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Stratégies et combats

Déposez vos questions/remarques sur ce forum consacré aux connaissances actuelles concernant les Celtes...

Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice

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114 messages • Page 8 sur 8 • 1 ... 4, 5, 6, 7, 8

Paix à la guerre!

Messagede ejds » Dim 12 Déc, 2004 19:54

300 ans avant JC : guerre à la paix, paix à la guerre
Et si l’on se penchait un peu plus autrement que sur les querelles tribales et chefferies territoriales pour les beaux yeux d’une mam’selle ou pour quelques bovidés égarés ou volés, sur les invasions celtiques, les raisons et l'oubli pourquoi on fait la guerre. :?

Si certaines tribus sont plus connues pour leur animosité, certains éléments épars sans foi, ni loi, échappent à tout contrôle. Le terme de « gaesate » – ou mercantile mercenaire en échange d’un salaire –, se déploie le mieux. Finalement chassés de leur propre pays par leurs compatriotes unis contre eux, pour manquement à leur foi à l’égard de leurs proches et de leurs parents! La notion d’appartenance à un clan à une religion, ici n’apparaît pas.
N’ayant plus rien à perdre et tout à gagner, ils allèrent grossir les rangs des petites bandes de brigands désœuvrés se livrant à des rapines, raids, razzia d’abord inter-celtiques, puis à plus grande échelle condamnés à aller chercher fortune hors les frontières, à se livrer à des invasions "barbares", simplement mûs par l’appât du gain et du pillage facile.
Invasions par vagues fragmentées au fil des décennies, selon des laps de temps et de nécessité, de soubresauts, d’attaques massives et de contre attaques, de préméditations, de préparations stratégiques, de mésalliances, de vengeance, d’alliance et de retournement de situations…, et apportant une compréhension plausible de la formation tribale des peuples et oppidum celtiques avec constitution d’une armée défensive de métier.

Les invasions celtiques vers l’Italie et les Celtes d’Italie
De ce qu’on pourrait appeler le « Moyen-âge celte », qui eut son heure de gloire, quelques trois cent ans avant JC, les faits et gestes des Celtes transfrontaliers du Nord nous sont moins connus, et passés quasiment et bien compréhensiblement sous silence, par contre ceux frontaliers avec l’Italie, et ceux vivant par-delà les Alpes en territoire italien et ceux pouvant avoir un lien de parenté (Boïes, Insombres, Sènôns, Saunites, Ananes, Tarantins, Tyrrhènes, Vénètes, Gonomans…) nous sont mieux décrits encore une fois par les écrivains grecs et romains.

Démonstrations par l’historien grec, Polybe de Mégalopolis (vers 200 – 125/120 av JC). Déporté comme otage à Rome, il se lia d’amitié avec Scipion Emilien, et l’accompagna dans ses campagnes contre Carthage (146) et Numance (133). Ses œuvres, dont il nous reste plusieurs livres, ont une valeur scientifique et critique.
Ses observations serviront de base aux récits plus édulcorés et détaillés des descriptions des batailles de son époque et plus anciennes que l’on a déjà pu lire dans les pages précédentes de ce topic.
Son livre Histoires, livre premier (traduction par EDM Cougny, Extraits des auteurs grecs concernant l’histoire et la géographie des Gaules, tome I…) nous rappelle bien à propos qu’avant d’être envahis, les Celto-Galates venus de la Gaule étaient les redoutés envahisseurs. Lente mais remarquable logique donc des Romains d’envahir à leur tour le pays de ce peuple dont l’éclat de l’or et les vapeurs du vin firent perdre la raison. :?

Mais avant un découpage des meilleurs morceaux en triptyque, tout d’abord la définition même de transalpin :
XV. De chaque côté des Alpes, du côté qui penche vers le Rhodan et du côté des plaines ci-devant décrites, les régions des collines et celles des vallées sont habitées, sur le versant du Rhodan et des Ourses, par les Galates, nommés Transalpins; sur le versant des plaines, par les Taurisques et les Agôns et plusieurs autres nations barbares. Les Transalpins sont ainsi nommés à cause d’une différence, non de race, mais de lieu, car le mot trans, se traduit par au delà, et c’est pour cela que les peuples delà les Alpes s’appellent les Transalpins. Les sommets, en raison de l’âpreté du sol et de la qualité des neiges qui y séjournent sans cesse, sont tout à fait inhabités.

Premier tableau : les Celto-Galates soumettent l’Italie :shock: :shock:
VI. … Les Galates (2) occupaient, après l’avoir prise de vive force, Rome entière à l’exception du Capitole. Les Romains ayant fait avec eux un traité, un marché tout au gré des Galates (3), redevenus ainsi contre tout espoir maîtres de leur patrie, prirent de là, en, quelque sorte, le point de départ de leur agrandissement, et dans les temps qui suivirent firent la guerre à leurs voisins. Devenus les maîtres de tous les Latins grâce à leur courage et à leur bonheur dans les combats, ils firent après cela la guerre aux Tyrrhènes, puis aux Celtes, ensuite aux Saunites (4) qui du côté du levant et du côte des ourses confinent au pays des Latins.
Quelque temps après les Tarantins, à cause de leur insolence envers des ambassadeurs de Rome, et de la crainte qui était la conséquence de leur conduite, attirèrent Pyrrhos, l’année d’avant l’invasion des Galates qui furent défaits près de Delphes et qui passèrent en Asie. Les Romains qui avaient soumis les Tyrrhènes et les Saunites; qui avaient vaincu déjà dans plusieurs batailles les Celtes de l’Italie, se portèrent alors pour la première fois vers les autres parties de l’Italie; et c’était comme il s’agissait pour eux non de terres étrangères, mais en grande partie de domaines à eux propres et déjà leur appartenant, qu’ils allaient y faire la guerre. Ils étaient devenus de véritables athlètes dans les choses de la guerre par suites de leurs luttes contre les Saunites et les Celtes. Ayant donc bravement soutenu cette guerre et finalement rejeté Pyrrhos et ses troupes hors de l’Italie, ils recommencèrent la guerre et soumirent les peuples qui avaient pris fait et cause pour Pyrrhos. Après s’être, contre toute attente, rendus maîtres de tous ces peuples, et avoir soumis ceux qui habitaient l’Italie, à l’exception des Celtes, ils entreprirent après cela d’assiéger ceux des Romains qui alors occupaient Règium.


XIII. …..Il est temps de traiter notre sujet après avoir exposé en bref et d’une façon sommaire les faits appartenant au Préambule. De ces faits les premiers dans l’ordre des temps sont ceux qui se rapportent aux Romains et aux Carchèdonies (5) durant la guerre de Sicélie (6); ils se continuent par la guerre libyque, à laquelle se rattache ce qui a été fait en Ibérie par Amilcas et ensuite pas Asdrubas et les Carchèdonies.

Livre II. VII. …..Qui donc, tenant en suspicion les Galates d’après leur commune renommée, n’aurait pris ses mesures pour ne pas leur mettre entre les mains une ville opulente avec les mille occasions qu’on y trouve de violer sa foi? En second lieu, qui ne se serait mis en garde contre les desseins d’un corps de troupes comme celui-là? Des gens qui, dans le principe, avaient été chassés de leur propre pays par leurs compatriotes unis contre eux, pour manquement à leur foi à l’égard de leurs proches et de leurs parents!

XIII. ….. Faire des sommations ou déclarer la guerre aux Carchèdonies, les Romains ne l’osaient à cause de la terreur que les Celtes tenaient suspendue sur eux-mêmes, et des attaques auxquelles presque chaque jour ils s’attendaient de leur part. Ils résolurent donc de flatter d’abord, de caresser Asdrubas pour tourner leurs efforts contre les Celtes et se jeter en ces hasards, ne croyant pas pouvoir jamais, je ne dis pas être les maîtres en Italie, mais habiter sans danger leur propre patrie, avec ces hommes là établis auprès d’eux.

XIV. De ces peuples il me paraît utile de faire une description qui sera toute sommaire, pour conserver à cet Avant-propos son propre caractère suivant le plan indiqué dès le principe, et de remonter dans le temps à l’époque où les peuples susdits commencèrent de posséder cette contrée. Je pense que cette histoire mérite d’être connue et retenue, mais qu’elle est tout à fait nécessaire à qui désire savoir en quels hommes, en quel pays Annibas avait mis sa confiance pour entreprendre de détruire l’empire des Romains. Mais il faut d’abord parler de ces contrées, en décrire la nature et la situation par rapport au reste de l’Italie. Ainsi l’on se mettra mieux dans l’esprit les principaux détails des faits, quand on aura une description exacte des lieux, de tout le pays, de ce qu’ils ont de particulier.

