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MessagePosté: Sam 12 Fév, 2005 20:18
de Patrice
Dans un autre récit, on parle d'un quartier de Keris nommé Lexobie...


Salut,

Je me suis toujours demandé d'ailleurs quelle pouvait bien être l'origine de cette variante car la localisation de Lexobie en Bretagne est plutôt mal attestée dans la Vita III de saint Tudual (la Vita II dit clairement que Lexobie est en Neustrie) et l'est par contre chez Albert Le Grand, qui lui donne tout une liste d'évêques forgée de toutes pièces.

Le livre de Le Grand a-t-il donc été si diffusé que ça pour que Lexobie se retrouve dans une tradition populaire notée par Le Braz?

a+

Patrice

MessagePosté: Sam 12 Fév, 2005 20:32
de Sedullos
Re,
Le texte d'Albert Le Grand a été bien diffusé mais de là à faire le lien avec les récits notés par Le Braz ? Je doute un peu. Même si à un moment l'écrit a influencé la tradition orale. Le fragment sur Lexobie parle de cent cathédrales et de cent évêques qui officient.

IL faut bien voir que dans un autre récit, on dit que la vile d'Is s'étendait de Douarnenez à Port Blanc. C'est presque une Atlantide en réduction.

sed...

MessagePosté: Sam 12 Fév, 2005 21:05
de Taliesin
Bonsoir à tous ! :D

Si on a dit la ville d'Is s'étendait de Douarnenez à Port Blanc, c'est peut- être parce que les légendes la concernant étaient connues aussi bien en Basse-Cornouaille qu'en Trégor.

Elle s'étendait même jusqu'en Suède, si on en croit le récit de Selma Lagerlöf. Est-ce que "la légende de la Mort" était connue en Suède ? C'est peu probable, surtout au vu de la date de naissance de Selma Lagerlöf : elle aurait pu connaître cette légende en même temps que Le Braz, voire même avant lui.

Au 13ème siècle, des lais bretons ont été traduits en norrois (les Strengleikar) à l'initiative du roi de Norvège Haakon IV. Certains de ces lais ont été perdus dans leur version française, nous ne les connaissons que grâce à la version norroise. D'autres auraient-ils été perdus aussi bien en français qu'en norrois et ne se seraient perpétués que par la tradition orale ?

Ou alors, il faudrait remonter encore plus loin, à une légende IE commune, où des motifs aussi précis que l'achat d'un objet pour faire émerger la ville se seraient conservés.

Quant à l'étymologie de Vineta, est-ce que ça n'aurait pas plutôt un lien avec "Vinland", le nom que les Vikings donnaient à Terre-Neuve ?

Sinon, Mikhaïl, ton lien ne marche pas.

Kenavo

MessagePosté: Sam 12 Fév, 2005 21:28
de Pierre
Salut TALIESIN,


Ce n'était pas un lien, mais une image.

J'ai corrigé le texte de mikhail en conséquence :wink:



@+Pierre

MessagePosté: Dim 13 Fév, 2005 0:43
de Gwalchafed
TALIESIN a écrit:Bonsoir à tous ! :D

Si on a dit la ville d'Is s'étendait de Douarnenez à Port Blanc, c'est peut- être parce que les légendes la concernant étaient connues aussi bien en Basse-Cornouaille qu'en Trégor.

Elle s'étendait même jusqu'en Suède, si on en croit le récit de Selma Lagerlöf. Est-ce que "la légende de la Mort" était connue en Suède ? C'est peu probable, surtout au vu de la date de naissance de Selma Lagerlöf : elle aurait pu connaître cette légende en même temps que Le Braz, voire même avant lui.

Au 13ème siècle, des lais bretons ont été traduits en norrois (les Strengleikar) à l'initiative du roi de Norvège Haakon IV. Certains de ces lais ont été perdus dans leur version française, nous ne les connaissons que grâce à la version norroise. D'autres auraient-ils été perdus aussi bien en français qu'en norrois et ne se seraient perpétués que par la tradition orale ?

Ou alors, il faudrait remonter encore plus loin, à une légende IE commune, où des motifs aussi précis que l'achat d'un objet pour faire émerger la ville se seraient conservés.

Quant à l'étymologie de Vineta, est-ce que ça n'aurait pas plutôt un lien avec "Vinland", le nom que les Vikings donnaient à Terre-Neuve ?

Sinon, Mikhaïl, ton lien ne marche pas.

Kenavo


En effet cela me semble aussi possible que les noms de TOUTES les villes de TOUTES les légendes européennes ne possèdent pas de toponyme celtique.

Dans le cas du Vinland, deux possibilité :
soit VÍNLAND, avec le Í long, qui désigne alors le Pays de la Vigne
soit VINLAND, avec le I court, et c'est le Pays de la Prairie...

MessagePosté: Dim 03 Avr, 2005 21:05
de DT
Bonjour,
Etant donné que pour poursuivre mon hypothèse sur la ville d’Ys, il est nécessaire de faire appel à des références, je joins avant « analyse différente » une première partie du texte dit : « LA SECONDE BATAILLE DE MAG TURED (CATH MAIGE TUREDH) » La traduction donnée ici est celle de Ch.J. Guyonvarc’h, Textes mythologiques irlandais, vol. 1, 1980, pp. 47-59 :
Ce récit fut publié par Witley Stokes, The Second Battle of Moytura, Revue Celtique, XII, 1891, pp. 52-130, d’après l’unique manuscrit Harleian 5280. Les passages omis par Witley Stokes ont été publiés par R. Thurneysen, Zu irischen Texten, Zeitschrift für celtische Philologie, XII, 1918, pp. 401-406. Certains passages et fragments incompréhensibles ont été restitués par Ch. J. Guyonvarc’h.

