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MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 19:20
de Pierre
Professeur Cornelius a écrit:Je ne comprends pas ta remarque, Pierre. Pendant quoi ? Et qui parle de perfection ?


Ton affirmation n'est pas fausse. Mais tu donnes l'impression que l'art celtique qui ne correspondrait pas aux canons de la classe sacerdotale, serait du systèmatiquement à des réminiscences du passé...



@+Pierre

MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 19:49
de Professeur Cornelius
Je pense en effet que tout motif artistique non issu de la classe sacerdotale druidique avait de fortes chances d'être un "résidu" du substrat pré-celtique. Mais n'y vois pas là un jugement de valeur quelconque de ma part.

Il peut aussi y avoir eu des cas particuliers d'artistes-artisans qui ont ramené de voyage des techniques ou des motifs (de Grèce, d'Etrurie, etc.). Dans ce cas, ces motifs ont été incorporés au corpus celtique, et certainement réinterprétés dans le cadre de la doctrine druidique.

Les historiens de l'art ont abondamment démontré que dans les civilisations traditionnelles, où le sacré et le profane ne sont pas étanchement séparés comme chez nous, la part d' "initiative personnelle" est des plus réduites. Cette notion est tout à fait "moderne" (= postérieure au Moyen-Âge), et d'ailleurs peu d'oeuvres antérieures sont signées du nom de l'artiste. Voir à ce sujet A. K. Coomaraswamy.

MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 20:46
de Tectosage
Professeur Cornelius a écrit:J

Les historiens de l'art ont abondamment démontré que dans les civilisations traditionnelles, où le sacré et le profane ne sont pas étanchement séparés comme chez nous, la part d' "initiative personnelle" est des plus réduites. Cette notion est tout à fait "moderne" (= postérieure au Moyen-Âge), et d'ailleurs peu d'oeuvres antérieures sont signées du nom de l'artiste. Voir à ce sujet A. K. Coomaraswamy.


Woui; mais ...
D'abord nous avons peu de restes d'oeuvres celtes, nous savons que tout, ou presque, ce qui était en bois a disparu et que les expressions populaires devaient le plus souvent être en bois.
Il faudrait ensuite distinguer les "commandes" des aristocrates, druides, des expression naturelles du peuple, par exemple une poterie utilitaire, disons non décorée, peut être une oeuvre d'art. Décorons cette poterie. Que peut-on affirmer sur ce décor ? S'il s'agit d'une commande aristocratique on peut sans doute accepter l'idée de suggestions décoratives, parfois de directives. Mais il y a aussi cette poterie qui restera d'usage populaire et peut-être que parfois elle portera des décors et que peut-être que parfois ce sera une oauvre d'art. Et puis il y a cet "artiste", homme du peuple dont on a parfois, évidemment, constaté le talent, alors on lui fait confiance pour, par exemple, décorer l'épée. Est-il pour autant un druide ?

Peut-il exister une civilisation où l'art sera l'apanage d'une classe ? Pour me faire croire à ça il faudra beaucoup d'arguments, beaucoup, beaucoup.

Cordialement

Tecto septique

MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 21:17
de Pierre
L'art de la celtique, Ruth et Vincent Megaw, Errance, Paris, 2005, p. 20

L'un des traits les plus remarquables de l'art celtique est son caractère résolument non-narratif, et ce en dépit de la présence, dont il est aisé de montrer la réalité, de modèles narratifs importés de Grèce et de ses colonies, d'Etrurie, et des régions bordières du nord de l'Adriatique, productrices de situles historiées. Les sources classiques et les textes épiques irlandais et gallois attestent l'existence d'une tradition de récits chantés et contés chez les Celtes, qui connaissaient donc l'art de la narration langagière. Il est certain, de plus, que les Celtes étaient capables d'adapter et de transformer. On le voit ainsi dans l'usage qu'ils firent des motifs végétaux certains de ceux-ci ayant d'ailleurs été empruntés par les Grecs dans les arts du Moyen-Orient comme les palmettes, les bourgeons ou fleurs de lotus, les rinceaux d'acanthe. Ces modèles artistiques étrangers ne furent assimilés que là où ils s'accordaient à la syntaxe et au symbolisme visuel celtiques.


Très bon livre au demeurant, je le conseille vivement :wink:


@+Pierre

MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 21:26
de Sedullos
Re,

André Rapin a passé des années à étudier et à restaurer les fourreaux des épées des guerriers des IIIe et IIe siècles avant J.-C.

C'est au cours de ces travaux qu'il a pris conscience à la fois de la haute technicité du travail des artisans du métal et de l'importance de ce qui était considéré jusqu'alors comme des motifs décoratifs.

Si dans un message précédent, j'ai parlé d'un méta-langage, c'était parce que les motifs me semblent avoir une signification métaphysique et religieuse. La religion des Celtes est une religion savante que cela plaise ou non, et cela n'exclut pas des formes plus populaires.

Ce qui a attiré particulièrement mon attention dans les fourreaux d'épée, c'est qu'ils constituent une sorte de raccourci, de "précipité" des relations entre les trois classes et fonctions indo-européennes.

