Désolé Sed, j'ai zapé le post précédent !
Henri Martin est un historien au sens large du terme car les passages suivants sont extraits de son Histoire de France en ... huit tomes. Ils permettent ainsi d’évaluer son auteur et son contenu.
Malheureusement, l’histoire ne se retrouve pas écrite simplement en regardant sous les sabots d’un cheval et encore moins en lui tirant les vers du nez. Excusables pour son époque, au contraire des auteurs contemporains, de grossières erreurs de langage, des inepties et des termes techniques inadaptés (collier d’or = torque…) lui sont reprochables. En revanche, le texte permet de visualiser un tableau vivant et relativement précis de son oeuvre.
Au contraire de
L’organisation sacerdotale romaine et du
sénat romain, quelques indications concernant la constitution des « sénats » gaulois, des nations,
brenn,
tiernn,
rex… et autres gouvernants de tribus :
Henri Martin a écrit: HISTOIRE DE FRANCE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU’EN 1789
Par Henri Martin, Tome I, 1837, Furne, Libraire-éditeur, quatrième édition 1854, pp. 40—42, pp. 44—46.
GAULE INDÉPENDANTE. .........................................[Av. J.-C.
MŒURS ET COUTUMES GAULOISES.
[…] La constitution de la famille sociale, de la tribu, n’offre pas autant d’obscurités que celle de la famille naturelle, grâce à la longue conservation du régime de la tribu chez les Gallois, chez les Irlandais, chez les Écossais, qui servent si bien à nous éclaircir les données insuffisantes des Grecs et des Latins. L’hérédité naturelle de la famille, demeurée dans ses vraies limites, n’a dégénérée ni en droit d’aînesse dans la famille 1, ni en hérédité artificielle du commandement politique de la tribu. Ce n’est point en vertu d’un prétendu droit personnel que le chef de tribu représente le père commun de la race ; il est l’élu temporaire ou viager des chefs de famille. Le chef de canton 2 et le chef de nation, quand il y a un chef suprême, ce qui n’est pas le cas le plus ordinaire, sont également électifs 3. le pouvoir des chefs de tous degrés est subordonné à l’autorité des anciens (henadouriaid) qui forment les sénats ou conseils permanents, et des assemblées extraordinaires du peuple (gorsed), appelés conseil armé, parce qu’elles se tiennent sous les armes. « D’après le rang et le droit primordial, disent les Triades, une nation est au-dessus d’un chef. » Il y a deux catégories de citoyens, de guerriers : le noble ou chevalier, et le simple homme libre 4. Quelle est l’origine de cette classe supérieure parmi les hommes libres? Le premier noble, n’est-ce pas le premier cavalier, l’homme qui a dompté et s’est approprié le cheval de guerre et qui s’est assuré ainsi la supériorité dans les combats? La noblesse, en Gaule, a dépassé ce premier degré. Le chevalier ou haut-homme n’est plus le simple cavalier : il a, dans l’ordre de bataille en usage, deux cavaliers subalternes attachés à sa personne, et sans doute équipés à ses frais. Ces écuyers peuvent devenir chevalier à leur tour, et ils se recrutent certainement eux-mêmes dans la masse des hommes libres combattants à pied. Il n’y a point là de caste fermée ni même héréditaire, au moins d’abord.
1. Le droit d’aînesse primitif, dans les tribus patriarcales, n’est qu’une suprématie morale, et non un avantage matériel.
2. Canton, en kimrique, cantref ; de cant, cent, et tref ou trev, village. — Chaque canton renfermait plusieurs clans ; chaque clan, plusieurs villages. — Chef de clan, khlan-kinnidh, en gaëlique ; pen-kenedl, en kimrique ; — chef de canton, tiern, teirn, en kimrique ; tiernakh, tighernakh, en gaëlique.
3. Chez les Écossais, le chef de tribu finit par se rendre héréditaire au moyen âge, probablement à l’imitation de la royauté, qui s’était féodalisée. Chez les Gallois, le chef de tribu resta électif ; le chef de canton devint héréditaire ; le chef de nation (bren’yn) n’était plus électif et n’était pas héréditaire ; il désignait son successeur dans sa famille ; mais il n’était pas devenu inviolable ; il pouvait être jugé et déposé par l’assemblée nationale (gorsed) ; jamais le principe de la responsabilité personnelle n’a souffert d’exception parmi les peuples gaulois. Le titre de roi, quand on le trouve parmi eux, n’emporte nullement l’idée d’une mystique inviolabilité. Le chef de nation (righ), de canton, de tribu, en Irlande, étant restés électifs ; mais on ne les prenait que dans certaines familles privilégiées, et on leur adjoignait un successeur désigné pour les empêcher de se rendre héréditaires.