« 1° Les Túatha Dé Dánann étaient dans les Îles au Nord du Monde, apprenant la science et la magie, le druidisme, la sagesse et l’art. Et ils surpassèrent tous les sages des arts du paganisme.
2° Il y avait quatre villes dans lesquelles ils apprenaient la science, la connaissance et les arts diaboliques, à savoir Falias et Gorias, Murias et Findias.
3° C’est de Falias que fut apportée la Pierre de Fal qui était à Tara. Elle criait sous chaque roi qui prenait l’Irlande.
4° C’est de Gorias que fut apportée la lance qu’avait Lug. Aucune bataille n’était gagnée contre elle ou contre celui qui l’avait à la main.
5° C’est de Findias que fut apportée l’épée de Nuada. Personne ne lui échappait quand elle était tirée du fourreau de la Bodb et on ne lui résistait pas.
6° C’est de Murias que fut apporté le chaudron du Dagda. Aucune troupe ne le quittait insatisfaite.
7° Il y avait quatre druides dans ces quatre villes. Morfesae était à Falias. Esras était à Gorias. Uiscias était à Findias. Semias était à Murias. Ce sont les quatre poètes de qui les Túatha Dé apprirent la science et la connaissance.
8° Les Túatha Dé conclurent une alliance avec les Fomoire et Balor, petit-fils de Net, donna sa fille Eithne à Cian, fils de Diancecht. Elle donna naissance à l’enfant riche en victoires, à savoir Lug.
9° Les Túatha Dé vinrent avec une grande flotte, s’approchant de l’Irlande pour la prendre de force aux Fir Bolg. Ils brûlèrent leurs embarcations aussitôt qu’ils furent arrivés dans le pays de Corcu-Belgadan, à savoir le Connemara aujourd’hui, de telle façon qu’ils n’eussent pas les moyens de s’enfuir et si bien que la fumée et le brouillard qui venaient des bateaux emplirent le pays et l’air environnants. On pensa à cause de cela qu’ils étaient venus sur des nuages de brouillard.
10° La première bataille de Mag Tured fut livrée entre eux et les Fir Bolg. Les Fir Bolg furent défaits et cent mille d’entre eux furent tués avec Eochaid, fils d’Erc, leur roi.
11° C’est dans cette bataille, alors, que fut coupé le bras de Nuada, à savoir que Sreng, fils de Sengann, le coupa et que Diancecht le médecin lui mit un bras d’argent ayant le mouvement de chaque bras. Credne l’artisan l’aidait.
12° Or, les Túatha Dé Dánann tombèrent en grand nombre dans cette bataille, avec Edleo, fils d’Alla, et Ernmas, et Fiachra, et Tuirill Bicreo.
13° Cependant quelques uns des Fir Bolg s’échappèrent de la bataille et allèrent, dans leur fuite, chez les Fomoire. Ils s’établirent à Aran, à Islay, à Man et à Rathlin.
14° Il y eut une querelle de la souveraineté des hommes d’Irlande entre les Túatha Dé et leurs femmes parce que Nuada n’avait plus la royauté après qu’on lui eut coupé le bras. Ils disaient qu’il leur était plus convenable de donner la royauté à Bres, fils d’Elatha, leur propre fils adoptif. Ils firent alliance avec les Fomoire en lui donnant la royauté, car c’était le roi des Fomoire que son père, ce même Elatha, fils de Delbaeth.
15° C’est cependant ainsi que se produisit la conception de Bres.
16° Il y avait une femme de chez eux qui regardait un jour la mer et le pays depuis la maison de Maeth Scene. C’était Eri, fille de Delbaeth, et elle regardait la mer parfaitement calme comme si elle avait été une table plane. Elle était là, et voici qu’elle vit quelque chose : un navire d’argent lui apparaissait sur la mer. Pour elle il était de grande taille, mais sa forme ne lui apparut pas. Le courant des vagues le porta sur la terre. Elle vit alors qu’il y avait là un homme de la plus grande beauté : il avait des cheveux jaunes comme de l’or sur ses épaules, un manteau avec des bordures de fil d’or autour de lui, une chemise avec des broderies de fil d’or, une broche sur la poitrine, ayant l’éclat d’une pierre précieuse ; deux lances brillantes en argent et deux manches de bronze délicatement rivés, cinq cercles d’or à son cou, une épée à poignée d’or avec des damasquinures d’argent et des clous d’or.
17° L’homme lui dit : « Est-ce le temps où il nous sera facile de nous étendre avec toi ? ». « Je ne t’ai pas fixé de rendez-vous ; en vérité », dit la femme. « Viens malgré les rendez-vous », dit-il.
18° Ils s’étendirent alors ensemble. La femme pleura quand l’homme se leva. « Pourquoi pleures-tu ? », dit-il. « Il y deux choses pour lesquelles j’ai à me lamenter », dit la femme : « me séparer de toi bien que nous nous soyons rencontrés. Les jeunes gens des Túatha Dé Dánann m’ont recherchée et mon désir va vers toi comme tu m’as possédée ».
19° « Ces deux choses t’enlèveront ta peine », dit-il. Il ôta son anneau d’or de son doigt du milieu et il le mit à sa main (à elle). Il lui dit qu’elle ne devait pas s’en séparer, ni par vente, ni par prière, si ce n’est en faveur de celui au doigt de qui il conviendrait.
20° « J’ai une autre peine », dit la femme. « Je ne sais pas qui est venu à moi ».
21° « Tu n’en seras pas ignorante », dit-il. « A toi est venu Elotha, fils de Delbaeth, roi des Fomoire. De notre rencontre tu donneras naissance à un fils, et on ne lui donnera pas d’autre nom que Eochaid Bres, c’est-à-dire Eochaid le Beau, car chaque belle chose qui sera vue en Irlande, que ce soit plaine ou forteresse, ou bière ou flambeau, ou femme ou homme ou cheval, sera comparée à ce garçon, si bien qu’on en dira que c’est un Bres ».
22° L’homme s’en retourna alors par le chemin par lequel il était venu, et la femme alla chez elle. Il lui arriva cette célèbre conception.
23 Elle enfanta alors le fils et on lui donna le nom qu’avait dit Elotha, c’est-à-dire Eochaid Bres. Quand la semaine fut achevée après que la femme se fut couchée, le garçon avait une croissance de quinze jours. Il continua à grandir ainsi jusqu’à la fin de sa septième année, si bien qu’il atteignit la croissance d’un garçon de quatorze ans.
24° C’est à cause de cette querelle qui s’éleva entre les Túatha Dé que l’on donna la souveraineté d’Irlande au garçon et il remit sept otages aux hommes forts d’Irlande, c’est-à-dire à leur chefs afin qu’ils rétablissent la souveraineté si ses propres mauvaises actions les y obligeaient. Sa mère lui donna de la terre et on lui bâtit une forteresse dans le pays, Dun Brese. C’est le Dagda qui lui fit cette forteresse.
25° Mais depuis que Bres avait pris la royauté, les Fomoire, à savoir Indech, fils de De Domnann, Elatha, fils de Delbaeth, et Tethra, les trois rois Fomoire, avaient imposé leur tribut à l’Irlande, si bien qu’il n’y avait pas la fumée d’un toit qui ne fût pas sous leur tribut. Les champions furent réduits à leur service : Ogme portait un fagot de bois de chauffage et le Dagda était constructeur de forteresses. C’est lui qui creusa Rath Brese.
26° Le Dagda fut alors fatigué de travailler. Il rencontra dans la maison un aveugle paresseux du nom de Cridenbel, dont la bouche était en dehors de la poitrine. Cridenbel trouvait que sa part était petite et que celle du Dagda était grande. Il dit : « Ô Dagda, par ton honneur, que les trois meilleurs morceaux de ta part me soient donnés ». Le Dagda les lui donnait donc chaque nuit. Cependant les morceaux du satiriste étaient grands : chaque morceau était de la taille d’un bon cochon. Or ces trois morceaux étaient le tiers de la part du Dagda. Sa santé en fut plus mauvaise.
