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MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 17:20
de Nertius
Je ne mesure pas forcément l'impact de la christianisation mais j'imagine que celle-ci a surtout concerné les élites (surtout au début), commanditaires, il est vrai, des artistes...



Je pense au contraire que la christianisation s'est faîte par le peuple avant d'être faîte par les élites. Car, je pense que pour un souverain, il est plus facile de regner lorsque celui-ci possède la religion disons de la majorité, et CLOVIS par exemple l'avait bien compris. A ROME, c'est pareil, les chrétiens étaient au début pourchasser, puis ont commencé à s'étendre avant d'atteindre les hautes sphères de l'état et un rayonnement important avec l'empire romain d'orient. Mais il ne faut pas oublié que la religion avance petit à petit et s'adapte au terrain, et pour ne pas trop choquer les peuples à évangéliser, ils font en sortes de modeler la religion pour ne pas "trop dépayser" les autochtones, c'est notamment le rôle de certains saints importants, qui ne le sont que dans certaines régions pour remplacer un dieu local ou un héros.

Mais bon, ce n'est que mon point de vue :wink:

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 17:45
de Sedullos
Salut,

Le point de vue de Françoise Le Roux et Christian Guyonvarc'h sur la conversion est très clair : pour eux, la conversion s'est faite par le haut, les rois, les druides. Il s'agirait d'un cas presque unique de conversion volontaire, qui expliquerait qu'une part non négligeable de la tradition préchrétienne ait été transmise sauf ce qui relevait du culte et de la partie proprement religieuse.

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 17:46
de Muskull

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 18:12
de Patrice
Salut,

Le point de vue de Françoise Le Roux et Christian Guyonvarc'h sur la conversion est très clair : pour eux, la conversion s'est faite par le haut, les rois, les druides. Il s'agirait d'un cas presque unique de conversion volontaire, qui expliquerait qu'une part non négligeable de la tradition préchrétienne ait été transmise sauf ce qui relevait du culte et de la partie proprement religieuse.


Cas unique, pas vraiment: on a quelquechose de similaire avec la Rus kiévienne et la conversion de saint Vladimir.
C'est d'ailleurs assez édifiant. Dans sa jeunesse il fait planter sur une colline à la sortie de Kiev les idoles des dieux slaves, alors que quelques années après, il les fait jeter à l'eau après s'être marié avec la fille de l'empereur Basile II. Conversion politique a priori, sauf que après ça toute la jeunesse noble a été contrainte aussi à la christianisation. Et le peuple attendra!

Il y a un bel article sur ça de Krappe dans la Revue des Etudes Slaves: "La chute du paganisme à Kiev", RES, XVII, 1937, fasc. 3-4.

A+

Patrice

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 18:16
de Nertius
Au temps pour moi, il m'aurait sembler plus logique que la christianisation se fasse dans le sens peuple=>élites... :wink:

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 18:29
de Muskull
Dans le cas irlandais il n'y a (a priori car les ressources historiques manquent) un particularisme a-politique.
Le christianisme qu'a enseigné Patrick semble être entré "comme un couteau chaud dans le beurre".
C'est pour cela aussi que je trouvais très intéressantes les analyses de J.J.Hattt sur les pénétrations mythiques des grecs en "vieille europe".
Utiliser un vecteur existant, quite à le transformer dans le sens voulu d'une certaine politique (en ce cas essentiellement marchande) mais comme t'as toujours pas lu, nous n'en saurons pas plus. :wink:

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 18:44
de Muskull
Au temps pour moi, il m'aurait sembler plus logique que la christianisation se fasse dans le sens peuple=>élites...

Totalement impossible Nertius, par définition le "peuple" est réfractaire aux changements parce qu'il est pragmatique. C'est en lui au contraire que nous retrouvons les signes anciens.
Jusqu'à "l'exode rural" peu de choses ont changé chez les "petites gens" (dont je suis) mais beaucoup chez les "élites". :wink:

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 21:09
de Tectosage
Bonsoir,
Elites vers le peuple ou le contraire, dans la complexité des temps et des lieux il me semble que ce mouvement n'est pas binaire mais beaucoup plus enchevêtré..

