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justement le féminin...

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 15:00
de matthaeus
Ce basculement vers le féminin va pouvoir nous permettre de parler du rôle de Nantosuelta du Soma Celtique.

Nantosuelta, dont le nom en protoceltique donnerait *nanto-swel-ta "qui [se] tourne [dans la] vallée" ou "vallée retournée", est la parèdre de Sucellos.

Le nom de Nantosuelta rappelle celui des autres rivières divinisées qui portent des noms comme Diva, Divona "la divine", Sirona "l'étoilée" (femme de Apollo Grannus). Son nom, comme celui des mêmes rivières, renvoie au rôle tout aussi céleste de la déesse (vallée retournée = ciel).

je vois, Muskull, que tu n'aimes pas qu'on fasse appel à des cultures aussi lointaines que les cultures avestiques et védiques mais c'est elles qui font preuve du plus grand conservatisme religieux. Cela permet de palier au manque d'informations concernant les religions et les rites dont a perdu le sens. Pour preuve, elles n'ont développées qu'une seule déesse principale qui peut se relever importante pour nous.

En Perse, c'est Ardvi Sura Anahita "humide puissante immaculée", qui est vénérée dans l'Aban Yasht, Ve hymne de l'Avesta. Comme Nantosuelta est la compagne de Sucellos, Anahita est considérée comme l'épouse de Mithra. Anahita y est décrite comme la source des eaux et des plantes; comme une rivière qui purifie la semence du sexe masculin, l'utérus des femmes et le lait des seins. Pour libation, elle doit recevoir du haoma et de la viande. Dans cet hymne, c'est à elle que Yima présente la taureau qu'il va sacrifier à Mazda, c'est aussi à elle que se présente Azi Dahaka le voleur de Haoma, et c'est finalement à elle que se présente Thraetona le tueur du serpent.

En Inde, c'est Sarasvatî, aspect de la Déesse et rivière mythique dont on n'a retrouvé aucune trace archéologique. Dans le Rg Veda, elle est considérée comme le plus puissant des courants, riche en butin, jamais avare en pensée. Ses vagues sont louées, ainsi que sa poitrine nourricière. Par contre, aucun lien explicite n'apparaît entre Sarasvatî avec le Soma, elle doit juste en être consommatrice comme tous les dieux. Le Nom de Sarasvatî a pour équivalent, en Perse, Haraxvaitî, nom d'une région au sud de l'Iran, l'Arachosie dont la capitale est Kandâhâr.

A Rome, bien qu'il y ait une multitude de déesse, le rôle de la déesse protectrice du vin est jouée par Vénus. Elle est impliquée dans les rites des Vinalia et des Vénéralia (d'après Ovide, Festus, Plutarque). Lors des Vinalia Urbana, du 23 avril, Vénus se voit offrir du vin destiné à Jupiter. Lors des Vinalia Rustica, du 19 août, les femmes du peuple sont surveillées et on leur donnait pas ou peu d'alcool. Les femmes étaient protégées, je pense, en prévision du 23 avril prochain. Le 19 août est surtout le jour de Jupiter donc des hommes, alors les femmes sont gardées. Lors des vénéralia, on verse une très grande quantité de vin dans le temple de Vénus, de plus les femmes soignent la statue de la déesse (bijoux, miel, lait) et que l'on honore la fortune virile.

Nantosuelta est donc une déesse-rivière mère de la fécondité mais aussi de la fortune. Si elle est couplé avec Sucellos, aspect accompli d'Esus tauroctone, c'est qu'elle est la gardienne du chaudron, qui apporte longue vie et santé. Ses pendants romains et avestiques vont dans ce sens. Cela me rappelle aussi l'aphrodite ouranique des scythes, Argimpasa (page internet de Sergei V. Rjabchikov) dont le nom Arg-im-pasa de *Wargon-homa-patya signifie "maîtresse des vainqueurs du haoma (sous sa forme Vrtra)". Wargon- se retrouve dans le héros scythe Woergon, l'avestique Verethragna (dérivés le parsi Bahran et l'arménien Warhan) et dans le védique Indra Vrtrahan.

Nantosuelta et d'autres déesses rivières sont l'incarnation de ce qu'elle garde, c'est à dire le Soma celtique, qui est le gui guérisseur, le taureau immolé et les eaux serpentueuses coulant dans les vallées. Elle est la parèdre du dieu druide créateur du breuvage et est liée au maître réel du Soma qui est le dieu qui lutte contre le serpent, en l'occurence Lugos Smertrios.