27° Un jour que le Dagda était dans la fosse, il vit le Mac Oc venir vers lui. « Ceci est bien, ô Dagda », dit le Mac Oc. « Hélas ! », dit le Dagda. « Qu’est-ce qui te donne si mauvaise mine ? ». « J’ai matière à cela : Cridenbel le satiriste exige de moi chaque soir les trois meilleurs morceaux de ma part ».
28° « J’ai un conseil pour toi », dit le Mac Oc. Il mit la main dans sa bourse, en sortit trois shillings d’or et il les lui donna.
29° « Mets », dit-il, « ces trois shillings dans les trois morceaux que tu donnes à la chute du jour à Cridenbel. Ces trois morceaux seront alors les plus beaux sur ton plat. L’or tournera dans son ventre et il en mourra. L’art de Bres ne sera pas bon alors. On dira au roi : « Le Dagda a tué Cridenbel par une herbe mortelle qu’il lui a donnée ». Le roi dira de te tuer. Mais toi, tu lui diras : « Ce n’est pas la vérité d’un souverain, ô roi des guerriers des Fene, que ce que tu prononces, car j’ai été observé par Cridenbel quand j’étais à mon travail, et il me disait : « Donne-moi, ô Dagda, les trois meilleurs morceaux de ta part : ma maison est mal en point cette nuit ». « J’en serais donc mort si les trois shillings que j’ai trouvés aujourd’hui ne m’avaient pas aidé. Je les ai mis sur la part que j’ai donnée à Cridenbel, car la meilleure chose qui était devant moi, c’était l’or. L’or est donc dans Cridenbel et il en est mort ». « C’est clair », dit le roi, « que l’on ouvre le ventre du satiriste pour savoir si on y trouve l’or. Si on n’y trouve pas l’or, tu mourras. Si cependant on l’y trouve, tu sauveras ta vie ».
30° Puis ils ouvrirent le ventre du satiriste. Les trois écus d’or furent trouvés dans son estomac et le Dagda fut sauvé.
31° Il alla alors à son travail le lendemain matin. Le Mac Oc vint à lui et il lui dit : « Tu auras bientôt fini ton travail et tu ne demanderas pas d’autre récompense qu’on ne t’amène le bétail d’Irlande et tu choisiras un génisse à crinière noire ».
32° C’est ainsi que le Dagda accomplit son travail jusqu’à la fin, et Bres lui demanda ce qu’il désirait en récompense de son travail. Le Dagda répondit : « Je te confie le soin de rassembler les troupeaux d’Irlande en un seul endroit ». Le roi fit comme il lui avait dit et le Dagda choisit parmi eux la génisse que le Mac Oc lui avait dite. Cela sembla à Bres sans force. Il pensait que ç’aurait été quelque chose de mieux choisi.
33° Or Nuada était dans sa maladie et Diancecht lui mit un bras d’argent avec, en lui, le mouvement de chaque bras. Cela ne parut pas bien à son fils aîné Miach. Il alla au bras coupé de Nuada. Il dit « joint sur joint » et « nerf sur nerf », et il le guérit en trois fois neuf jours. Pendant les neuf premiers jours il mit le bras contre son côté et il fut recouvert de peau. A la deuxième série de neuf jours il le mit contre sa poitrine. A la troisième série de neuf jours il produisait des … ? … blancs de joncs noirs quand on les noircissait au feu.
34° Cette guérison sembla mauvaise à Diancecht. Il brandit une épée au-dessus du sommet de la tête de son fils si bien qu’il coupa la peau jusqu’à la chair de la tête. Le garçon guérit en mettant en œuvre son art. Il le frappa à nouveau : il coupa la chair et atteignit l’os. Le garçon guérit encore par la même mise en œuvre de son art. Il le frappa d’un troisième coup et il atteignit la membrane de son cerveau. Le garçon guérit encore par la même mise en œuvre de son art. Il frappa alors un quatrième coup si bien qu’il atteignit la cervelle et que Miach mourut. Diancecht dit que le médecin lui-même ne l’aurait pas guéri de ce coup.
35° Puis Miach fut enterré par Diancecht, et des plantes au nombre de trois cent soixante cinq poussèrent sur sa tombe, identiques au nombre de ses jointures et de ses nerfs. Airmed ouvrit son manteau et rangea ces plantes d’après leurs qualités. Mais Diancecht vint à elle et mêla les plantes, si bien qu’on ne connaît pas leurs effets propres, à moins que le Saint Esprit ne l’ait révélé par la suite. Et Diancecht dit : « Si Miach n’est plus, il reste Airmed ».
36° Bres possédait ainsi la souveraineté comme on lui l’avait conférée. Mais les chefs des Túatha Dé murmuraient grandement contre lui parce qu’il ne graissait pas leurs couteaux et, quoiqu’ils le visitassent souvent, leurs haleines ne sentaient pas la bière. Ils ne voyaient pas non plus leurs poètes ou leurs bardes, ou leurs satiristes, ou leurs harpistes, ou leur musiciens, ou leurs souffleurs de corne, ou leurs jongleurs ou leurs fous les amusant dans la maison du roi. Ils n’allaient pas non plus aux contestations de leurs athlètes. Ils ne voyaient pas leurs champions accomplir leurs exploits devant le roi, à l’exception d’un seul, Ogme, fils d’Étain.
37° Voici l’ordre qui lui avait été donné : apporter du bois de chauffage à la forteresse. Il apportait chaque jour un fagot depuis les îles Mod. La mer entraînait les deux tiers de son fagot parce qu’il était faible, étant sans nourriture. Il n’en emportait qu’un tiers et, en plus, il devait fournir l’armée d’une heure à l’autre.
38° On ne continuait plus ni service ni compensation dans les tribus et leurs trésors n’étaient plus remis par le fait de la tribu tout entière.
39° Une fois, un poète vint pour recevoir l’hospitalité dans la maison de Bres. C’était Coirpre, fils d’Étain, poète des Túatha Dé. Il arriva dans une petite maison étroite et noire dans laquelle il ne trouva ni feu, ni service, ni lit. On lui apporta trois petits pains, et ils étaient secs, sur un plat. Quand il se leva, le lendemain matin, il n’était pas content. En traversant la cour, il dit :
« Sans nourriture rapidement servie sur un plat, sans lait de vache qui fait grandir un veau, sans abri humain dans l’obscurité de la nuit, sans pouvoir payer une troupe de conteurs, qu’être ainsi soit la prospérité de Bres ».
« Il n’y a pas de richesse chez Bres », dit-il. Or c’était vrai. Bres n’éprouva plus que ruine à partir de cette heure. Et cela est la première satire qui fut faite en Irlande.
40° Après cela les Túatha Dé vinrent tous ensemble s’entretenir avec leur fils adoptif, Bres, fils d’Elatha, et ils lui demandèrent leurs garanties. Il leur fit restitution de la souveraineté et il n’en était pas très riche. Il demanda à rester pendant sept ans encore. « Tu auras ce délai », dit en même temps la même assemblée, « si ce n’est que tu viendras dans la même sûreté … ? …, chaque fruit qui sera présenté devant ta main, soit maison, soit terre, soit or, soit argent, troupeaux, nourriture et liberté de tribut et de composition jusqu’à lors ». « Vous aurez », dit Bres, « comme vous dites ».
41° La raison pour laquelle il leur était demandé un délai, c’était pour qu’il rassemblât les hommes forts du síd, c’est-à-dire les Fomoire, pour prendre les tribu(t ?)s par la contrainte, si ce n’est que … ? … Il était très fâché d’être exclu de la royauté.