4. Uasel en gaëlique, ukhel en kimrique, haut, élevé ; ukhel-our, haut-homme. Our, gour, en kimrique, ver, fer, en gaëlique, est le vir latin, le berht teutonique, le vira sanscrit. — markhok, markhek, chevalier. — Le chevalier s’appelait encore aour-torkhok, décoré du collier d’or (V. les poésies bardiques, passim). Le simple homme libre s’appelait, en langue kimrique, kymri-kymwynwal.
Si l’aspect convaincant de la brutalité s’impose dans la société gauloise, une autre facette bien connue en temps pré-électoral est, à la manière de
Luernios, la distribution gratuite de promesses et surtout d’argent (particulièrement celui des autres).
[…] L’ordre patriarcal et naturel de la tribu et de la famille ne renferment pas toute la vie sociale des Gaulois ; il est un autre ordre volontaire et individuel, qui se combine avec le premier et le modifie : c’est le patronage (nawd, en gallois), système d’association dans lequel les liens du sang ne sont plus pour rien, et qui s’est formé sous des influences et dans des conditions très diverses, la recherche de l’appui des forts par les faibles dans une société de mœurs violentes, le goût des aventures et des expéditions au dehors, qui exige des groupements autour de chefs élus pour la guerre, enfin le dévouement passionné des jeunes guerriers pour le chevalier de renom qu’ils adoptent comme patron. Il y a dans chaque tribu, ou au moins dans chaque peuplade, plusieurs de ces derniers groupes, de ces amitiés, ainsi que les appelle Polybe, selon la belle expression grecque (εταιρεια). Le patronage a des degrés divers comme des origines diverses. Les clients, en général, soutiennent et défendent leur patron en échange de la protection qu’il leur donne ; mais il y a des dévoués qui s’attachent absolument à sa personne et ne font plus qu’un avec lui. Quand les chevaliers, les colliers d’or, s’asseyent autour de la table ronde, symbole de leur égalité, les écuyers (ceux qui portent les boucliers et ceux qui portent les épées, dit Posidonius) forment un second cercle autour du premier, et mangent en même temps que leurs patrons. Ils sont près d’eux à « la danse de l’épée » (Korol ar khleze) ; ils partagent toutes leurs fortunes. On voit parfois un héros fameux, au lieu de deux écuyers, réunir autour de lui des centaines de chevaliers, qui lui sont associés pour la vie et la mort, le sauvent ou meurent avec lui dans la bataille, ou s’entre-tuent sur son tombeau. Ces associations portent en langue gauloise le nom de fraternité (brodeurde), nom qui s’applique également aux alliances de tribus et de nations, quand elles sont contractées sur le pied de l’égalité et non sur celui de la clientèle 1.
Pour les républiques grecques et italiques, le principe essentiel, aux belles époques, est la vertu civique, l’attachement absolu du citoyen à l’État. Dans la société gauloise, les sentiments dominants sont l’honneur, c’est-à-dire l’estime exaltée de chacun pour sa personnalité, et le dévouement à l’homme qu’on s’est choisi pour chef et pour modèle.
1. Polyb. II, p. 106 ; Posid. Ap. Athen. IV, 13; La Villemarqué, Bardes bretons du sixième siècle, 1850, in-8. — " Paulò suprà hanc memoriam… clientes quos ab iis dilectos esse constabat, justis funeribus confectis, unà cremabantur " (Cæsar. VI). Nous avons indiqué les exploits des dévoués du brenn lorsqu’ils soutinrent la retraite à la bataille de Delphes. Il y a des exemples fameux de ces mêmes dévouements chez lez Euskes d’Aquitaine et d’Espagne. L’institution, commune aux deux races, était à un tel degré d’énergie chez les Euskes que le même mot, saldun, signifiait dans leur langue dévoué et chevalier (V. l’histoire des dévoués de Sertorius, ap. Romey, Hist. d’Espagne, t. I, p. 45-282 ; 1839). — les traditions irlandaises nous apprennent que les guerriers attachés à un chef déposaient leurs trophées et leurs armes en commun dans une maison voisine de l’habitation du chef. La résidence de Connor, righ ou prince d’Ulster, était située entre la « maison de douleur et d’angoisse », où l’on soignait les blessés, et la maison ou « toit de la branche rouge » (teagh na craoibhe ruadhe), arsenal et salle des trophées.
e.