J'ai trouvé un pendant irlandais à ce que j'avance dans le mythe irlandais de Boand, dont le nom s'expliquerait par *bo-vinda "la vache blanche". tous les savants sont d'accord sur le fait que Boand n'est qu'un aspect de Brigit. Boand, femme d'Elcmar (habitant du Brug na Boyne, l'autre monde, a des relations sexuelles avec le Dagda (le dieu druide). De cette union naîtra le Mac Oc (Bélénos irlandais). Pour réparer son adultère, elle va baignée dans la rivière Segais, dont la source, entourée de 9 noisetiers apportant la connaissance, est gardée par le dieu Nechtan (qui passe aussi pour l'époux de l'héroine) et ses 3 prêtres. L'eau attaque Boand et l'ampute d'une jambe, d'un bras et d'un oeil. L'eau emporte Boand jusqu'à l'océan et la Segais devient la Boyne.
Dans ce mythe, la déesse trompe le roi de l'autre monde avec le dieu druide (ce qui enfante le dieu sauveur). Elle va ensuite se purifier dans une rivière, le Soma, possession de son mari, qui se venge avec une triple amputation de magie guerrière. Elle entre donc en relation avec une eau vengeresse, comme le serpent Vrtra des Védas.

Cela peut expliquer le rapport entre les premiers blocs du pilier des nautes : le dieu druide trouve un taureau dans l'autre monde et en fait un breuvage d'immortalité. Le dieu druide séduit la femme du roi de l'autre monde, gardienne du taureau. Celui-ci se venge en transformant le breuvage en ennemi des dieux, en serpent à cornes, qu'occit le jeune dieu -roi.
Le dieu Nechtan, roi des sources, est relié au romain Neptune et au indo-iranien Apam Napat. Je pense qu'il est un aspect de Manannan mac Lir, lui-même étant un aspect de Lugh. Manannan mac Lir est le roi des océans et des îles, ce qui en fait un roi de l'autre-monde, un pendant de Cernunnos. Dans la mort tragique des enfants de Tuireann, Lugh se vêt des armures de Manannan et donne le cheval de Manannan aux enfants de Tuireann afin de ne pas paraître trop sévère.
Chez les Gallois, la distinction est encore plus floue: Manawyddan ab Llyr n'a plus aucun lien avec l'océan mais est un artisan expert comme l'est Lugh Samildanach en Irlande et comme le fait entendre le nom de Llew Llaw Gyffes. Il est un roi maudit fuyant de Dyved avec Pwyll, héros d'un autre mabinogi. Ils sont encore un avatar du dieu souverain double.

Dans l'hindouisme tardif, Varuna, dieu védique important, n'est plus que le dikpala de l'ouest, il tient dans ses mains supérieur le serpent et le noeud coulant. Il est le maître des eaux. Dans l'Avesta, Ahura Mazda est l'époux des eaux. Dans l'Edda, Aegir est l'époux de la mer, dont les 9 filles sont les mères du dieu Heimdall, père de l'ordre social.

Nechtan, Boand, Manannan mac Lir, Manawyddan ab Llyr, Pwyll (et Rhiannon), Smertrios, Cernunnos, Sucellos-Esus et Nantosuelta font partie d'un même ensemble mythique.

La déesse celtique est l'épouse de tous les dieux. Elle est épouse du dieu roi en tant que gardienne du soma celtique et elle est l'épouse du dieu druide en tant que donatrice de l'immortalité aux dieux. C'est l'un de ses aspects principaux, avec celui de Brigit et celui d'Etain.

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 19:39
de Sedullos
Salut,
matthaeus a écrit:Dans la mort tragique des enfants de Tuireann, Lugh se vêt des armures de Manannan et donne le cheval de Manannan aux enfants de Tuireann afin de ne pas paraître trop sévère.


Voilà qui est me semble-t-il loin du récit de La mort tragique des enfants de Tuireann

Non seulement, Lug ne donne pas le cheval, La Branche Unique de Mananann mais il refuse de le prêter arguant du fait qu'il appartient à Mananann. Aussi les Enfants de Tuireann demandent sur les conseils de leur père, la barque de Mananann, Sguaba Tuinne, la "Brosse des Vagues, parce que c'est un interdit pour Lug de refuser une seconde requête.

Quant à Lug, loin de ne pas paraître trop sévère, il se montre au contraire impitoyable avec Brian, Iucharba et Iuchar les envoyant dans une quête mortelle pour venger la mort de son père Cian.Il refuse à Brian de lui prêter la peau du porc de Tuis, roi de Grèce, qui seule pourrait sauver les trois frères.