42° Il alla alors voir sa mère et il lui demanda quelle était sa race. « J’en suis sûre », dit-elle, et elle alla sur la colline d’où elle avait vu le vaisseau d’argent sur la mer. Elle alla sur la grève et elle lui mit l’anneau d’or qui avait été laissé pour lui. Il le mit à son doigt du milieu et il lui convenait. Elle ne l’avait donné à aucun homme, ni par commerce ni par prière. Il n’y en avait pas un d’entre eux à qui il était allé jusqu’à ce jour.
43° Ils avancèrent donc jusqu’à ce qu’ils atteignissent le pays des Fomoire. Ils arrivèrent dans une grande plaine avec de nombreuses assemblées. Ils allèrent vers l’assemblée la plus belle. On leur demanda de leurs nouvelles dans l’assemblée. Ils répondirent qu’ils étaient des hommes d’Irlande. On leur demanda alors s’ils avaient des chiens, car c’était la coutume en ce temps-là, quand une troupe allait à une autre assemblée, d’entreprendre des concours ou des jeux communs. « Nous avons des chiens », dit Bres. Ils firent donc des courses de chiens, et les chiens des Túatha Dé Dánann étaient plus rapides que ceux des Fomoire. On leur demanda ensuite s’ils avaient des chevaux pour une course de chevaux. Ils répondirent : « Nous en avons ». Et ils étaient plus rapides que les chevaux des Fomoire.
44° On leur demanda s’ils avaient quelqu’un qui était adroit de ses mains à tirer l’épée. On ne trouva personne excepté le seul Bres. Quand il mit la main à l’épée son père reconnut l’anneau d’or à son doigt et il demanda qui il était. Sa mère répondit à sa place, disant au roi que c’était un de ses fils. Elle lui raconta toute l’histoire comme nous l’avons relatée.
45° Son père fut inquiet pour lui. Il lui dit : « Quelle nécessité t’a porté hors du pays que tu gouvernes ? ». Bres répondit : « Rien ne m’a poussé si ce n’est mon injustice et ma propre arrogance. Je les dépouillais de leurs propres trésors et fortunes et de leur nourriture. On ne leur avait pris ni tribut ni composition jusqu’à ce jour ».
46° « Cela est mauvais », dit le père. « Leur prospérité vaut mieux que leur royauté. Mieux valent leurs prières que leurs malédictions. Pourquoi es-tu venu ici ? », dit son père.
47° « Je suis venu pour vous demander des champions », dit Bres. « Je prendrai ce pays par force ».
48° « Tu ne le prendras pas par injustice si tu ne l’as pas pris par justice », dit le père.
49° « Une question alors, quel conseil me donnes-tu ? », dit Bres.
50° On l’envoya devant le champion, Balor, petit-fils de Net, roi des Îles, et chez Indech, fils de Dea Domnann, roi des Fomoire. Ils rassemblèrent tous ceux qui étaient de Scandinavie à l’ouest dans une grande armée pour aller en Irlande imposer par la force leur tribut et leur royauté sur les Túatha Dé Dánann. Ils avaient un pont de bateaux depuis les îles étrangères jusqu’à l’Irlande.
51° Il ne vint pas en Irlande de troupe plus horrible que cette armée des Fomoire. L’homme de la Scythie scandinave et l’homme des îles étrangères rivalisaient dans cette expédition.
52° Pour ce qui est des Túatha Dé, voici ce qui est relaté :
53° Après Bres, Nuada fut à nouveau roi des Túatha Dé. En ce temps-là il fit pour les Túatha Dé à Tara un grand festin. Il y avait alors un autre guerrier qui approchait de Tara : son nom était Samildanach. Il y avait aussi deux portiers à Tara en ce temps-là : leurs noms étaient Gamal, fils de Figal, et Camall, fils de Riagall. Quand l’un d’eux était là, il vit une troupe extraordinaire venir vers lui. Devant elle marchait un jeune guerrier aimable et beau, avec un équipement de roi.
54° Ils dirent au portier d’annoncer leur arrivée à Tara. Le portier dit : « Qui est-ce ? ».
55° « C’est Lug Lonnandsclech, fils de Cian, fils de Diancecht, et d’Eithne, fille de Balor. Il est fils adoptif de Tallan, fille de Magmor, roi d’Espagne, et d’Eochaid le Rude, fils de Duach ».
56° Le portier demanda à Samildanach : « Quel art pratiques-tu ? Car personne ne vient sans art à Tara ».
57° « Pose-moi des questions », dit-il, « je suis charpentier ». Le portier répondit : « Nous n’en avons pas besoin, nous avons déjà un charpentier, Luchtai, fils de Luachaid ».
58° Il dit : « Questionne-moi, ô portier, je suis forgeron ». Le portier lui répondit : « Nous avons déjà un forgeron, Colum Cualeinech aux trois nouveaux procédés ».
59° Il dit : « Questionne-moi, je suis champion ». Le portier répondit : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un champion, Ogme, fils d’Ethliu ».
60° Il dit à nouveau : « Questionne-moi, je suis harpiste ». « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un harpiste, Abhcan, fils de Bicelmos, que les hommes des trois dieux choisirent dans les síde ».
61° Il dit : « Questionne-moi, je suis héros ». Le portier répondit : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un héros, Bresal Echarlam, fils d’Eochaid Baethlam ».
62° Il dit alors : « Questionne-moi, ô portier, je suis poète et je suis historien ». « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un poète et un historien, En, fils d’Ethaman ».
63° Il dit : « Questionne-moi, je suis sorcier ». « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà des sorciers : nombreux sont nos sages et nos gens ayant des pouvoirs ».
64° Il dit : « Questionne-moi, je suis médecin ». « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons Diancecht pour médecin ».
65° Il dit : « Questionne-moi, je suis échanson ». « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà des échansons, Delt, Drucht et Daithe, Tae, Talom et Trog, Glei, Glan et Glesi ».
66° Il dit : « Questionne-moi, je suis bon artisan ». « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un artisan, Credne Cerd ».
67° Il dit à nouveau : « Demande au roi s’il a un seul homme qui possède tous ces arts et s’il en a un je n’entrerai pas dans Tara ».
68° Le portier alla dans le palais du roi et il lui raconta tout : « Un jeune guerrier est venu à la porte de l’enceinte. Il s’appelle Samildanach, et tous les arts que ta maison pratique, il les possède à lui tout seul, si bien qu’il est l’homme de chaque art et de tous ».
69° Il dit alors qu’on allât lui chercher le jeu d’échecs de Tara, et il gagna la partie. Il fit l’enclos de Lug. Mais si c’est à l’époque de la guerre de Troie que furent inventés les échecs, ce n’est pas à ce moment-là qu’il vint en Irlande puisque c’est en même temps que se produisirent la bataille de Mag Tured et la destruction de Troie.
70° On raconta cela à Nuada. « Qu’il entre dans l’enceinte », dit-il, « car jamais homme semblable à lui n’a pénétré dans cette forteresse ».
71° Le portier le fit passer alors devant lui. Il entra dans la forteresse et il s’assit sur le siège des sages car il était sage en chaque art.
72° La grande pierre pour laquelle il fallait les efforts de quatre-vingts jougs, Ogme la traîna à travers la maison, si bien qu’elle fut devant Tara, à l’extérieur. Il portait ainsi un défi à Lug. Lug la jeta en arrière et elle fut sur le sol de la maison royale. Il jeta le morceau qu’Ogme avait placé devant elle, à l’extérieur, à côté de la maison royale, si bien que ce morceau fut entier.
