l’idée séduisante « que si les saints bretons sont passés sur le continent à la suite du baptême de Clovis », comme le confirme indirectement le fait qu’au travers du prisme d’une documentation principalement hagiographique, cette vague d’immigration, constituée majoritairement de membres du clergé, a largement occulté une vague antérieure, de nature essentiellement militaire, « c’est parce que les milieux ecclésiastiques insulaires adhéraient à l’idée que la conversion du roi franc venait d’inaugurer le millenium attendu » : la production hagiographique bretonne des temps carolingiens nous a donc « transmis, comme l’auraient fait des palimpsestes, de précieux vestiges de l’ambiance spirituelle dans laquelle s’est ouvert “l’âge des saints” en Bretagne continentale ».
Le CR de cet ouvrage, qui a paru dans les Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne. t. 86 (2008), p. 365-374, est accessible en ligne ici.
Bien cordialement.