Le druide enseigne, l'artisan grave et le guerrier combat mais enseigne aussi à d'autres guerriers comme le font le druide et l'artisan.

S'il y a parfois du sang sur les épées, il y a du sens sur les fourreaux.
L'épée n'est pas l'arme du premier choc, le couple lance/bouclier est utilisé pour le choc. L'épée est l'arme du dernier combat, métaphoriquement, elle représente le guerrier d'élite vivant ou mort comme bien des sanctuaires de l'époque le laissent présager.

MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 22:06
de Pierre
Sedullos a écrit:S'il y a parfois du sang sur les épées, il y a du sens sur les fourreaux.


Bonsoir Jean-Paul,

Bien sur que sur ces représentations, il y a un sens. Et il y a de très fortes chances pour qu'elles aient un caractères religieux. Mais de la à en faire un pseudo-langage des druides...

Maintenant tu parles de fourreau d'épée. Les épées, armes des Celtes par excellence, elles bénéficient donc d'un traitement particulier. Mais dans ce cas, il ne s'agit donc plus de l'art celtique d'une manière générale, mais d'une particularité. D'ailleurs dans le livre que je viens de citer, un chapitre complet est consacré aux "Porteurs d'épées", preuve que les auteurs ont bien fait la distinction :wink:

L'art de la Celtique, V & R Magaw, Errance, Paris, 2005, p125:
Au cours de cette période, les forgerons égalèrent et dépassèrent les orfèvres et les bronziers en devenant les principaux créateurs d'un art dont les oeuvres majeures ornaient surtout fourreaux et épées


@+Pierre

MessagePosté: Dim 29 Jan, 2006 22:53
de Professeur Cornelius
Ce que je soutiens (mais ce 'nest que mon humble avis), c'est qu'une oeuvre d'art, quelle qu'elle soit, n'est pas simplement décorative, "belle" ou coutumière. Elle est symbolique. Bien sûr, aujourd'hui, on a perdu le sens de beaucoup de motifs, mais il me semble difficilement contestable que l'art celtique "classique", avec ses palmettes, ses arbres de vies, ses monstres affrontés, ses oiseaux et ses têtes humaines, évoque des thèmes, renvoie à des récits qui devaient être connus de tous - au moins de l'aristocratie guerrière et économique. Chaque élément s'intègre dans un ensemble de mythes et de croyances qui forment la "tradition celtique" de l'époque. Et celle-ci relevait des druides, bien sûr.
Ceci ne signifie pas, évidemment, que seuls les druides créaient, artistiquement, mais que les thèmes de l'art celtique, surtout pour les objets de haute valeur, relevaient certainement du savoir, et donc de la classe des druides.

MessagePosté: Lun 30 Jan, 2006 1:04
de Sedullos
Pour Pierre,
oui, il y a un sens qui nous échappe.

La paire de dragons sur les fourreaux est moins une particularité qu'un exemple particulier qui engage les 3 fonctions.

Il a dû, il doit y en avoir d'autres.

Tectosage réclame que j'argumente, j'écris ce qui me semble le plus évident sur cette question.

Lorsqu'on lit certains messages, on a l'impression que les aristocrates, druides et guerriers vivaient à des centaines ou des milliers de kilomètres des artisans et des autres gens du peuple. Cela me semble illusoire, les classes sociales si elles sont bien marquées sont encore assez proches, et je ne perçois pas le fossé que certains sous-entendent.


Si on prend, l'Irlande préchrétienne, sont considérés comme des gens d'art, aes dana, tous les possesseurs d'un savoir particulier, druides, guerriers et artisans par opposition aux agriculteurs. Je ne dis pas des éleveurs puisque toutes classes possèdent du bétail principale source de richesse et de prestige.

Pour en revenir à l'art, il est symbolique, comme le souligne Fergus, chargé de sacré et d'enseignements, dire cela ne veut pas dire que les artisans et les artistes, -ce sont les mêmes-, ne seraient que de simples exécutants, ils mettent en action leurs compétences techniques et artistiques et même mathématiques pour transmettre un message qui leur a été inspiré par les techniciens du sacré que sont les druides.

Deux précisions :

André Rapin est le co-auteur avec Jean-Louis Brunaux de

Gournay. II, Boucliers et lances, dépôts et trophées / Jean-Louis Brunaux et André Rapin. - Paris : Errance : Revue archéologique de Picardie, 1988. - 245 p. - (Archéologie aujourd'hui)

Des archéologues étudiant des phalères ont indiqué que le niveau en géométrie des artisans était comparable à un niveau bac+4, cf

Décors, images et signes de l’âge du Fer européen : Actes du XXVIe Colloque de l’Association Française pour l’Etude de l’Age du fer : Paris et Saint Denis, 9-12 mai 2002…/ édité par O. Buchsenschutz, A. Bulard, M.-B. Chardenoux, N. Ginoux.- Tours : FERACF, 2003.- 280 p.- (Supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France ; 24)

Comment expliquer un tel niveau sans un enseignement de très haute qualité ?
Ce n'est pas rabaisser les artisans/artistes que de supposer que des membres de la classe sacerdotale les ont fortement inspirés et guidés, un peu comme un motif symbolique combiné avec d'autres donne un récit plein de sens.