73° « Qu’on nous joue de la harpe », dirent les troupes. Le jeune guerrier joua alors un refrain de sommeil aux troupes et au roi la première nuit. Il les jeta dans le sommeil depuis cette heure-là jusqu’à la même heure du jour suivant. Il joua un refrain de sourire et ils furent tous dans la joie et la gaieté. Il joua le refrain de tristesse, si bien qu’ils pleurèrent et se lamentèrent.
74° Quand Nuada vit les nombreux pouvoirs du jeune guerrier, il réfléchit s’il ne pourrait pas les délivrer de l’esclavage dans lequel ils étaient tenus par les Fomoire. Ils tinrent donc conseil à son propos. L’avis auquel se rangea Nuada fut de changer de siège avec le jeune guerrier. Samildanach alla donc sur le siège du roi et le roi se tint debout devant lui pendant treize jours.
75° Il rencontra les deux frères, le Dagda et Ogme, à Grellach Dollaid le lendemain matin. Et ses deux frères furent appelés à eux, à savoir Goibniu et Diancecht.
76° Ils furent une année pleine dans le secret à ce nombre de personnes. C’est à cause de cela qu’on appelle Grellach Dollaid le Secret des Trois Hommes de la Déesse.
77° Puis on appela à eux les druides d’Irlande, leurs médecins, leurs cochers, leurs forgerons, leurs hôtes et leurs juges. Ils s’entretinrent avec eux en secret.
78° Lug demanda au sorcier, dont le nom était Mathgen, de quel pouvoir il disposait. Il dit que par sa contrainte il jetterait les montagnes d’Irlande sur les Fomoire et que leur sommets rouleraient à terre. Il dit que les douze premières montagnes de la terre d’Irlande seraient aux ordres des Túatha Dé Dánann, qu’elles se battraient pour eux, à savoir Sliab Liag et Denna Ulad, et les Bennai Boirche, et Bri Ruri et Sliad Bladmai, et Sliab Snechtai, Sliab Mis et Blai-Sliab, et Nemthenn, Sliab Maccu Belgodon et Segais et Cruachan Aigle.
79° Il demanda à l’échanson de quel pouvoir il disposait. Il dit qu’il apporterait les douze premiers lacs d’Irlande en témoignage qu’ils (les Fomoire) n’y trouveraient pas d’eau, quelle que soit la soif qui les saisirait. Voici quels sont ces lacs : Derg-Loch, Loch Luimnigh, Loch nOrbsen, Loch Ri, Loch Mescdhae, Loch Cuan, Loch Laeig, Loch nEchach, Loch Fabail, Loch Deched, Loch Rioach, Marloch. Ils se rendraient eux-mêmes aux douze premières rivières d’Irlande : Buas, Boann, Banna, Nem, Lai, Sinonn, Muaid, Sligech, Samair, Fionn, Riurtech, Siuir. Ils seraient tous cachés aux Fomoire de telle façon qu’ils n’y trouveraient pas une goutte d’eau. Par contre on fournirait de la boisson aux hommes d’Irlande, même s’ils étaient pendant sept années au combat.
80° Figol, fils de Mamos, le druide, dit alors : « Je serai cause que trois averses de feu tomberont sur la face de l’armée des Fomoire et je leur enlèverai les deux tiers de leur valeur, de leur courage et de leur force. Je lierai leur urine dans leurs propres corps et dans les corps de leurs chevaux. Chaque expiration que feront les hommes d’Irlande sera pour eux une augmentation de valeur, de courage et de force. Même s’ils restent au combat pendant sept ans ils ne seront pas fatigués.
81° Le Dagda dit : « Le pouvoir dont vous vous vantez, je l’aurai entièrement rien qu’à moi seul ». « C’est toi qui est le très divin », dirent-ils tous, et désormais le nom de Dagda lui resta.
82° Ils se séparèrent alors du conseil pour se rencontrer au même jour dans trois ans.
83° Quand ils eurent terminé les préparatifs de la bataille, Lug, Dagda et Ogme allèrent trouver les trois dieux de Dana qui donnèrent à Lug les artifices de la bataille. Ils furent sept années à préparer et à faire leurs armes. C’est alors que la Morrigan dit à Lug : « Osons la bataille contre Bres »…. Figol, fils de Mamos, le druide, était à incanter la bataille et à encourager les dieux, si bien qu’il dit…….
84° Le Dagda avait une maison à Glenn Etin dans le nord. Il avait cependant rendez-vous de femme cette année-là, à la fête de Samain de la bataille, à Glenn Etin. La rivière Unius de Connaught y gronde au sud. Il vit la femme en Unius, en Corann, se lavant, l’un de ses deux pieds à Allod Echae, c’est-à-dire Echumech, devant l’eau, au sud, et l’autre à Loscuinn, devant l’eau, au nord. Elle avait neuf tresses libres sur la tête. Le Dagda lui parla et ils firent une union. Le Lit du Couple est le nom de l’endroit à cause de cela. La femme qui est mentionnée ici est la Morrigan.
85° Elle dit au Dagda que les Fomoire toucheraient terre à Mag Scene et elle lui dit d’appeler les hommes d’art d’Irlande devant elle au gué d’Unius. Elle irait à Scene pour tuer le roi des Fomoire, c’est-à-dire Indech, fils de Dé Domnann. Elle lui enlèverait le sang de son cœur et les rognons de sa valeur. Elle montra ensuite ses deux mains remplies de ce sang aux troupes qui attendaient devant le gué d’Unius. Le Gué de la Destruction fut alors le nom de ce gué, à cause de cette destruction du roi.
86° Cela fut fait alors par les hommes d’art et ils chantèrent des incantations sur l’armée des Fomoire.
87° C’était une semaine avant Samain et chacun se sépara des autres jusqu’à ce que tous les hommes d’Irlande se rencontrassent la veille de Samain. Leur nombre était de six trente centaines, à savoir deux trente centaines dans chaque tiers.
88° Lug envoya le Dagda pour observer les Fomoire et les retarder jusqu’à ce que les hommes d’Irlande vinssent à la bataille.
89° Le Dagda alla au campement des Fomoire et il leur demanda une convention pour la bataille. Il lui fut accordé ce qu’il demandait. Les Fomoire lui firent aussi de la bouillie : c’était pour se moquer de lui car son amour de la bouillie était grand. Ils remplirent pour lui le chaudron du roi à la hauteur de cinq poings : il y alla quatre fois vingt setiers de lait frais et la même quantité de farine et de graisse. On y jeta des chèvres, des moutons, des porcs et on les fit cuire avec la bouillie. On les lui versa dans un trou en terre et Indech lui dit qu’il serait mis à mort s’il ne mangeait pas tout, afin qu’il ne se plaignît pas des Fomoire et qu’il eût à suffisance.
90° Il prit alors sa cuiller. Elle était assez grande pour qu’un couple pût se coucher au fond. Voici quelles étaient les bouchées qui étaient dedans : des moitiés de cochon salé et des quartiers de lard.
91° Le Dagda dit : « C’est une bonne nourriture si la viande en est ce qu’en est le goût. Quand il portait cependant la cuiller à ses lèvres, c’est alors qu’il disait : « Son … ? … ne le gâte pas, dit le vieux ».
92° Il mit son doigt courbe au fond du trou parmi la terre et le gravier. Le sommeil lui vint après qu’il eut mangé sa bouillie. Son ventre était plus grand que le chaudron d’une maison et les Fomoire se moquèrent de lui.
93° Il les quitta pour la grève d’Eba. Mais il n’était pas facile au héros de se déplacer à cause de la dimension de son ventre. Sa tenue était indécente : une tunique brune lui tombait jusqu’au renflement des fesses. Il avait le membre viril haut et long. Il portait deux braies en peau de cheval avec le poil à l’extérieur. Il avait derrière lui une fourche branchue réclamant, pour être portée, l’effort de huit hommes et dont la trace suffisait comme frontière de province ; on l’appela la trace du bâton du Dagda. Quand il arriva il vit la jeune fille à la forme distinguée avec ses tresses. Le désir du Dagda alla vers elle mais il ne fut pas capable (de la prendre) à cause de sa faiblesse. La jeune fille se mit à le blâmer… Il lui lança un coup si bien qu’il atteignit le cheval … ?… à terre. Il se mit en colère et il dit : « Que me soit … ? … », dit-il, « pour me mouvoir sur la route … ? … Pour cette raison j’aurai une épée et elle rougira sur ton cou … ?… ».