Quand vous interrogez l'art celtique, de quels arts s'agit-il ? Que nous reste-t-il ?
Bien peu de choses n'est-ce pas ?
- Les arts décoratifs sur les armes et quelques objets utilitaires, chaudron...
- La statuaire, il ne reste pas grand chose.
- L'architecture essentiellement en bois laisse peu de vestiges.

qui encore ?

Cordialement
Tecto

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 22:00
de Nertius
Il reste surement des choses de cet art, même en France. Je ne suis pas un grand spécialiste, mais, tout ne peut pas diparaitre sans laisser de traces. Il y a en outre, près de saint-etienne, à Veauche, une église qui doit dater du XIème siècle, qui possède sur ses colonnes des entrelacs. Reste celtique ou influence Bretonne galloise ou autre??

http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 5604#25604

Je reste absolument persuader que certaines statue médieval, que les milliers de saint locaux, que de nombreuses "légendes ou mythes" que les milliers d'églises de France,...gardent pour certaines des influences du lointains passé celtique de la France. Le problème majeur est qu'il ne doit certainement pas y avoir que du celtique, un peu de pré, un peu de germains, un peu de romain, un peu de tout, mais force est de constater qu'un peu de celtique... :roll:

Amistosament....Nertius (tout en révisant l'Anglais :lol: )

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 22:53
de OrbiiX
Tectosage a écrit:Quand vous interrogez l'art celtique, de quels arts s'agit-il ? Que nous reste-t-il ?
Bien peu de choses n'est-ce pas ?

Pas suffisamment, hélas :cry: ... Je viens de me replonger pour l'occasion dans le bouquin de PM Duval ("les celtes" NRF coll. l'univers des formes) en rajoutant un peu de Georges Bain par dessus et ça me fait toujours le même effet :D ! On ne peut que constater l'unité esthétique de toutes ces réalisations dans le temps et dans l'espace. Par ailleurs, ce méta-langage (pour citer Sedullos au début de ce fil) se niche dans tous les coins. Parures, armes, pièces de harnachement, mais aussi beaucoup d'objets usuels pas forcément princiers (?)... Est-ce à dire que l'art était partout, dans toutes les maison ? Sûrement pas mais ce foisonnement, cette manifestation sur des supports aussi triviaux que sceaux etc... me semble être un élément important pour la compréhension de la fonction de l'art dans les sociétés celtiques anciennes. :wink:

MessagePosté: Jeu 26 Jan, 2006 22:55
de Taliesin
et hop, j'ai la flemme ce soir, je fais du copier-coller :

Jacques Le Goff. « Culture savante et culture folklorique dans l’Occident médiéval : une esquisse » :

La culture « populaire » médiévale est essentiellement une culture paysanne dans un monde où les paysans représentaient 90% de la population.
Il faut souligner deux phénomènes essentiels pour la compréhension des rapports entre culture savante et culture « populaire » ou « folklorique » : le va-et-vient constant entre les deux niveaux ou plutôt les deux domaines, l’insertion dans l’évolution historique de la culture « savante » et des relations entre les deux cultures. Il n’y a pas une culture immobiliste – la folklorique – et une culture évolutive, historique, - la savante. Toutes deux bougent, se transforment, changent, sont donc objet d’histoire, comme l’est la nature de leurs rapports.
Pour le reste, ce sont de constants échanges qui marquent ces rapports ; il n’y a pas une culture qui emprunte sans donner, la folklorique, et une culture qui influence sans être influencée, la savante. Le Moyen Âge permet de bien illustrer le déroulement ininterrompu d’échanges, d’emprunts dans les deux sens.

Caractères originaux des cultures « savantes » et « folkloriques » au Moyen Âge :

1 – la culture folklorique n’est pas seulement liée à la société paysanne d’une façon particulière en raison de l’écrasante prédominance démographique de la paysannerie dans la société médiévale. La christianisation a commencé par les villes, et les campagnes ont résisté plus longtemps à la religion nouvelle. Culture subversive et réprimée par l’Eglise, la culture « folklorique » a été étiquetée comme un ensemble de superstitions, survivances d’une religion païenne antérieure au christianisme.