XVII. Les contrées qui se rapprochent de l’Adrias étaient occupées par une autre nation tout à fait ancienne, les Vénètes, comme on les nomme, différant peu des Celtes par les coutumes et le vêtement, mais parlant une autre langue. Les faiseurs de tragédie ont fait sur ces peuples maints récits avec maints détails merveilleux.
Les contrées transpadanes, celles qui avoisinent l’Apennin, eurent d’abord pour habitants les Ananes, et puis les Boïes, à la suite desquels et près de l’Adrias viennent les Lingons, et enfin, près de la mer, les Sènons. Les plus illustres des peuples qui occupèrent les lieux susdits sont ceux-là. Ils habitaient des bourgades isolées, sans murailles, dans un état dépourvu de toute autre commodité. Couchant sur un lit (de foin ou de paille), mangeant de la chair, n’exerçant d’autre métier que la guerre et l’agriculture, toute autre science, tout autre art leur était inconnu. L’avoir de chacun consistait en bétail et en or, parce que ce sont les seules choses qu’ils pouvaient, suivant les circonstances, emmener partout et déplacer à leur volonté. Ils donnaient la plus grande attention à leurs compagnies, parce que chez eux celui-là est le plus redoutable et le plus puissant qui passe pour avoir le plus d’hommes empressés à le servir et à lui faire cortège (7).


XVIII. Dans les commencements, non seulement ils furent maîtres du pays, mais ils soumirent plusieurs peuples de leur voisinage, effrayées de leur audace. Quelque temps après, ayant vaincu dans une bataille les Romains et ceux qui s’étaient mis avec eux, ils poursuivirent les fuyards, et trois jours après la bataille, ils s’emparèrent de Rome elle-même, à l’exception du Capitole. Mais une diversion eut lieu; les Vénètes s’étaient jetés sur leur pays; ils firent alors un accommodement avec les Romains, et leur ayant rendu leur ville, ils se retournèrent dans leurs foyers. Après cela, ils se trouvèrent engagés dans des guerres civiles, et quelques-uns des peuples habitant les Alpes se coalisèrent souvent pour les attaquer, en comparaison l’opulence qui régnait chez eux. A cette époque les Romains recouvrèrent leur puissance et réglèrent leurs rapports avec les Latins.
Les Celtes s’étant derechef avancés jusqu’à Albe avec une grande armée (8 ), trente ans après la prise de la ville, les Romains n’osèrent pas envoyer des troupes à leur rencontre, parce qu’ils avaient été surpris de cette invasion faite à l’improviste et n’avaient pu réunir et mettre en ligne les forces de leurs alliés.
Mais douze ans après cette seconde irruption, ces peuples étant revenus avec une grande armée, les Romains, prévenus, réunirent leurs alliés et marchèrent à leur rencontre tout pleins d’ardeur, pressés d’en venir aux mains et de risquer le tout pour le tout. Les Galates, effrayés de ce mouvement en avant et divisés entre eux, firent, la nuit venue, une retraite assez semblable à une fuite et rentrèrent chez eux. Par suite de cette crainte, ils restèrent treize ans en repos; puis, voyant grandir la puissance des Romains, ils firent avec eux la paix et des traités.


XIX. Ils les observèrent fidèlement durant trente années, mais un nouveau mouvement des Transalpins leur fit craindre qu’une guerre, lourde pour eux, n’éclatât; ils détournèrent donc l’irruption de ces peuples qui déjà se levaient, en leur offrant des présents et en mettant en avant leur parenté; bien plus, ils les excitèrent contre les Romains et prirent part à leur expédition. Ils firent leur invasion par la Tyrrhénie, ayant dans cette expédition les Tyrrhènes avec eux, et, chargés d’un riche butin, ils sortirent, sans avoir été inquiétés, des domaines de Rome.
Revenus dans leur pays, leur convoitise au sujet des dépouilles engendra des séditions, au milieu desquelles se perdit la plus grande partie de leur butin et de leurs forces. D’ailleurs les Galates ont accoutumé d’en user ainsi après s’être approprié le bien d’autrui, surtout quand ils ont perdu la raison dans les fumées du vin dont ils sont gorgés.
Après un nouvel intervalle de dix ans, les Galates vinrent avec une grande armée pour assiéger la ville des Arrètins. Les Romains, venus à son secours, engagèrent la bataille sous ses murs et furent défaits. Leucius, leur général, étant mort dans ce combat, ils mirent à sa place Manius Corius, lequel envoya en Galatie au sujet des prisonniers de guerre des députés qui, contre le droit des gens, y furent mis à mort. Les Romains en colère marchent contre eux sans désemparer; les Galates appelés Sènôns viennent à leur rencontre et engagent le combat : les Romains, vainqueurs en bataille rangée, en tuèrent le plus grand nombre, chassèrent le reste et se rendirent maîtres de tout le pays. C’est là qu’ils envoyèrent leur première colonie en Galatie, dans la ville appelée Sènè, dont le nom est le même que celui des Galates qui l’avaient précédemment habitée (9). Nous avons donné au sujet de cette ville un renseignement clair et précis, en disant qu’elle est située près de l’Adrias, à l’extrémité des plaines que traverse le Pade.


XX. Les Boïes, à la vue de l’échec subi par les Sènôns, craignant pour eux et leur pays un sort semblable, se mirent en campagne tous en masse, après avoir appelé à leur aide les Tyrrhènes. S’étant réunis près du lac appelé Oadmon, ils se rangèrent en face des Romains. Dans ce combat, les plupart des Tyrrhènes furent taillés en pièces et bien peu des Boïes échappèrent (10).
Cependant, l’année suivante, les peuples susdits s’étant concertés de nouveau et ayant armé leurs jeunes gens, même ceux qui venaient d’atteindre la puberté, ils se rangèrent encore en face des Romains. Complètement défaits dans ce combat, ils cédèrent à grand‘peine à l’amour de la vie (11), et ayant envoyé des ambassadeurs pour faire un traité et un accommodement, ils conclurent un pacte avec les Romains.
Ces événements s’accomplirent trois ans avant l’arrivée de Pyrrhos en l’Italie et cinq ans après le désastre des Galates à Delphes. Car la fortune, en ces temps-là, avait répandu, comme un mal pestilentiel, je ne sais quelle humeur guerrière chez tous les Galates.
– Des luttes que nous avons dites il resta deux précieux avantages : ayant été d’habitude battus par les Galates, ils ne pouvaient rien voir ni rien attendre de plus terrible que ce qui leur avait été déjà fait.
Mais, par suite de ces épreuves, étant devenus des athlètes consommés dans les œuvres de la guerre, ils tinrent tête à Pyrrhos, et après avoir abattu à temps l’audace des Galates, d’abord ils achevèrent, sans en être distraits, la guerre contre Pyrrhos pour l’Italie, et ensuite ils luttèrent contre les Carchèdonies pour l’empire de la Sicélie.


XXI. Les Galates, par suite des pertes que nous avons dites, restèrent en repos pendant quarante-cinq ans et gardèrent la paix avec les Romains. Mais après que ceux qui avaient été les témoins de ces calamités furent, avec le temps, sorties de la vie, et que des jeunes gens furent venus qui étaient pleins d’une ardeur inconsidérée, et n’avaient ni éprouvé ni vu aucun de ces malheurs, aucune de ces vicissitudes, ils recommencèrent d’ébranler l’ordre établi – ce qui arrive naturellement, – de s’exaspérer sur les premiers prétextes venus contre les Romains et d’attirer à eux les Galates des Alpes (12). D’abord ce fut en dehors de la multitude et par les chefs eux-mêmes que se faisaient dans le secret les menées en question. Aussi, quand les Transalpins furent arrivés à Ariminum avec une armée, les multitudes chez les Boïes, en défiance d’abord, puis en pleine sédition contre leurs chefs et contre les nouveaux venus, tuèrent leurs propres rois Atis et Galatos et se taillèrent en pièces les unes les autres dans une bataille en règle. Alors les Romains, ayant pris peur de cette invasion, entrèrent en campagne avec une armée; mais, informés de la défaite que les Galates s’étaient infligée à eux-mêmes, ils se retirèrent dans leurs foyers.
Cinq ans après cette alerte, sous le consulat de M. Lépidus, les Romains partagèrent en lots dans la Galatie le pays appelé Picentin, d’où, après leur victoire, ils avaient chassé les Galates appelés Sènôns. Ce fut Gaius Flaminius qui introduisit ce procédé démagogique, et ce régime politique qui, il faut bien le dire, fut pour les Romains en quelque sorte le premier principe de la dépravation des mœurs publiques et la cause de la guerre acharnée qu’ils eurent ensuite avec les nations dont nous parlons. Plusieurs de ces peuples Galates entrèrent dans la querelle, – principalement les Boïes parce qu’ils se trouvaient sur les limites des Romains, – à la pensée que les Romains ne leur faisaient plus la guerre pour l’hégémonie et la domination, mais pour la ruine et la destruction totale de leur race (13).


(2). Gaulois.
(3). Comp. le récit tout différent de Tite-Live, V, 49.
(4). Samnites.
(5). Carthaginois.
(6). Sicile.
(7). On peut voir ici quelque usage analogue au patronage et à la clientèle germaniques, dont Tacite (Germ. 13, 14) parle à peu près dans les mêmes termes que le fait Polybe de ces hétairies celtiques.
(8 ). An de Rome 393, av J.-C. 361.
(9). Cf. Tite-Live, Epitomé, XI : Coloniae deductae sunt, Castrum, Sena, Adria; Sil. Italic. XV, 556 et s. – La fondation de cette colonie est de l’an de Rome 470, av. J.-C. 284.
(10). An 471 de Rome, 283 av. J.-C.
(11). L. Maigret : « Parquoy leur orgueil s’abaissa. »
(12). An de Rome 516-518, av. J.-C. 238-236.
(13). Bossuet, Disc. s. l’Hist. univ. I part. VIII: « La guerre entre les Romains et les Gaulois se fit avec fureur de part et d’autre : les Transalpins se joignirent aux Cisalpins : tous furent battus….. »


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Galates Gaesates

Messagede ejds » Dim 12 Déc, 2004 20:08

Deuxième tableau : les Galates Gaesates ou mercenaires :shock: :shock:

XXII. Aussi, sans tarder, les plus grands de ces peuples, les Insombres et les Boïes, s’étant concertés, envoyèrent-ils chez les Galates habitant le long des Alpes et du Rhodan et appelés, parce qu’ils faisaient la guerre pour un salaire, Gaesates : – c’est le sens propre du mot (14). A leurs rois Concolitan et Anèroëste ont offrit tout de suite beaucoup d’or, et on leur montra dans l’avenir la grande opulence de Rome, l’abondance des biens qui seraient leur partage, s’ils étaient vainqueurs, pour les engager, pour les exciter ainsi à faire la guerre aux Romains. On les persuada aisément en leur donnant, outre ce qui a été dit, l’assurance qu’on serait avec eux dans les combats, et en leur rappelant la conduite de leurs propres ancêtres. Ces braves guerriers non seulement avaient combattu, vaincu les Romains, mais après le combat, ils avaient de prime abord occupé Rome elle-même. Devenus maîtres de tout ce qui s’y trouvait, ayant eu en leur pouvoir six mois durant la ville elle-même, à la fin ils l’avaient rendue volontairement et de bonne grâce, et, sans avoir éprouvé ni perte ni dommage, ils étaient revenus avec leur gain dans leur patrie.
En les entendant, les chefs qui les entouraient furent pris d’une si belle passion pour cette guerre que jamais hommes plus nombreux, plus illustres ni plus belliqueux ne sortirent de ces cantons de la Galatie. Vers ces temps-là les Romains, et par ce qu’ils entendaient dire et par ce qu’ils devinaient de l’avenir, étaient jetés en des craintes, en des alarmes perpétuelles; et c’était au point que tantôt on enrôlait des soldats, on faisait des magasins de blé et de toutes les provisions nécessaires; tantôt on conduisait les troupes aux frontières, comme si les ennemis étaient déjà dans le pays, alors que les Celtes n’avaient pas encore bougé de leurs foyers.
Ces mouvements n’aidèrent pas peu les Carchédonies à arranger tranquillement leurs affaires en Ibérie. Les Romains, comme il a été dit ci-devant, jugeant plus pressantes ces nécessités qui les tenaient aux flancs, étaient bien forcés de négliger les affaires de l’Ibérie, occupés qu’ils étaient à mettre auparavant en bon état leurs affaires chez les Celtes. Aussi, après avoir assuré leur situation du côté des Carchédonies par leurs conventions avec Asdrubas, desquelles nous avons fait mention tout à l’heure, travaillaient-ils en ce moment-là d’un commun accord à faire face à leurs ennemis, dans la pensée qu’il leur importait d’en finir une bonne fois avec eux.


XXIII. Les Galates Gaesates, ayant à grands frais mis sur pied une grosse armée, passèrent les Alpes et arrivèrent au Pade, huit ans après le partage du pays (15). La nation des Insombres et celle des Boïes s’en tinrent bravement au projet formé tout d’abord (16); mais les Vénètes et les Gonomans, à qui les Romains avaient envoyé une ambassade, préfèrent leur alliance. En conséquence, les rois des Celtes furent forcés de laisser une partie de leurs forces à la garde du pays, à cause des craintes qui leur venaient de ce côté. Puis eux-mêmes, avec le gros de l’armée, ils partirent pleins de confiance, faisant route vers la Tyrrhénie, et ayant environ cinquante mille hommes de pied, dix mille pour la cavalerie et les chars.
Les Romains n’eurent pas plus tôt appris que les Celtes avaient passé les Alpes, qu’ils envoyèrent le consul Leucius AEmilius avec une armée à Ariminum, pour observer de ce côté la marche des ennemis, et un des magistrats à six haches (17) en Tyrrhènie. Car l’autre consul Gaïus Atilius se trouvait déjà parti pour Sardone avec ses légions.
A Rome, tous étaient dans la consternation, en pensant qu’un grand et effroyable danger approchait. Et ce sentiment était bien naturel, car sur leurs esprits pesait encore la vieille frayeur que leur avaient causée les Galates. Aussi, rapportant tout à cette idée, ils ressemblaient des soldats, enrôlaient des légions; à ceux qui étaient de leurs alliés ils enjoignirent d’être prêts; à tous les peuples soumis, en général, ils ordonnaient de dresser des rôles de leurs hommes d’après les âges : ils avaient hâte de connaître le total des forces dont ils pouvaient disposer. On s’empressait de mettre en campagne avec les consuls la plus grande et la meilleure partie de ces forces; de vivres, de traits, et des autres munitions nécessaires à la guerre, on fit une telle provision que personne ne se souvenait d’en avoir tant vu. Les Romains étaient secondés de tout et de toutes parts et avec zèle. Car les habitants de l’Italie, frappés de terreur par l’invasion des Galates, ne se disaient plus qu’ils combattaient pour Rome, ni que cette guerre avait son empire pour objet, mais chacun d’eux pensait que c’étaient eux-mêmes, leur propre ville et leur pays que menaçait le danger.
Aussi obéissaient-ils avec zèle aux ordres qu’on leur donnait.


(14) Polybe tire ce nom du mot persan Gaza, trésor, de bonne heure grécisé. Am. Thierry, Hist. des Gaul. Liv. III, ch. I, démontre la fausseté de cette étymologie généralement admise dans l’antiquité; du reste, Gaesatae avait été changé en Gazitae.
(15). Entre les colons romains; v. plus haut, c. XXI.
(16). Selon Diodore de Sicile, XXV, XIII, les forces réunies des Gaulois Cisalpins et des Gaesates, leurs alliés, formaient un total de deux cent mille hommes : ….
(17) Un prêteur. – Cette manière de désigner le prêteur ne se rencontre jamais chez les Latins, et elle est assez rare chez les Grecs. On n’en trouve quelques exemples que dans Polybe, dans Thémistius, etc.


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Messagede ejds » Dim 12 Déc, 2004 20:21

Troisième tableau : la contre-attaque romaine :cry: :shock: :cry:

Préambule au combat, discours préliminaire d’un général romain : Camille, afin de galvaniser ses troupes disciplinées et entraînées; l’art militaire : observation, compte-rendus sur le moral et l'état de l’ennemi, avantages acquis sur le terrain, usage d'un armement approprié…, firent, que la valeur plutôt que le nombre, gagner la bataille.
Texte par Denys d’Halicarnasse (Dionysos) d’Halicarnasse en Carie, contemporain d’Auguste, vint à Rome après la bataille d’Actium, 31 av J-C. Extraits des auteurs grecs concernant l’histoire…, tome I) trad. par E. Cougny…).