94° Les Fomoire se mirent en route jusqu’à ce qu’ils fussent à Sce(t)ne. Les hommes d’Irlande étaient à Magh Aurfolaigh. Les deux armées se menaçaient alors de bataille. « Les hommes d’Irlande osent nous offrir le combat », dit Bres, fils d’Elier, à Indech, fils de Dia Domnann. « Je parie », dit Indech, « que leur os seront petits tout à l’heure s’ils ne paient pas leurs tributs ».
95° Les hommes d’Irlande furent d’avis de ne pas permettre à Lug d’aller au combat à cause de sa beauté. Ses neufs tuteurs furent donc laissés pour le protéger, à savoir Tollus-Dam et Ech-Dam et Eru, Techtaid le Blanc, Fosadh et Fedlimid, Ibar, Scibar et Minn. Ils craignaient la mort prématurée du héros à cause de ses nombreux arts. Pour cette raison ils ne le laissèrent pas aller à la bataille.
96° Les chefs des Túatha Dé Dánann furent rassemblés autour de Lug. Il demanda à son forgeron Goibniu de quel pouvoir il disposait pour eux.
97° « Ce n’est pas difficile », dit-il. « Quand bien même les hommes d’Irlande seraient au combat jusqu’à la fin de sept années, pour chaque lance qui s’en ira de son fût ou chaque épée qui se brisera je procurerai, moi, une arme nouvelle à sa place. Aucune pointe que fera ma main ne manquera son coup. Il n’est aucune peau dans laquelle elle ira qui, après cela, goûtera la vie. Dolb, le forgeron des Fomoire, n’en a pas fait autant. Je suis prêt maintenant pour la bataille de Mag Tured ».
980 « Et toi, ô Diancecht », dit Lug, « de quel pouvoir disposes-tu en vérité ? ».
99° « Ce n’est pas difficile », dit-il : « Tout homme qui sera blessé, à moins qu’on ne lui ait coupé la tête, ou à moins qu’on ait entamé la membrane de sa cervelle ou sa moelle épinière, il sera complètement guéri par moi pour le combat du lendemain matin ».
100° « Et toi, ô Credne ? », dit Lug à son artisan, « quel sera ton pouvoir dans la bataille ? ».
101° « Ce n’est pas difficile », dit Credne : « Les rivets de leurs lances et les fourreaux de leurs épées, les revêtements et les pourtours de leurs boucliers, je les en fournirai tous ».
102° « Et toi, ô Luchta ? », dit Lug à son charpentier, « quelle puissance atteindras-tu dans la bataille ? ».
103° « Ce n’est pas difficile », dit Luchta : « Leur suffisance de boucliers et de fûts de lances, ils l’auront tous de moi ».
104° « Et toi, ô Ogme ? », dit Lug à son champion, « quel est ton pouvoir dans la bataille ? ».
105° « Ce n’est pas difficile », dit-il : « Je repousserai le roi et trois neuvaines de ses amis. Je supporterai le tiers du combat en compagnie des hommes d’Irlande ».
106° « Et toi, ô Morrigan ? », dit Lug, quel pouvoir auras-tu dans la bataille ? ».
107° « Ce n’est pas difficile », dit-elle, « ce que je poursuivrai … ? …, ce que j’aurai frappé ... ? …, ce que j’aurai coupé … ? … ».
108° « Et vous, ô sorciers ? », dit Lug, « quel pouvoir sera le vôtre dans la bataille ? ».
109° « Ce n’est pas difficile », dirent les sorciers : « Les bordures blanches de leurs vêtements les recouvriront après qu’ils auront été renversés par notre art. Leurs héros seront frappés et les deux tiers de leur vigueur leur seront enlevés, avec rétention de leur urine ».
110° « Et vous, ô échansons ? », dit Lug, « quel sera votre pouvoir dans la bataille ? ».
111° « Ce n’est pas difficile », dirent les échansons : « nous les ferons avoir une très grande soif et ils ne trouveront pas de boisson pour l’étancher ».
112° « Et vous, ô druides ? », dit Lug, « quel sera votre pouvoir dans la bataille ? ».
113° « Ce n’est pas difficile », dirent les druides. « Nous jetterons des nuages de feu sur la face des Fomoire si bien qu’ils ne pourront pas regarder en l’air et que les guerriers qui sont en lutte contre eux les frapperont par leur pouvoir ».
114° « Et toi, ô Cairpre, fils d’Étain ? », dit Lug à son poète, « de quel pouvoir disposeras-tu dans la bataille ? ».
115° « Ce n’est pas difficile », dit Cairpre, « je ferai la malédiction suprême contre eux. Je les satiriserai et je leur ferai honte, si bien qu’ils ne résisteront pas aux guerriers à cause des incantations de mon art ».
116° « Et vous, ô Be Cuille et Dianann ? », dit Lug à ses deux sorcières, « de quel pouvoir disposerez-vous dans la bataille ? ».
117° « Ce n’est pas difficile », dirent-elles : « nous enchanterons les arbres, les pierres et les mottes de terre, si bien qu’ils deviendront une troupe en armes luttant contre eux et qu’ils les mettront en fuite avec horreur et tourments ».
118° « Et toi, ô Dagda ? », dit Lug, « de quel pouvoir disposeras-tu contre les Fomoire dans la bataille ? ».
119° « Ce n’est pas difficile », dit le Dagda : « je serai le flanc de l’armée des hommes d’Irlande, soit par massacre, soit par destruction ou magie. Aussi nombreux que les grêlons sous les pieds des chevaux seront leurs os sous ma massue … ? …à l’endroit où vous les rencontrerez, sur le champ de bataille de Mag Tured ».
120° Lug s’adressa ainsi successivement à chacun d’eux en fonction de son art. Il les encouragea et s’adressa à l’armée de telle manière que chaque homme eut l’état d’esprit d’un roi ou d’un seigneur.
121° On livrait cependant bataille chaque jour entre les tribus des Fomoire et des Túatha Dé, à cela près que ni roi ni prince n’y prenait part, mais seulement les gens fiers et orgueilleux.
122° Quelque chose qui leur fut montré dans la bataille était cependant étrange pour les Fomoire : leurs armes étaient détruites, à savoir leurs lances et leurs épées, et ceux de leurs hommes qui étaient tués ne revenaient pas le lendemain matin. Or, il n’en était pas ainsi chez les Túatha Dé, car bien que leurs armes fussent détruites un jour, ils en avaient de nouvelles le lendemain matin, parce que Goibniu le forgeron était dans sa forge à faire des épées, des lances et des javelots, et parce qu’il faisait ces armes-là en trois coups : le troisième coup était pour les achever et il les rivait dans le cercle de la lance. Et quand les armes étaient plantées dans le côté de la forge il ajustait les cercles sur les fûts et il n’était pas nécessaire de finir l’ajustage. Credne l’artisan faisait alors les rivets en trois coups. Il leur jetait les cercles des lances et il n’était pas nécessaire de percer des trous ; ils restaient fixés ensemble.
123° On fit alors ceci : mettre du feu dans les guerriers qui avaient été blessés là afin qu’ils fussent plus brillants le lendemain matin. C’est pour cette raison que Diancecht et ses deux fils et sa fille, c’est-à-dire Octriuill, Airmed et Miach, chantaient des incantations sur la source dont le nom est Santé. Leurs hommes blessés mortellement y étaient cependant jetés tels qu’ils avaient été frappés. Ils étaient vivants quand ils en sortaient. Leurs blessures mortelles étaient guéries par la force de l’incantation des quatre médecins qui étaient autour de la fontaine.