2 – Il n’y a pas dans la culture médiévale équivalence entre la stratification sociale et le clivage culturel. Dans le domaine culturel, la séparation se fait entre ceux qui savent lire et ceux qui sont réduits à l’oralité et aux parlers vernaculaires, les illetterati. La couche supérieure de l’aristocratie et des gouvernants laïques pénètre peu à peu dans la couche des litterati. […] Mais le grand clivage culturel est entre clercs et laïcs, toutes catégories sociales plus ou moins confondues chez ces derniers. Il me semble donc que cette frustration culturelle amènera la petite et moyenne noblesse, du 11ème au 13ème siècle, à se constituer une culture, en empruntant aussi bien à la culture savante, par voie de traductions notamment, qu’à la culture folklorique qui envahit le roman courtois.

3 – En dehors du domaine proprement religieux, l’Eglise réprimera plus particulièrement certains aspects de la culture folklorique où elle décèlera une origine non seulement « païenne » mais « diabolique » : danses, mimes, déguisements, surtout en animaux.

4 – des êtres humains jouant un grand rôle dans la culture folklorique du fait de leur sexe, de leur âge ou d’une déformation physique se trouvent ipso facto dévalorisés et même diabolisés par la culture savante qui s’identifie à la culture cléricale. C’est le cas de l’enfant, de la femme, de la « petite vieille » (vetula), du nain, du géant, du boiteux, du bossu, du fou ou bouffon de cour.

5 – à la campagne comme à la ville une culture des jeunes organisés en sociétés de jeunesse, surtout décelables aux 15ème et 16ème siècles, culture fondamentalement folklorique, connaît au Moyen Âge une vitalité particulière. Voir Köhler, Duby

6 – Certains domaines culturels semblent marqués par des croyances et pratiques communes à toutes les catégories de la société, aux clercs comme aux laïcs communiant dans un syncrétisme où se mêlent culture savante et culture « populaire ». C’est surtout le cas de l’univers des miracles, du monde des saints, du domaine du merveilleux (mirabilia)

Les lieux sociaux où s’opèrent principalement les contacts entre les deux cultures sont la place publique, pour le bas Moyen Âge, mais aussi : le monastère, le château, le chantier de construction. Dans certains ordres monastiques, les convers ou frères lais, intermédiaires entre la culture paysanne dont ils viennent et la culture savante des moines, diffusent la culture folklorique.
Le château seigneurial, à partir des 11ème-12ème siècles, est lui aussi perméable au monde paysan qui vient y travailler ou y apporter des redevances ou du ravitaillement. L’enfant noble, pendant ses premières années, côtoie les nourrices et servantes paysannes et entend leurs contes et histoires. Les jongleurs, souvent issus eux aussi du monde paysan, mettent à la disposition du seigneur et de son entourage noble les éléments de culture folklorique qui constituent une part importante de leur répertoire. Il n’offrent pas seulement à la classe chevaleresque le contenu de cette culture, ils lui en donnent le goût.


Hypothèses pour une chronologie des rapports entre culture savante et culture folklorique :

1 – La répression du haut Moyen Âge (4ème-11ème siècles) : cette période est dominée par l’effort de l’Eglise pour faire disparaître[…] la culture traditionnelle païenne. Quand elle le peut, l’Eglise procède à une interdiction absolue et à une véritable éradication de cette culture, mais dans un certain nombre de cas, elle doit se contenter d’occulter la poursuite de croyances et de pratiques (magie, oniromancie). Elle utilise aussi très volontiers la transformation de rites païens en fêtes religieuses, de temples en églises. […]
Cette phase se termine entre le 7ème et le 11ème siècle par un effort, accompli notamment à l’époque carolingienne, pour dresser des inventaires des manifestations de la culture folklorique survivante afin de les dénoncer comme superstitions.