Antiquités romaines
Discours XIII. – Fragments
VIII. Les Celtes, dans leur seconde expédition contre Rome, ravageaient le territoire d’Albe : ils s’y gorgeaient tous de nourriture et buvaient force vin sans eau : or, celui que produit ce pays est, après le Falerne (1), le plus agréable des vins, ressemblant tout à fait à l’hydromel. Prenant plus de sommeil que d’habitude, vivant le plus souvent à couvert, ils prirent un tel surcroît d’embonpoint, ils devinrent si délicats, si efféminés et perdirent tellement leurs forces, que, quand ils voulaient se livrer à des exercices corporels et à des travaux militaires, ils étaient fatigués, continuellement hors d’haleine, les membres ruisselants de sueur, et cessaient tout travail plus tôt que ne leur avaient ordonné leurs chefs.

IX. Instruit de cette état de choses, le dictateur des Romains, Camille, ayant convoqué les troupes qu’il avait avec lui, leur tint des discours pleins d’encouragements, où, pour les enhardir, il leur disait entre autres choses :
Notre armement est mieux composé que celui des Barbares : cuirasses, casques, jambarts, solides boucliers, avec cela tout notre corps est bien gardé; puis nous avons nos épées à deux tranchants, et, au lieu de la lance, le javelot, trait inévitable : celles de nos armes qui nous couvrent sont de natures à ne pas céder aisément sous les coups; celles qui nous défendent sont commodes toutes les fois qu’on se met en garde. Eux, ils ont la, tête nue, nus les flancs et la poitrine, nues les cuisses et les jambes jusqu’aux pieds, sans rien qui les protège que leurs boucliers : leurs armes de combat sont des lances et des sabres prêts à frapper de taille, d’une excessive longueur. Le terrain où nous allons engager la lutte nous sera un auxiliaire, puisque nous marchons de haut en bas; pour eux, il leur est un ennemi, puisqu’ils soient forcés d’avancer de bas en haut. Que nul d’entre vous ne craigne donc ni le nombre des ennemis, ni leur grande taille; que personne à la vue de ces avantages, n’apporte dans la lutte moins de courage; mais mettez-vous dans l’esprit, d’abord, qu’une armée moins nombreuse, mais sachant ce qu’il faut faire, vaut mieux qu’une armée qui est plus grande, mais qui ne sait rien; ensuite, qu’à ceux qui combattent pour leur propre cause la nature elle-même inspire une sorte de confiance en face des dangers, et leur communique un esprit d’enthousiasme comme aux âmes que possède un Dieu : que ceux-là, au contraire, qui n’ont d’ardeur que pour piller le bien d’autrui, leur audace, d’habitude, s’amollit en présence des périls. Mais ce qui en eux effraye leurs ennemis et, avant qu’on en vienne aux mains, les épouvante, ne doit pas nous faire peur, comme si nous étions étrangers à la guerre. Quel mal pourront nous faire, quand nous marcherons ensemble, leurs épaisses chevelures et ce qu’il y a de dur dans leurs regards et de farouche dans leur physionomie? Et leurs bonds désordonnés et les mouvements de leurs armes qu’ils agitent dans le vide, et les bruits multipliés de leurs boucliers, et tout ce que forfanterie de barbares et de fous entasse de geste et de cris dans leurs menaces à l’adresse de leurs ennemis, quel avantage tout cela peut-il bien donner à leurs attaques insensées? quelle crainte cela peut-il inspirer à qui affronte avec sang froid les dangers? Avec ces pensées, vous tous, et ceux qui se sont trouvés à la première bataille contre les Celtes, et ceux qui, à cause de leur jeunesse, avaient été laissés ici, les premiers, pour ne pas déshonorer votre vertu d’alors par de la lâcheté d’aujourd’hui, les autres, pour ne pas être inférieurs à vos aînés dans une montre de hauts faits, allez, généreux enfants, imitateurs de vos braves pères, allez d’un pas intrépide ; vous avez les dieux pour soutiens, les dieux qui vous donneront le pouvoir, comme vous en avez la volonté, de tirer vengeance de vos mortels ennemis; et vous m’avez pour général, moi, dont vous vous pouvez attester et la sagesse et le bonheur, vous qui à partir d’aujourd’hui aurez des jours heureux, puisqu’il vous peut être donné de rendre à votre patrie son illustre couronne; vous qui pour un corps mortel laisserez une immortelle gloire à vos petits-enfants et à vos vieux parents ; je dis vous qui atteindrez ainsi le terme de la vie. Je ne sais que vous dire de plus : car déjà l’armée barbare s’ébranle, elle s’avance contre nous. Retirez-vous donc et prenez vos rangs.


X. La façon de combattre des Barbares, avec son caractère brutal et furieux, avait quelque chose de désordonné et d’étranger à la science des armes. Tantôt élevant bien haut leurs sabres, ils frappaient d’une façon sauvage, avec un mouvement de tout leur corps, comme des bûcherons ou des pionniers ; tantôt ils portaient de côté leurs coups sans viser, comme s’ils allaient entailler leurs adversaires, corps et armes défensives tout à la fois ; puis ils retournaient dans l’autre sens le tranchant de leur fer. La vaillance des romains, et en face de la barbarie, leur adresse rivale étaient savantes et faisait beaucoup pour leur sûreté. Car, tandis que l’ennemi levait son sabre, se glissant sous son bras, et élevant au-dessus d’eux leurs boucliers, puis se courbant, se ramassant sur eux-mêmes, ils faisaient porter à faux et dans le vide des coups qui passaient par-dessus leur tête. Eux-mêmes, au contraire, portant leur épée droite, en frappaient l’ennemi à l’aine, lui ouvraient les flancs, et à travers la poitrine poussaient leurs coups jusqu’aux entrailles ; et tous ceux qu’ils voyaient occupés à préserver ces parties [de leurs corps], ils leur tranchaient les tendons des jarrets et des talons, et les couchaient par terre, rugissants, mordant leurs boucliers et poussant, comme des bêtes sauvages, des cris semblables à des hurlements. Les forces faisaient défaut à plusieurs des Barbares dont les membres étaient rompus de fatigue et dont les armes étaient émoussées ou brisées, ou ne pouvaient plus leur servir. Car, indépendamment du sang qui coulait à flots de leurs blessures, la sueur qui s’épandait par tout leurs corps ne leur permettait ni de manier leurs sabres, ni de tenir leurs boucliers, leurs doigts glissant autour des poignées et ne pouvant plus les serrer avec assez de force. Les Romains, au contraire, dès longtemps habitués au travail, grâce à leurs guerres incessantes, continuelles, supportaient bravement toutes les misères.

XII. C’était quelque chose de prodigieux que le corps de ce Celte, qui dépassait de beaucoup la commune mesure….

(1). Litt. le Palérin.

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Messagede Muskull » Lun 13 Déc, 2004 17:25

Beau "panorama" historique ejds :wink:

Le combat mythique des hommes (ici les braves et abstinents romains) et les titans dagdéens.
Sûr que les romains avaient une sainte trouille des celtes en "java". :lol:
A lire le dernier texte on à l'impression qu'ils avaient les yeux à la hauteur du nombril de l'adversaire. :shock:
Immense choc culturel également, style "Mars attack", le bien de l'un est le mal de l'autre, etc... Ou comme chien et chat : Le Ki (cu) celte frétille de la queue quand il est content, le chat quand il est en colère, difficile communication. :D

Instructif aussi, les gamins trop remuants et fauteurs de désordre dans le "céleste empire" celtique, on les envoyait se "faire voir chez les grecs" :
- Allez zou ! Va faire ton mercenaire et ramène nous des sesterces ou des statères d'or !
Déjà la légion étrangère pour les chenapans...

Bref, j'ai l'air de blaguer mais merci ejds pour ton effort. :)
Quant au "définitif" un peu choquant, il me semble marquer le gué entre les celtes "comme on voudrait qu'ils soient" et les celtes tels qu'ils étaient.
On ne peut pas décortiquer une seule phrase romaine ou grecque pour en sortir une vision célestielle et laisser de côté des paragraphes entiers qui décrivent le pourquoi de leur "chute".
C'est un peu cette même différence qu'il y a entre le "cheval d'orgueil" et le "cheval couché".
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Francs

Messagede ejds » Dim 17 Avr, 2005 15:10

COMBAT DES ROMAINS ET DES FRANCS
Chateaubriand. Les Martyrs, librairie Hachette, 1935.
Livre sixième

Romancées par Chateaubriand, pages choisies de scènes de guerre mettant en confrontation les Francs contre les Romains et leurs corps d’armée auxiliaires gaulois, germains, grecs, crétois… et chrétiens.

Document originaire et annotations consultables dans leurs intégralités sur le site de la Bibliothèque Nationale de France :

http://membres.lycos.fr/jmdoggy/textes/martyrs1826.html

Marche de l'armée romaine en Batavie contre l'armée des Francs
Après quelques jours de marche, nous entrâmes sur le sol marécageux des Bataves, qui n'est qu'une mince écorce de terre flottant sur un amas d'eau. Le pays, coupé par les bras du Rhin, baigné et souvent inondé par l'Océan, embarrassé par des forêts de pins et de bouleaux, nous présentait à chaque pas des difficultés insurmontables.

Epuisé par les travaux de la journée, je n'avais durant la nuit que quelques heures pour reposer mes membres fatigués. Souvent il m'arrivait, pendant ce court repos, d'oublier ma nouvelle fortune; et lorsqu'aux premières blancheurs de l'aube les trompettes du camp venaient à sonner l'air de Diane, j'étais étonné d'ouvrir les yeux au milieu des bois. Il y avait pourtant un charme à ce réveil du guerrier échappé aux périls de la nuit. Je n'ai jamais entendu sans une certaine joie belliqueuse la fanfare du clairon, répétée par l'écho des rochers, et les premiers hennissements des chevaux qui saluaient l'aurore. J'aimais à voir le camp plongé dans le sommeil, les tentes encore fermées d'où sortaient quelques soldats à moitié vêtus, le centurion qui se promenait devant les faisceaux d'armes en balançant son cep de vigne, la sentinelle immobile qui, pour résister au sommeil, tenait un doigt levé dans l'attitude du silence, le cavalier qui traversait le fleuve coloré des feux du matin, le victimaire qui puisait l'eau du sacrifice, et souvent un berger appuyé sur sa houlette, qui regardait boire son troupeau.

Cette vie des camps ne me fit point tourner les yeux avec regret vers les délices de Naples et de Rome, mais elle réveilla en moi une autre espèce de souvenirs. Plusieurs fois, pendant les longues nuits de l'automne, je me suis trouvé seul, placé en sentinelle, comme un simple soldat, aux avant-postes de l'armée. Tandis que je contemplais les feux réguliers des lignes romaines et les feux épars des hordes des Francs, tandis que, l'arc à demi tendu, je prêtais l'oreille au murmure de l'armée ennemie, au bruit de la mer et au cri des oiseaux sauvages qui volaient dans l'obscurité, je réfléchissais sur ma bizarre destinée. Je songeais que j'étais là, combattant pour des Barbares, tyrans de la Grèce, contre d'autres Barbares dont je n'avais reçu aucune injure…

Mais lorsque, jetant les yeux autour de nous, nous apercevions les horizons noirs et plats de la Germanie, ce ciel sans lumières qui semble vous écraser sous sa voûte abaissée, ce soleil impuissant qui ne peint les objets d'aucune couleur ; quand nous venions à nous rappeler les paysages éclatants de la Grèce, la haute et riche bordure de leurs horizons, le parfum de nos orangers, la beauté de nos fleurs, l'azur velouté d'un ciel où se joue une lumière dorée, alors il nous prenait un désir si violent de revoir notre terre natale, que nous étions près d'abandonner les aigles. Il n'y avait qu'un Grec parmi nous qui blâmât ces sentiments, qui nous exhortât à remplir nos devoirs et à nous soumettre à notre destinée. Nous le prenions pour un lâche : quelque temps après il combattit et mourut en héros, et nous apprîmes qu'il était chrétien.

Les Francs avaient été surpris par Constance : ils évitèrent d'abord le combat, mais aussitôt qu'ils eurent rassemblé leurs guerriers, ils vinrent audacieusement au-devant de nous et nous offrirent la bataille sur le rivage de la mer. On passa la nuit à se préparer de part et d'autre, et le lendemain, au lever du jour, les armées se trouvèrent en présence…

La Légion de fer et la Foudroyante occupaient le centre de l'armée de Constance.

En avant de la première ligne paraissaient les vexillaires distingués par une peau de lion qui leur couvrait la tête et les épaules. Ils tenaient levés les signes militaires des cohortes : l'aigle, le dragon, le loup, le minotaure. Ces signes étaient parfumés et ornés de branches de pin, au défaut de fleurs.
Les hastati, chargés de lances et de boucliers, formaient la première ligne après les vexillaires.
Les princes, armés de l'épée, occupaient le second rang, et les triarii venaient au troisième. Ceux-ci balançaient le pilum de la main gauche ; leurs boucliers étaient suspendus à leurs piques plantées devant eux, et ils tenaient le genou droit en terre, en attendant le signal du combat.
Des intervalles ménagés dans la ligne des légions étaient remplis par des machines de guerre.

A l'aile gauche de ces légions, la cavalerie des alliés déployait son rideau mobile. Sur des coursiers tachetés comme des tigres et prompts comme des aigles se balançaient avec grâce les cavaliers de Numance, de Sagonte et des bords enchantés du Bétis. Un léger chapeau de plume ombrageait leur front, un petit manteau de laine noire flottait sur leurs épaules, une épée recourbée retentissait à leur côté. La tête penchée sur le cou de leurs chevaux, les rênes entre les dents, deux courts javelots à la main, ils volaient à l'ennemi. Le jeune Viriate entraînait après lui la fureur de ces cavaliers rapides. Des Germains d'une taille gigantesque étaient entremêlés çà et là, comme des tours, dans le brillant escadron. Ces barbares avaient la tête enveloppée d'un bonnet; ils maniaient d'une main une massue de chêne et montaient à cru des étalons sauvages. Auprès d'eux, quelques cavaliers numides, n'ayant pour toute arme qu'un arc, pour tout vêtement qu'une chlamyde, frissonnaient sous un ciel rigoureux.

A l'aile opposée de l'armée se tenait immobile la troupe superbe des chevaliers romains : leur casque était d'argent, surmonté d'une louve de vermeil; leur cuirasse étincelait d'or, et un large baudrier d'azur suspendait à leur flanc une lourde épée ibérienne. Sous leurs selles ornées d'ivoire s'étendait une housse de pourpre, et leurs mains, couvertes de gantelets, tenaient les rênes de soie qui leur servaient à guider de hautes cavales plus noires que la nuit.
Les archers crétois, les vélites romains et les différents corps des Gaulois étaient répandus sur le front de l'armée. L'instinct de la guerre est si naturel chez ces derniers, que souvent, dans la mêlée, les soldats deviennent des généraux, rallient leurs compagnons dispersés, ouvrent un avis salutaire, indiquent le poste qu'il faut prendre. Rien n'égale l'impétuosité de leurs attaques : tandis que le Germain délibère, ils ont franchi les torrents et les monts; vous les croyez au pied de la citadelle, et ils sont au haut du retranchement emporté. En vain les cavaliers les plus légers voudraient les devancer à la charge, les Gaulois rient de leurs efforts, voltigent à la tête des chevaux et semblent leur dire : " Vous saisiriez plutôt les vents sur la plaine, ou les oiseaux dans les airs. "
Tous ces barbares avaient la tête élevée, les couleurs vives, les yeux bleus, le regard farouche et menaçant; ils portaient de larges braies, et leur tunique était chamarrée de morceaux de pourpre; un ceinturon de cuir pressait à leur côté leur fidèle épée. L'épée du Gaulois ne le quitte jamais : mariée, pour ainsi dire, à son maître, elle l'accompagne pendant la vie, elle le suit sur le bûcher funèbre, et descend avec lui au tombeau. Tel était le sort qu'avaient jadis les épouses dans les Gaules, tel est aussi celui qu'elles ont encore au rivage de l'Indus.

Enfin, arrêtée comme un nuage menaçant sur le penchant d'une colline, une légion chrétienne, surnommée la Pudique, formait derrière l'armée le corps de réserve et la garde de César. Elle remplaçait auprès de Constance la légion thébaine égorgée par Maximien. Victor, illustre guerrier de Marseille, conduisait au combat les milices de cette religion qui porte aussi noblement la casaque du vétéran que le cilice de l'anachorète.
Cependant l’œil était frappé d'un mouvement universel on voyait les signaux du porte-étendard qui plantait le jalon des lignes, la course impétueuse du cavalier, les ondulations des soldats qui se nivelaient sous le cep du centurion. On entendait de toutes parts les grêles hennissements des coursiers, le cliquetis des chaînes, les sourds roulements des balistes et des catapultes, les pas réguliers de l'infanterie, la voix des chefs qui répétaient l'ordre, le bruit des piques qui s'élevaient et s'abaissaient au commandement des tribuns. Les Romains se formaient en bataille aux éclats de la trompette, de la corne et du lituus ; et nous Crétois, fidèles à la Grèce au milieu de ces peuples barbares, nous prenions nos rangs au son de la lyre.

Mais tout l'appareil de l'armée romaine ne servait qu'à rendre l'armée des ennemis plus formidable, par le contraste d'une sauvage simplicité.

[...]

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Messagede ejds » Dim 17 Avr, 2005 15:18

Chants guerriers
Parés de la dépouille des ours, des veaux marins, des urochs et des sangliers, les Francs se montraient de loin comme un troupeau de bêtes féroces. Une tunique courte et serrée laissait voir toute la hauteur de leur taille, et ne leur cachait pas le genou. Les yeux de ces barbares ont la couleur d'une mer orageuse, leur chevelure blonde, ramenée en avant sur leur poitrine et teinte d'une liqueur rouge, est semblable à du sang et à du feu. La plupart ne laissent croître leur barbe qu'au-dessus de la bouche, afin de donner à leurs lèvres plus de ressemblance avec le mufle des dogues et des loups. Les uns chargent leur main droite d'une longue framée, et leur main gauche d'un bouclier qu'ils tournent comme une roue rapide; d'autres, au lieu de ce bouclier, tiennent une espèce de javelot, nommé angon, où s'enfoncent deux fers recourbés, mais tous ont à la ceinture la redoutable francisque, espèce de hache à deux tranchants, dont le manche est recouvert d'un dur acier; arme funeste que le Franc jette en poussant un cri de mort, et qui manque rarement de frapper le but qu'un oeil intrépide a marqué.

Ces barbares fidèles aux usages des anciens Germains, s'étaient formés en coin, leur ordre accoutumé de bataille. Le formidable triangle, où l'on ne distinguait qu'une forêt de framées, des peaux de bêtes et des corps demi-nus, s'avançait avec impétuosité, mais d'un mouvement égal, pour percer la ligne romaine. A la pointe de ce triangle étaient placés des braves qui conservaient une barbe longue et hérissée, et qui portaient au bras un anneau de fer. Ils avaient juré de ne quitter ces marques de servitude qu'après avoir sacrifié un Romain. Chaque chef, dans ce vaste corps, était environné des guerriers de sa famille, afin que, plus ferme dans le choc, il remportât la victoire ou mourût avec ses amis. Chaque tribu se ralliait sous un symbole: la plus noble d'entre elles se distinguait par des abeilles ou trois fers de lance.

Le vieux rois des Sicambres, Pharamond, conduisait l'armée entière, et laissait une partie du commandement à son petit-fils Mérovée. Les cavaliers Francs, en face de la cavalerie romaine, couvraient les deux côtés de leur infanterie : à leurs casques en forme de gueules ouvertes ombragées de deux ailes de vautour, à leurs corselets de fer, à leurs boucliers blancs, on les eût pris pour des fantômes ou pour ces figures bizarres que l'on aperçoit au milieu des nuages pendant une tempête. Clodion, fils de Pharamond et père de Mérovée, brillait à la tête de ces cavaliers menaçants.

Sur une grève, derrière cet essaim d'ennemis, on apercevait leur camp, semblable à un marché de laboureurs et de pêcheurs; il était rempli de femmes et d'enfants, et retranché avec des bateaux de cuir et des chariots attelés de grands bœufs. Non loin de ce camp champêtre, trois sorcières en lambeaux faisaient sortir de jeunes poulains d'un bois sacré, afin de découvrir par leur course à quel parti Tuiston promettait la victoire. La mer d'un côté, des forêts de l'autre, formaient le cadre de ce grand tableau.

Le soleil du matin, s'échappant des replis d'un nuage d'or, verse tout à coup sa lumière sur les bois, l'Océan et les armées. La terre paraît embrasée du feu des casques et des lances, les instruments guerriers sonnent l'air antique de Jules César partant pour les Gaules. La rage s'empare de tous les cœurs, les yeux roulent du sang, la main frémit sur l'épée. Les chevaux se cabrent, creusent l'arène, secouent leur crinière, frappent de leur bouche écumante leur poitrine enflammée, ou lèvent vers le ciel leurs naseaux brûlants, pour respirer les sons belliqueux. Les Romains commencent le chant de Probus :
"Quand nous aurons vaincu mille guerriers francs, combien ne vaincrons-nous pas de millions de Perses ! " Les Grecs répètent en chœur le Pæan, et les Gaulois l'hymne des Druides. Les Francs répondent à ces cantiques de mort : ils serrent leurs boucliers contre leur bouche, et font entendre un mugissement semblable au bruit de la mer que le vent brise contre un rocher; puis tout à coup, poussant un cri aigu, ils entonnent le bardit à la louange de leurs héros :

" Pharamond ! Pharamond ! nous avons combattu avec l'épée. […]

Ainsi chantaient quarante mille barbares. Leurs cavaliers haussaient et baissaient leurs boucliers blancs en cadence, et à chaque refrain ils frappaient du fer d'un javelot leur poitrine couverte de fer…

Déjà les Francs sont à la portée du trait de nos troupes légères. Les deux armées s'arrêtent. Il se fait un profond silence. César, du milieu de la légion chrétienne, ordonne d'élever la cotte d'armes de pourpre, signal du combat; les archers tendent leurs arcs, les fantassins baissent leurs piques, les cavaliers tirent tous à la fois leurs épées, dont les éclairs se croisent dans les airs. Un cri s'élève du fond des légions : " Victoire à l'Empereur! "
Les barbares repoussent ce cri par un effroyable mugissement : la foudre éclate avec moins de rage sur les sommets de l'Apennin, l'Etna gronde avec moins de violence lorsqu'il verse au sein des mers des torrents de feu, l'Océan bat ses rivages avec moins de fracas quand un tourbillon, descendu par l'ordre de l'Eternel, a déchaîné les cataractes de l'abîme.

Les Gaulois lancent les premiers leurs javelots contre les Francs, mettent l'épée à la main et courent à l'ennemi. L'ennemi les reçoit avec intrépidité. Trois fois ils retournent à la charge ; trois fois ils viennent se briser contre le vaste corps qui les repousse : tel un grand vaisseau, voguant par un vent contraire, rejette de ses deux bords les vagues qui fuient et murmurent le long de ses flancs. Non moins braves et plus habiles que les Gaulois, les Grecs font pleuvoir sur les Sicambres une grêle de flèches; et reculant peu à peu sans rompre nos rangs, nous fatiguons les deux lignes du triangle de l'ennemi. Comme un taureau vainqueur dans cent pâturages, fier de sa corne mutilée et des cicatrices de sa large poitrine, supporte avec impatience la piqûre du taon, sous les ardeurs du midi, ainsi les Francs, percés de nos dards, deviennent furieux à ces blessures sans vengeance et sans gloire. Transportés d'une aveugle rage, ils brisent le trait dans leur sein, se roulent par terre et se débattent dans les angoisses de la douleur.

La cavalerie romaine s'ébranle pour enfoncer les barbares. […]

Un combat violent s'engage entre les cavaliers sur les deux ailes des armées.

Cependant la masse effrayante de l'infanterie des barbares vient toujours roulant vers les légions. Les légions s'ouvrent, changent leur front de bataille, attaquent à grands coups de pique les deux côtés du triangle de l'ennemi. Les vélites, les Grecs et les Gaulois se portent sur le troisième côté. Les Francs sont assiégés comme une vaste forteresse. La mêlée s'échauffe; un tourbillon de poussière rougie s'élève et s'arrête au milieu des combattants. Le sang coule comme les torrents grossis par les pluies de l'hiver, comme les flots de l'Euripe dans le détroit de l'Eubée. Le Franc, fier de ses larges blessures, qui paraissent avec plus d'éclat sur la blancheur d'un corps demi-nu, est un spectre déchaîné du monument et rugissant au milieu des morts. Au brillant éclat des armes a succédé la sombre couleur de la poussière et du carnage. Les casques sont brisés, les panaches abattus, les boucliers fendus, les cuirasses percées.