MessagePosté: Lun 04 Avr, 2005 20:43
de Viduernos
Je jouais, il y a quelques temps à un jeu en ligne qui s'appelle Dark Age Of Camelot, basé (trés librement) sur les légendes irlandaises et Arthuriennes, ainsi que scandinaves.
Balor est le roi des Fomoriens, des brutes à l'allure de trolls et Domnan le bosquet-ville des sylvains :lol:
Merci à DT de m'avoir permis de lire les textes originaux. :D

MessagePosté: Lun 04 Avr, 2005 21:42
de DT
Bonjour,
Je remercie Viduernos d'avoir apprécier ce texte. Je précise cependant qu'il ne s'agit que d'une première partie.
Si j'ai le temps, je mettrais la suite (environ autant, sinon plus) en ligne. Il me semble naturel de mettre à la portée de tous des textes très difficiles à obtenir. J'ai respecté totalement le texte, à moins d'avoir fait quelques erreurs de frappe (mais je ne pense pas trop).
Au revoir.

MessagePosté: Lun 04 Avr, 2005 23:17
de Marc'heg an Avel
Airmed

J'ai agrandi ce nom volontairement, non pour agresser qui que ce soit, mais pour le mettre en mémoire.

Il y a cinq ans environ, j'ai eu une discussion avec Christian Guyonvarc'h à propos d'un rapprochement possible entre cette celtique Airmed et l'indo-iranienne Aramaiti, et nous avions une vision assez proche.

Poursuivant la réflexion de mon côté, et considérant le surnom arménien de Bacchus : Spenta Aramati,

sachant que Bacchus était le protégé de Cybèle, la Mère, j'y ai vu une identité entre Aramati et Cybèle.

J'en suis aussi arrivé à l'idée que Aramati / Aramaiti n'était autre que le nom d'Arimathie, accolé à celui d'un certain Joseph, dans la Légende.

Or, ce Joseph là était porteur de la Coupe sacrée.

Et précisément, le surnom de Cybèle est Copia : La Coupe céleste.

Cybèle est LA Mère, vénérée aux sources et aux fontaines, pour leur principe de vie et leur principe de soins.

Il se trouve qu'Airmed représente aussi la source qui soigne et qui guérit.

C'est, en quelque sorte, aussi, une coupe d'éternité.

Question à creuser.

JCE :)

MessagePosté: Mar 05 Avr, 2005 9:13
de Marc'heg an Avel
Corrélation due au hasard des programmations :

voici la page restaurée des noms de personnages de la Légende dans Emgann Karaez :

http://marikavel.org/carohaise/carohaise-chap9-9-personnes-legende.htm

où il est fait référence à l'échange avec Guyonvarc'h : jeudi 18 janvier 1996.

Ca fait donc déjà plus de 5 ans.