2 – L’invasion folklorique (12ème-13ème siècles) : la période du grand essor de la société médiévale se traduit sur le plan culturel par une entrée en force de la culture folklorique dans la culture savante. D’une part, l’Eglise et la culture savante sont assez fortes, après la renaissance carolingienne, pour ne pas craindre d’intégrer dans une certaine mesure la culture folklorique. D’autre part, la montée de la classe chevaleresque, soucieuse d’acquérir une culture propre, accueille volontiers d’importants éléments de la culture folklorique avec laquelle elle est en contact dans le cadre du château et des nouveaux phénomènes culturels liés à l’activité des jongleurs, à la promotion des langues vernaculaires comme langues de culture et au goût pour le merveilleux. Cette pression de la culture folklorique s’exprime aussi bien dans les thèmes de la culture courtoise que dans certains aspects de l’art roman et gothique.

3 – Les 14ème et 15ème siècles connaissent deux mouvements en sens inverse dans le domaine des rapports entre culture savante et culture populaire : d’une part, la pression de la culture folklorique s’accentue, et il se crée un nouveau folklore (Rabelais). D’autre part, s’accélère un double mouvement de destruction et d’éloignement de la culture savante par rapport à la culture folklorique ; éloignement par rationalisation de la pensée savante ; destruction et répression de pratiques populaires désormais condamnées comme sorcellerie et impitoyablement poursuivies par l’Inquisition."

MessagePosté: Ven 27 Jan, 2006 13:13
de Muskull
Excellente synthèse ! :D

Et pour ceux qui ne le connaissent pas encore, un excellent livre sur le folklore irlandais (et au delà) qui permet de se rapprocher du festiaire celtique ancien :
"Les quatre Fêtes d'Ouverture de Saison de l'Irlande ancienne »
de Véronique Guibert de la Vaissière
http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 4111#24111

MessagePosté: Ven 27 Jan, 2006 13:42
de Tectosage
Bonjour,
Oui Taliesin, intéressant ces citations de J. Le Goff.
Quant à la question initiale de "Orbiix": < Quelle est la valeur spirituelle de l'art celtique ?>
On en revient toujours à l'interrogation : qu'est-ce que la spiritualité ? Et ensuite avec ce que nous avons de l'art celtique peut-on espérer raisonnablement en déduire une information sur cette spiritualité ?

La spiritualité est, me semble-t-il, est cette propension de l'esprit humain à privilégier les exigences de cet esprit pour organiser la vie individuelle, la vie collective et à structurer toute une part de connaissance ou plus exactement toute une part d'options. Pour donner quelques exemples récentss de spiritualistes on peut citer T. de Chardin avec sa vision antropologique et spiritualiste de l'évolution. Puis on peut également citer le courant personnaliste avec E. Mounier qui développe une proposition politico-sociale qui met "la Personne" au centre des préoccupations politiques et sociales. Cette dernière vision vient en opposition avec le capitalisme et la communisme qui provilégient l'argent et un matérialisme économique.
Pour se rapprocher des Celtes on peut observer les Romains qui nous offrent une transition spiritualiste avec l'émergence du christianisme. Pour aller vite on pourrait dire que les Romains avaient des choix, non ou peu, spiritualistes avant le christianisme puiis le christianisme vient apporter ses valeurs bien connues.
Alors si on compare ce que nous avons en art romain avant et après la conversion chrétienne, il faut bien reconnaître qu'il serait difficile d'en déduire leurs choix spirituels. Et pour les Celtes ... Bon courage.


Bien cordialement

Tecto en urgence

MessagePosté: Ven 27 Jan, 2006 16:02
de Professeur Cornelius
Tectosage a écrit:Quant à la question initiale de "Orbiix": < Quelle est la valeur spirituelle de l'art celtique ?>
On en revient toujours à l'interrogation : qu'est-ce que la spiritualité ?

A une époque, j'avais tenté d'initier un débat sur le sujet :
http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 1310#21310
Mais attention aux conséquences...

MessagePosté: Ven 27 Jan, 2006 16:15
de Muskull
En 2004 drôlement bavard j'étais... :oops: