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Gisay

MessagePosté: Ven 09 Déc, 2005 16:37
de Quinqua
Gisay, Gisacus, Gisacum ....
voilà un nom, un toponyme que l'on trouve rarement ?
Divinité topique, Inscription de Vieil-Evreux, quelques toponymes dans l'Eure qui semblent localisés. Nom de personne roman Giso pour René Lepelley dans son dictionnaire des noms de communes de Normandie.
Je ne le trouve pas dans Xavier Delamarre ?
Son origine serait gauloise ? cependant j'ai l'impression que l'on sait peu de choses.
Je suis preneur si vous avez des éléments.
Merci.

MessagePosté: Ven 09 Déc, 2005 17:28
de Patrice
Bonjour Pierre,

Et comment qu'il y a des éléments là dessus! J'ai fait tout une communication sur ce sujet au congrès de la SMF de Yerville (l'autre Pierre en sait quelque chose), qi devrait être publiée en Mars.

Gisacus: trois localisation toponymiques dans l'Eure, un rapport étymologique avec Gisors (*Giso-ritum?), un homologue Gesacus honoré à Amiens.
La variante Gesacus autorise justement un rapprochement avec le gaulois gaeso-, geso-: "sorte de javelot".
C'est le Dieu "de la Lance", autrement dit probablement un avatar de Lugus.

Après ça, j'ai fait tout une analyse de la vie de saint Taurin d'Evreux et ce qu'on sait du dieu irlandais Midir (gaulois Medros), notamment par les deux premières versions de la Courtise d'Etain.

Je t'enverrai le texte, si tu veux, dès qu'il sera paru. Mais il faudra attendre Mars.

A+

Patrice

MessagePosté: Ven 09 Déc, 2005 18:31
de Quinqua
Bonsoir Patrice,
Je pensais bien avoir une réponse de ta part, merci, je suis preneur bien sûr du texte de ta publication lorsque le temps sera venu.
Pour en revenir au toponyme, il semble localisé principalement dans l'Eure dans le pays d'Ouche.
Je ne veux pas déflorer ton sujet, lié à Saint Taurin et à son martyr, je ne suis pas spécialiste, mais je crois qu'il existe au moins 2 époques données pour son existence, fin IV° et beaucoup plus tard ?
Le lieu est aussi partagé entre le Vieil-Evreux et Gisay-la-Coudre, tu connais cette fameuse légende du coudrier, et aussi de l'absence des ongles des descendants des bourreaux.
Ceci dit, c'est pour mon travail (entrepris de 1975 à 1986) sur une nécropole méro établie sur des thermes privés. (je ne suis guère rapide !)
A bientôt.

MessagePosté: Ven 09 Déc, 2005 18:52
de Pierre
Patrice a écrit:l'autre Pierre en sait quelque chose


Oui, un très agréable moment d'ailleurs. Et je me souviens de cette communication entre deux coups de corne :lol:

Pareil que toi, je pense à un terme en *gaiso- (Gésates Gaisatorix, etc…)

Je pense qu'il y a quelque chose la dessus dans le premier Lacroix, je me ressource et je remonte l'info. Par contre, je suis étonné qu'il n'y ai rien dans le Delamarre à *gaison (je vais vérifier). :wink:


@+Pierre

MessagePosté: Ven 09 Déc, 2005 22:33
de Pierre
L ancien mot gaulois qui désignait l' arme [la lance], repris par les Romains sous la forme latine de gaesum, se retrouve dans le français GÈSE (terme en vérité peu courant, introduit dans le lexique Pour évoquer les réalités de la guerre antique) (Littré, 1967, IV, 69). Ajoutons que des noms de lieux paraissent issus du thème gaulois gaes-/gais-. Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) s'appelait jadis Gesoriacum ou Gaesoriacum (Desjardins, l, 1876, 368-372; Deroy et Mulon, 1992, 67); GISAY, dans l'Eure (Gysaium, en 1124), GISORS, dans le même département (Gisortis, en 968), GISY, dans l'Yonne (Gisei, au lXe s., et Gisiacum, en 1142), GIZAY, dans la Vienne (Gisiaco, en 1097-1100), GIZY, dans l'Aisne (Gisiacus, en 1113) remontent peut-être à la même origine. On s' est demandé si le sens en était militaire: lieux où vivaient "Ceux à la lance". Mais il pourrait être plutôt géographique, la pointe de l'arme ayant pu désigner métaphoriquement une avancée de terre dans l'eau, un cap, un éperon rocheux, voire une île (Poulet, 1997,31; Lepelley, 1999, 18 ); à moins qu'on y trouve un sens théonymique, les toponymes précédents pouvant se rapporter à un dieu GISACOS ou GÉSACUS, attesté en Gaule (dieu à la lance?) (se reporter au chapitre "Les Dieux", dans le tome III La Gaule des dieux).