C'est fou comme le temps passe vite, ma pov dam ! :roll:

JCE :)

MessagePosté: Mar 05 Avr, 2005 11:05
de Sogoln yg Ysca
Viduernos a écrit:Balor est le roi des Fomoriens, des brutes à l'allure de trolls

Sois poli s'il te plaît. 8)

MessagePosté: Mar 05 Avr, 2005 13:02
de Viduernos
J'ai des preuves, j'ai fait des captures d'écran, je peux les afficher sans probleme. :lol:

[/img]

MessagePosté: Mar 05 Avr, 2005 23:00
de DT
Bonjour,
A propos de Spenta :
Cf. G. Dumézil, Mythe et épopée 1, 4e édit., 1981, p. 221 : « On sait l’importance que revêt dans toutes les formes du mazdéisme la lutte cosmique du Bien et du Mal, les formes qu’elle traverse, le Bien longtemps opprimé ou contraint à composer avec le Mal (notamment les Aməša Spәnta, les Entités substituées terme à terme aux dieux fonctionnels, et les Archidémons qui leur correspondent), la victoire finale du Bien et l’établissement du règne incontesté d’Ahura mazdă1 ».
Note 1 : « Voici le règlement de compte eschatologique d’après le Grand Bundahišm, XXXIV, 27-32 (édition et traduction anglaise de B.T. Anklesaria, 1956, pp. 290-293) : « Ohrmazd saisira le Mauvais Esprit, Vohuman saisira Akoman, Aša-Vahišt Indra, Šatrivar Sauru, Sendarmat Taromat (c’est-à-dire Nåńhaiθya), Xurdat et Armudat saisiront Taurvi et Zairi, la Parole Véridique, la Parole mensongère, et Srōš Aēšma (démon de la fureur). Alors resteront deux druj, Aharman et Āz (démon de la concupiscence). Ohrmazd viendra en ce monde lui-même comme prêtre zŏt avec Srōš comme prêtre rāspī et tiendra la ceinture sacrée à la main. Le Mauvais Esprit et Āz s’enfuiront dans les ténèbres, repassant le seuil du ciel par lequel ils étaient entrés… Et le dragon Gōčīhr sera brûlé dans le métal fondu qui coulera sur l’existence mauvaise, et la souillure et la puanteur de la terre seront consumées par ce métal, qui la fera pure. Le trou par lequel était entré le Mauvais Esprit sera fermé par ce métal. Ils chasseront ainsi dans les lointains la mauvaise existence de la terre, et il y aura renouveau dans l’univers, le monde deviendra immortel pour l’éternité et le progrès éternel. » Les six premiers « bons » personnages nommés sont les six Aməša Spənta, sublimations des anciens dieux des trois fonctions et de la déesse trivalente, dont chacune a son antagoniste particulier ; Srōš (Sraoša) est la sublimation de l’Aryaman indo-iranien, v. Les Dieux des Indo-Européens, 1952, chap. II ».
A propos d’Aramati/Araimaiti :
Cf. G. Dumézil, Mythe et épopée 1, 4e édit., 1981, p. 105 : « Au contraire le quatrième terme Ārmaiti, féminin par le genre grammatical, l’est aussi dans sa représentation mythique, et c’est la seule femme du groupe. Or l’élément matériel qui lui est associé (comme les eaux et les plantes à Haurvatāt et à Amərətāt) est la terre en tant que productrice, nourricière, mère, et son culte est un culte minutieux de la terre ; en outre elle s’occupe, non moins qu’Anāhitā dans l’autre forme de la religion, de la procréation, plus précisément de la semence de l’homme. Mais en même tempsson nom signifie « pensée (religieusement) correcte, piété, dévotion » (cf. arəm-mati) et, dans les gāθā comme dans l’Avesta postérieur, cette valeur étymologique commande une grande partie de son activité ; dans les écritures pehlevi, elle fournira le plus haut modèle du mariage, recommandé dans les familles princières, de la fille et du père : elle est l’épouse d’Ohrmazd et, comme telle, l’idéal, la protectrice des pieuses maîtresses de maisons iraniennes ; et, dans la légende du roi Manuščihar, elle est « la révélatrice de la Religion ». Enfin les gāθā l’associent volontiers à l’Entité de deuxième fonction Xšaθra, substitut d’Indra, qui la précède immédiatement dans la liste canonique, et qu’elle est dite « faire croître » (rac. varəd-), et dans le Yašt d’Ohrmazd (I, 25), elle est présentée comme écrasant, paralysant les ennemis. Ainsi la quatrième Entité, la seule mythiquement féminine, est active sur les trois niveaux ».

Rien à voir avec Arimathie.
Source concernant un Bacchus spenta ( ?)
Copia en latin signifie uniquement abondance.
Cybèle était la Magna Mater.
A Rome, Ārmaiti correspondrait plutôt à Junon-Héra.
Au revoir.

MessagePosté: Mar 05 Avr, 2005 23:05
de DT
En raison d'un problème de transcription, les carrés qui apparaissent dans certains mots correspondent en réalité à un e inversé symétrique.
Au revoir.

MessagePosté: Mer 06 Avr, 2005 9:17
de Marc'heg an Avel
Extrait de Emile Benveniste : Le vocabulaire des institutions indo-européennes, tome I, p 182 :

"En outre spanta est souvent employé comme spécifiant les notions les plus importantes de l'univers religieux. Il s'associe avec maOra « parole efficace » ; avec mainyu « esprit (divin) » ; avec xratu « force mentale, vigueur de l'esprit » ; avec 0â « chant, hymne » ; — avec des noms d'êtres : c'est l'épithète du dieu de la boisson haoma (védique soma), c'est l'épithète d'un animal aussi important que le bovin dans la cosmologie : gao-spanta. Il est devenu un élément du nom même de Aramati, divinité de la terre : spentâ-àrmaiti a donné en moyen-iranien Spandarmat, avec les deux éléments étroitement conjoints : le nom n'était plus senti comme composé. Dans le vocabulaire arménien qui s'est nourri d'emprunts iraniens et qui conserve quantité de termes de la tradition iranienne, ont subsisté à la fois le nom Spandaramet comme équivalent de Dionysos, et le substantif sandara-metke « monde souterrain » où sand- peut représenter une forme dialectale de l'ancien spanta-. Avec sandaramet- vont les dérivés, créés en arménien même : sandaramet-ayin traduisant gr. khthônios, sandaramet-akan traduisant kata-khthônios. C'est donc bien en tant qu'ancienne divinité du sol que Spandaramet s'est trouvé transféré en arménien au rôle de Dionysos comme dieu de la fertilité. Mais le détail de l'évolution n'est pas encore clair. Autour de spenta, il faut regrouper divers adjectifs et substantifs tirés de la même racine, mais qui s'en sont dissociés parfois. D'abord, outre les comparatif et superlatif spanyah-spenista- qui montrent en tout cas que la qualité spanta- est susceptible de degrés, le substantif spânah « sanctitas » associé à masti qui désigne la connaissance ou la compréhension des vérités religieuses."

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Certains caractères n'étant pas disponibles, je les ai indiqués en gras.

Le O est en fait un O barré.

Le a est un e retourné.

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Avec ce type d'échange, je pense que ceux qui ont craint que certaines défections de membres éminents de l'Arbre celtique allait sonner le glas de celui-ci se rassurent.

Ce serait même l'occasion pour que ceux qui sont partis reviennent.

JCE :)