MessagePosté: Lun 30 Jan, 2006 10:01
de Tectosage
Sedullos a écrit:
Tectosage réclame que j.


Oh ! Oh ! Juste pour le plaisir de la discussion et toujours très amicalement.
Les précisions précédantes sont claires et je suis bien d'accord.

Tecto

MessagePosté: Lun 30 Jan, 2006 12:51
de Professeur Cornelius
Un peu aussi comme, aux XI°, XII° et XIII° siècles, les maîtres d'oeuvre et ouvriers maçons, charpentiers, verriers, sculpteurs, etc..., seront guidés et inspirés (et financés) par l'Eglise, en particulier les Bénédictins, les Cisterciens et les Templiers. Ce n'est pas dévaloriser leurs grandes compétences techniques ni leurs connaissances symboliques.

MessagePosté: Lun 30 Jan, 2006 13:57
de Tectosage
Professeur Cornelius a écrit:
Frédéric Creuzet,
alias Professeur Cornelius
ou encore Fergus, Boduogenos, Bodu


Pour me référer à tes écrits je te propose de t'appeler simplement :"le Professeur Cornélius Fergus" ou encore plus simplement <le PCF>, si ça te va ...:D

Tecto

MessagePosté: Lun 30 Jan, 2006 14:13
de Professeur Cornelius
:lol: :lol: :lol:
Euh, non merci ! C'est gentil, mais ça a un je-ne-sais-quoi de dogmatique, cette appellation ! :lol:

MessagePosté: Mer 01 Fév, 2006 13:33
de Sedullos
Sedullos a écrit:


Des archéologues étudiant des phalères ont indiqué que le niveau en géométrie des artisans était comparable à un niveau bac+4, cf

Décors, images et signes de l’âge du Fer européen : Actes du XXVIe Colloque de l’Association Française pour l’Etude de l’Age du fer : Paris et Saint Denis, 9-12 mai 2002…/ édité par O. Buchsenschutz, A. Bulard, M.-B. Chardenoux, N. Ginoux.- Tours : FERACF, 2003.- 280 p.- (Supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France ; 24)



Salut,
Je m'aperçois que j'ai donné la référence du recueil mais pas celle de l'article.

Schémas de construction des décors au compas des phalères laténiennes de Champagne / Marc Bacault, Jean-Loup Flouest, p. 145-170.

L'étude porte sur les phalères de Somme-Bionne et de Cuperly.
Marc Bacault est mathématicien, Jean-Loup Flouest archéologue.
C'est le premier qui évoque en note à propos du schéma préparatoire à la phalère de Somme-Bionne des connaissances d'un niveau Capes de mathématiques.

J'avoue que si je peux suivre le fil du raisonnement, les démonstrations mathématiques et géomètriques me passent très haut au-dessus : Théorème de Thalès, Tetraktys pythagoricienne...

MessagePosté: Mer 01 Fév, 2006 15:54
de Professeur Cornelius
Le Théorème de Thalès sert à calculer des longueurs dans un triangle, à condition d'avoir deux droites parallèles.

Dans le triangle ABC,
si I est un point de [AB], si J est un point de [AC] et si (IJ) // ( BC),
alors AI/AB = AJ/AC = IJ/BC.

Si (IJ) et (BC) sont parallèles, alors les longueurs des côtés du petit triangle sont proportionnelles aux longueurs des côtés du grand triangle.
http://mathematiques4.free.fr/pagesrouges/thales.htm



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"Dans la métaphysique pythagoricienne tout est régi par le nombre et la Tétraktys est le quatrième nombre triangulaire - c’est-à-dire la somme des quatre premiers nombres représentés dans l’empilement en forme de triangle.
O

O O

O O O

O O O O

Pour les pythagoriciens, ce symbole rassemble les valeurs transcendantes de la Décade (1+2+3+4=10, nombre pythagoricien du Macrocosme), la dynamique de la croissance triangulaire et les qualités harmoniques de la suite 1, 2, 3, 4 (l’octave, la quinte et la quarte musicales étant respectivement dans des rapports 4/2=2/1, 3/2 et 4/3).

Voir aussi un article de René Guénon sur la Tétraktys par rapport à la théorie traditionnelle des quatre âges.
http://perso.wanadoo.fr/pensee.sauvage/cosmos/manou.htm

MessagePosté: Jeu 02 Fév, 2006 18:09
de Sedullos
Merci Fergus,

En fait, je parlais des applications géométriques qu'ils analysent et reconstituent, et là, ça me dépasse : j'ai toujours été nul en géomètrie.

:cry: :cry: :cry:

Il y a aussi un autre texte de Guénon sur la Tetraktys dans Les symboles fondamentaux de la science sacrée.