Source : Les noms d'origine gauloise, la Gaule des combats, Jacques Lacroix, Ed. Errance, 2003, Paris, page 74


Ouvrage très intéressant. Ne pas oublier la navette entre Lille et Brionne si nécessaire (à voir avec le sale jeune :P ) :wink:

Pour Delamarre, pas de Gisay, mais (Gesocribate, Gesodunum, Gesoriacum), Gisors et Gesoritum uniquement rattachés à "ritu-" ?


@+Pierre

MessagePosté: Sam 10 Déc, 2005 10:27
de Quinqua
Grand merci à Pierre 1er de Lille pour ses précieux renseignements

MessagePosté: Sam 10 Déc, 2005 12:41
de Patrice
Salut,

On trouve dans le premier volume des Vies des saints du diocèse d'Evreux par l'abbé J.-B. Mesnel une explication concernant Gisay-la-Coudre.
En fait, ce surnom n'apparaît pas avant la réforme du bréviaire d'Evreux par Claude de Saincte, au XVIe siècle donc. Maintenant l'église de Gisay est consacrée à saint Taurin, mais au XIIe siècle, elle l'était à saint Aubin.
Donc pas de Taurin à Gisay avant le XVIe siècle.
On a ici un bel exemple de fabrication de légende, d'abord sur une base cléricale, puis sur une base populaire (les enfants sans ongles, les baies du coudrier "sans noyau").
A+

Patrice

MessagePosté: Sam 10 Déc, 2005 16:01
de Quinqua
Merci Patrice,
Si la légende apporte une réponse, si elle satisfait l'imaginaire où répond à un besoin inconscient, elle à dû aussi contribuer à construire un besoin tardif de St Taurin par et pour les vues du clergé de l'époque.
Je suppose, et il faudra vérifier que Gisay existait donc (et sans la coudre?)
Les gens d'église cultivés savaient identifier et avaient sans doute la connaissance des structures romaines, et identifié l'ancienneté de "Gisay" par contre ils ne devaient pas avoir la connaissance de la nécropole mérovingienne qui ne pouvait être identifiée que par son mobilier archéologique.
De plus je m'interroge toujours sur le vide laissé entre la fin III° et la présence mérovingienne d'une terre qui jouxte l'axe Evreux-Condé-sur- Iton (carrefour de voies) à Lisieux par Broglie.
Les échanges existaient, et l'on peut difficilement concevoir une christianisation tardive sur des axes qui ont été pratiqués par les évangélisateurs ?
Connais-tu des ouvrages qui pourraient m'apporter des éléments sur
cette époque pour Lisieux.
Merci

MessagePosté: Sam 10 Déc, 2005 16:05
de Patrice
Je vois que j'ai mal rédigé ma réponse de tout à l'heure.

Au XIIe siècle, Gisay s'appelait bien "Gisaium", mais il n'y avait pas encore trace du coudrier.

Ce que pense Mesnel, c'est que au XVIe siècle, Claude de Saincte a cherché le lieu du martyre de saint Taurin, mais le Vieil Evreux ne s'appelait déjà plus depuis longtemps Gisacum. Il a donc trouvé Gisay et y a rattaché la légende.

La suite de la réponse après manger: il est 15 et le repas de midi se fait attendre! :wink:

A+

Patrice