L'haleine enflammée de cent mille combattants, le souffle épais des chevaux, la vapeur des sueurs et du sang, forment sur le champ de bataille une espèce de météore que traverse de temps en temps la lueur d'un glaive, comme le trait brillant du foudre dans la livide clarté d'un orage. Au milieu des cris, des insultes, des menaces, du bruit des épées, des coups des javelots, du sifflement des flèches et des dards, du gémissement des machines de guerre, on n'entend plus la voix des chefs.

[...]

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Messagede ejds » Dim 17 Avr, 2005 15:28

Combat singulier entre le chef des Gaulois, et le fils du roi des Francs
Mérovée avait fait un massacre épouvantable des Romains. On le voyait debout sur un immense chariot, avec douze compagnons d'armes, appelés ses douze pairs, qu'il surpassait de toute la tête. Au-dessus du chariot flottait une enseigne guerrière, surnommée l'Oriflamme. Le chariot, chargé d'horribles dépouilles, était traîné par trois taureaux dont les genoux dégouttaient de sang et dont les cornes portaient des lambeaux affreux. […]

Le chef des Gaulois aperçut Mérovée dans ce repos insultant et superbe. Sa fureur s'allume; […]

Toute l'armée s'arrête pour regarder le combat des deux chefs. Le Gaulois fond l'épée à la main sur le jeune Franc, le presse, le frappe, le blesse à l'épaule et le contraint de reculer jusque sous les cornes des taureaux. Mérovée à son tour lance son angon, qui, par ses deux fers recourbés s'engage dans le bouclier du Gaulois. Au même instant le fils de Clodion bondit comme un léopard, met le pied sur le javelot, le presse de son poids, le fait descendre vers la terre, et abaisse avec lui le bouclier de son ennemi. Ainsi forcé de se découvrir, l'infortuné Gaulois montre la tête. La hache de Mérovée part, siffle, vole et s'enfonce dans le front du Gaulois, comme la cognée d'un bûcheron dans la cime d'un pin. La tête du guerrier se partage ; sa cervelle se répand des deux côtés, ses yeux roulent à terre. Son corps reste encore un moment debout, étendant des mains convulsives, objet d'épouvante et de pitié.

A ce spectacle les Gaulois poussent un cri de douleur. Leur chef était le dernier descendant de ce Vercingétorix qui balança si longtemps la fortune de Jules. Il semblait que par cette mort l'empire des Gaules, en échappant aux Romains, passait aux Francs : ceux-ci, pleins de joie, entourent Mérovée, l'élèvent sur un bouclier, et le proclament roi avec ses pères, comme le plus brave des Sicambres. L'épouvante commence à s'emparer des légions. Constance, qui, du milieu du corps de réserve, suivait de l’œil les mouvements des troupes, aperçoit le découragement des cohortes. Il se tourne vers la légion chrétienne : Braves soldats, la fortune de Rome est entre vos mains. Marchons à l'ennemi.

Aussitôt les fidèles abaissent devant César leurs aigles surmontées de l'étendard du salut. Victor commande : la légion s'ébranle et descend en silence de la colline.

Chaque soldat porte sur son bouclier une croix entourée de ces mots :
" Tu vaincras par ce signe. "

Tous les centurions étaient des martyrs couverts des cicatrices du fer et du feu. Que pouvait contre de tels hommes la crainte des blessures et de la mort ? O touchante fidélité ! Ces guerriers allaient répandre pour leurs princes les restes d'un sang dont ces princes avaient presque tari la source ! Aucune frayeur, mais aussi aucune joie ne paraissait sur le visage des héros chrétiens. Leur valeur tranquille était pareille à un lis sans tache. Lorsque la légion s'avança dans la plaine, les Francs se sentirent arrêtés au milieu de leur victoire. Ils ont conté qu'ils voyaient à la tête de cette légion une colonne de feu et de nuées et un cavalier vêtu de blanc, armé d'une lance et d'un bouclier d'or. Les Romains qui fuyaient tournent le visage ; l'espérance revient au cœur du plus faible et du moins courageux : ainsi, après un orage de nuit, quand le soleil du matin parait dans l'orient, le laboureur rassuré admire l'astre qui répand un doux éclat sur la nature ; sous les lierres de la cabane antique le jeune passereau pousse des cris de joie; le vieillard vient s'asseoir sur le seuil de la porte : il entend des bruits charmants au-dessus de sa tête, et il bénit l'Eternel.

A l'approche des soldats du Christ, les barbares serrent leurs rangs, les Romains se rallient. Parvenue sur le champ de bataille, la légion s'arrête, met un genou en terre, et reçoit de la main d'un ministre de paix la bénédiction du Dieu des armées. Constance lui-même ôte sa couronne de laurier, et s'incline. La troupe sainte se relève, et, sans jeter ses javelots, elle marche l'épée haute à l'ennemi. Le combat recommence de toutes parts. La légion chrétienne ouvre une large brèche dans les rangs des barbares; Romains, Grecs et Gaulois, nous entrons tous à la suite de Victor dans l'enceinte des Francs, rompus. Aux attaques d'une armée disciplinée succèdent des combats à la manière des héros d'Ilion.

Mille groupes de guerriers se heurtent, se choquent, se pressent, se repoussent; partout règnent la douleur, le désespoir, la fuite. Filles des Francs, c'est en vain que vous préparez le baume pour des plaies que vous ne pourrez guérir ! L'un est frappé au cœur du fer d'une javeline, et sent s'échapper de ce cœur les images chères et sacrées de la patrie; l'autre a les deux bras brisés du coup d'une massue, et ne pressera plus sur son sein le fils qu'une épouse porte encore à la mamelle. Celui-ci regrette son palais, celui-là sa chaumière ; le premier ses plaisirs, le second ses douleurs, car l'homme s'attache à la vie par ses misères autant que par ses prospérités.
Ici, environné de ses compagnons, un soldat païen expire en vomissant des imprécations contre César et contre les dieux. Là, un soldat chrétien meurt isolé, d'une main retenant ses entrailles, de l'autre pressant un crucifix et priant Dieu pour son empereur. Les Sicambres, tous frappés par devant et couchés sur le dos, conservaient dans la mort un air si farouche, que le plus intrépide osait à peine les regarder.

Je ne vous oublierai pas, couple généreux, jeunes Francs que je rencontrai au milieu du champ du carnage ! Ces fidèles amis, plus tendres que prudents, afin d'avoir dans le combat la même destinée, s'étaient attachés ensemble par une chaîne de fers. L'un était tombé mort sous la flèche d'un Crétois ; l'autre, atteint d'une blessure cruelle, mais encore vivant, se tenait à demi soulevé auprès de son frère d'armes. Il lui disait : " Guerrier, tu dors après les fatigues de la bataille. Tu n'ouvriras plus les yeux à ma voix, mais la chaîne de notre amitié n'est point rompue ; elle me retient à tes côtés. " […]

Cependant les bras fatigués portent des coups ralentis; les clameurs deviennent plus déchirantes et plus plaintives. Tantôt une grande partie des blessés, expirant à la fois, laisse régner un affreux silence ; tantôt la voix de la douleur se ranime et monte en longs accents vers le ciel. On voit errer des chevaux sans maîtres, qui bondissent ou s'abattent sur des cadavres ; quelques machines de guerre abandonnées brûlent çà et là comme les torches de ces immenses funérailles.

La nuit vint couvrir de son obscurité ce théâtre des fureurs humaines. Les Francs, vaincus mais toujours redoutables, se retirèrent dans l'enceinte de leurs chariots. Cette nuit, si nécessaire à notre repos, ne fut pour nous qu'une nuit d'alarmes : à chaque instant nous craignions d'être attaqués. Les barbares jetaient des cris qui ressemblaient aux hurlements des bêtes féroces : ils pleuraient les braves qu'ils avaient perdus et se préparaient eux-mêmes à mourir. Nous n'osions ni quitter nos armes, ni allumer des feux. Les soldats romains frémissaient, se cherchaient dans les ténèbres; ils s'appelaient, ils se demandaient un peu de pain ou d'eau ; ils pansaient leurs blessures avec leurs vêtements déchirés. Les sentinelles se répondaient en se renvoyant de l'une à l'autre le cri des veilles.[…]

Les Francs, pendant la nuit, avaient coupé les têtes des cadavres romains et les avaient plantées sur des piques devant leur camp, le visage tourné vers nous. Un énorme bûcher, composé de selles de chevaux et de boucliers brisés, s'élevait au milieu du camp. Le vieux Pharamond, roulant des yeux terribles et livrant au souffle du matin sa longue chevelure blanche, était assis au haut du bûcher. Au bas paraissaient Clodion et Mérovée : ils tenaient à la main, en guise de torches, l'hast enflammé de deux piques rompues, prêts à mettre le feu au trône funèbre de leur père, si les Romains parvenaient à forcer le retranchement des chariots.

Nous restons muets d'étonnement et de douleur; les vainqueurs semblent vaincus par tant de barbarie et tant de magnanimité ! Les larmes coulent de nos yeux à la vue des têtes sanglantes de nos compagnons d'armes : chacun se rappelle que ces bouches muettes et décolorées prononçaient encore la veille les paroles de l'amitié !
Bientôt à ce mouvement de regret succède la soif de la vengeance. On n'attend point le signal de l'assaut; rien ne peut résister à la fureur du soldat : les chariots sont brisés, le camp est ouvert, on s'y précipite.

Alors se présente un nouvel ennemi : les femmes des barbares, vêtues de robes noires, s'élancent au-devant de nous, se percent de nos armes ou cherchent à les arracher de nos mains; les unes arrêtent par la barbe le Sicambre qui fuit et le ramènent au combat; les autres, comme des Bacchantes enivrées, déchirent leurs époux et leurs pères; plusieurs étouffent leurs enfants et les jettent sous les pieds des hommes et des chevaux; plusieurs, se passant au cou un lacet fatal, s'attachent aux cornes des bœufs et s'étranglent en se faisant traîner misérablement. Une d'entre elles s'écrie du milieu de ses compagnes : " Romains, tous vos présents n'ont point été funestes ! Si vous nous avez apporté le fer qui enchaîne, vous nous avez donné le fer qui délivre ! " Et elle se frappe d'un poignard.

[…]

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Messagede ejds » Dim 17 Avr, 2005 15:32

Raz-de-marée
C'en était fait des peuples de Pharamond, si le ciel, qui leur garde peut-être de grandes destinées, n'eût sauvé le reste de leurs guerriers. Un vent impétueux se lève entre le nord et le couchant; les flots s'avancent sur les grèves; on voit venir, écumante et limoneuse, une de ces marées de l'équinoxe qui dans ces climats semblent jeter l'Océan tout entier hors de son lit. La mer, comme un puissant allié des barbares, entre dans le camp des Francs pour en chasser les Romains.

Les Romains reculent devant l'armée des flots; les Francs reprennent courage; ils croient que le monstre marin, père de leur jeune prince, est sorti de ses grottes azurées pour les secourir. Ils profitent de notre désordre; ils nous repoussent, ils nous pressent, ils secondent les efforts de la mer. Une scène extraordinaire frappe les yeux de toutes parts : là, les bœufs épouvantés nagent avec les chariots qu'ils entraînent; ils ne laissent voir au-dessus des vagues que leurs cornes recourbées, et ressemblent à une multitude de fleuves qui auraient apporté eux-mêmes leurs tributs à l'Océan; ici, les Saliens mettent à flot leurs bateaux de cuir et nous frappent à coups de rames et d'avirons.
Mérovée s'était fait une nacelle d'un large bouclier d'osier : porté sur cette conque guerrière, il nous poursuivait escorté de ses pairs qui bondissaient autour de lui comme des tritons. Pleines d'une joie insensée, les femmes battaient des mains et bénissaient les flots libérateurs.

Partout la lame croissante se brise et jaillit contre les armes : partout disparaît le cavalier qui se noie, le fantassin qui n'a plus que son épée hors de l'eau; des cadavres qui paraissent se ranimer roulent avec les algues, le sable et le limon. Séparé du reste des légions et réuni à quelques soldats, je combattis longtemps une multitude de barbares, mais enfin, accablé par le nombre, je tombai, percé de coups, au milieu de mes compagnons étendus morts à mes côtés.

(Livre VI.)

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Messagede ejds » Dim 03 Déc, 2006 12:10

A signaler :
amazon.fr a écrit:LES ERREURS STRATEGIQUES DES GAULOIS FACE A CESAR

de Philippe Richardot

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Présentation de l'éditeur

La guerre des Gaules est presque toujours vue du côté des Romains, car il n'y a pas eu de grands historiens gaulois pour rapporter l'événement. Qui plus est, la guerre des Gaules est vue du côté du conquérant romain, Jules César, auteur du seul grand récit sur le sujet, admirablement ramassé dans ses Commentaires. Même lorsque certains historiens contemporains essaient de prendre César en flagrant délit de désinformation, c'est toujours du côté romain qu'ils se placent, tant la conquête de la Gaule a, après deux millénaires, romanisé les descendants des fils de la Gaule vaincue. Le nom même de " Gaulois " est un jeu de mots latin qui signifie " Coq ", déformé d'après le nom que se donnaient les Celtes de Gaule. L'image classique de César est celle d'un conquérant de marbre qui réalise un grand projet de civilisation sur un peuple aussi indiscipliné que divisé dont l'ardeur bravache vient se briser contre l'art des légions. Hors des poncifs et d'une analyse romanocentrique, cet ouvrage montre un César politicien qui mène une quasi guerre privée, sinon partisane pour financer sa carrière à Rome, voire pour échapper au tribunal. En face de lui, des Gaulois, certes divisés, dont la partie méridionale, déjà romanisée, choisit le camp de César. Des Gaulois, dont la communauté de culture apparaît malgré les clivages politiques aussi profonds entre tribus rivales qu'à l'intérieur d'elles-mêmes. Mais c'est une Gaule riche, en proie à une crise démographique et militaire qu'agresse César avec un cynisme implacable: une Gaule incapable de s'opposer aux migrations armées des Germains et des Helvètes, avant d'être écrasée par le conquérant romain. Si le résultat de la lutte est connu, les calculs des Gaulois, la valeur stratégique de leurs chefs, l'art militaire des peuples celto-germaniques, les opérations les moins avouables de César sont peu étudiées, Les Gaulois pouvaient-ils l'emporter ? César était-il un maître joueur d'échecs ou a-t-il vaincu sur les erreurs de stratégie des Celtes ?

Biographie de l'auteur

Philippe Richardot, professeur Agrégé et Docteur d'Histoire, est administrateur national et Délégué Méditerranée de la Commission Française d'Histoire Militaire, directeur de recherches à l'Institut für vergleichende Taktik de Vienne-Potsdam, membre du Comité scientifique du Centre d'Histoire et de Prospective Militaires de Lausanne-Pully, chargé de recherches à l'Institut de Stratégie Comparée de Paris, ancien auditeur de la Session régionale des Hautes Etudes de la Défense Nationale et de la Session méditerranéenne des Hautes Etudes de l'Armement. Il est l'auteur de plusieurs livres et de nombreux articles sur l'Armée romaine, la pensée militaire médiévale, l'histoire militaire comparée, la prospective géopolitique et militaire.

Editeur : Economica (10 novembre 2006)
Collection : Campagnes & stratégies


Pour écouter un document sonore par l'auteur de l'ouvrage : :shock::shock:

novopress.info a écrit:Radio Courtoisie :: La guerre des Gaules

La conquête de la Gaule par les Romains est toujours racontée vue du côté de l’envahisseur, les récits se basant presque exclusivement sur La Guerre des Gaules écrit par Jules César lui-même. Pourtant, l’image classique d’un César conquérant civilisateur de Gaulois aussi barbares qu’indisciplinés est remise en doute.

Philippe Richardot, professeur Agrégé et Docteur en Histoire, spécialiste de l’histoire militaire, montre, dans son livre “Les erreurs stratégiques des Gaulois face à César”, un César aux ambitions politiques démesurées menant une guerre cynique contre une Gaule riche, en proie à une crise démographique et militaire, dont la communauté de culture est bien réelle malgré des clivages politiques profonds tant entre tribus rivales qu’au sein de chacune. Entretien réalisé par Pierre Navarre, avec la participation de David Fontey.
(58:32)

http://fr.novopress.info/?p=6578


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