Textes mythologiques irlandais. I, Volume I / traduits par Christian-J. Guyonvarc'h. - Rennes : Ogam-Celticum, 1980.- 60-284 p. - (Celticum ; 11.1)

La mort tragique des enfants de Tuireann = Oidhe Chloinne Tuireann , pp. 105-143

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 20:51
de Sedullos
Dans la mythologie védique, c'est Indra aidé du dieu Soma qui tue le dragon Vrtra. Ce qui va avoir pour effet de libérer, les rivières, les eaux utiles, les vaches = les aurores, les jours et les nuits.

Le dragon Vrtra vaincu est parfois désigné comme un tas de branchages abattus par la hache.

MessagePosté: Mar 27 Nov, 2007 1:31
de Alexandre
Sedullos a écrit:Le dragon Vrtra vaincu est parfois désigné comme un tas de branchages abattus par la hache.

Tu as des références ?

MessagePosté: Mar 27 Nov, 2007 1:50
de Sedullos
Cosmogonies védiques / Jean Varenne.- Arché 1982.

p. 100, "Revêtant ta puissance, tes forces, ta majesté, tu pourfends tes ennemi, Indra, comme un charpentier (fend) le bois ! (Oui), tu pourfends (tes ennemis) comme avec une hache !" RS : 1.130.4 R pour Rig Veda

"Il abattit Vrtra qui enserrait les eaux comme on abat un arbre avec la hache-de-pierre" RS : 2.14.2

p. 111 et 196, RS: 1.32, la strophe 5 selon Varenne parle de Vrtra, le (Dragon) sans épaules : "comme un tas de branchage, taillés à la hache, (l'ennemi) gisait, affalé sur le sol."

MessagePosté: Mar 27 Nov, 2007 11:29
de Matrix
Nantosuelta, dont le nom en protoceltique donnerait *nanto-swel-ta "qui [se] tourne [dans la] vallée" ou "vallée retournée", est la parèdre de Sucellos.
bj Mattheus ...et les autres
pourrais tu m'expliquer le symbolisme de nanto-suel-ta = celle qui se retourne dans la vallée/vallée retournée (?) = qui retourne dans la vallée ?
moi j'avais deux autres explications étymologiques qui ne voulaient pas dire grand chose
Nanto-su-uel-ta = bonne vue = su-uel :arrow: suel (?)
Nanto-suel-ta = qui ensoleille la vallée (?) = val ensoleillé ?

Re: justement le féminin...

MessagePosté: Lun 24 Déc, 2012 18:12
de Matrix
Je reprends un vieux topic
Nantosuelta, dont le nom en protoceltique donnerait *nanto-swel-ta "qui [se] tourne [dans la] vallée" ou "vallée retournée", est la parèdre de Sucellos.
Après réflexion
Je proproserai une étymologie nouvelle à Nanto-Suel-Ta
Nanto-Suel-Ta
En I.E :
Nant- : Oser/se risquer/Risquer/
Suel-
* Brûler
* Mais aussi Fondation... avec déclinaison en Sel- : ne voit-on pas une maison avec cette divinité ?
-Ta
Terminaison désignant un verbe d'action cf Ro-Smer-Ta

mais le tout ne donne pas grand chose = celle qui se risque à bâtir/fonder ? :oops:

Re: justement le féminin...

MessagePosté: Mer 26 Déc, 2012 23:04
de Alexandre
D'accord pour *swh2el- = brûler (latin sulfur, grec αλέα = chaleur, etc.), mais d'où sors-tu *nant = oser ?

Re: justement le féminin...

MessagePosté: Jeu 27 Déc, 2012 0:46
de Matrix
aïe oui pardon je n'ai pas citer mes sources
ici
http://dnghu.org/indoeuropean.html
en traduisant approximativement :
Nant-
Oser/Risquer/Se risquer/Se hasarder/S'aventurer
Ancien Irlandais Néit = combat/lutte (*Nanti-). Gotique Ana-nanþjan, Islandais Nenna/Nennin, Vieil Haut Allemand Nand/Ginand/Ginenden (cf Ferdi-nand). Ancien Saxon ? Nāthian/NēÞan/Nōð (courage). Moyen Haut Allemand Genende (aiguisé/Tranchant/Désiraux/Avide/Empressé)

le problème c'est que je n'ai pas trouvé de correspondance en celtique/Néoceltique pour *Nanti = combat
Ancien Irlandais Néit pourrait correspondre à un Celtique Neto- qu'on retrouve chez les Celtibères Théonyme Neto dieu de la guerre ?
De plus tous les Toponymes Nanto- conduisent à une traduction de "vallée"
pareil pour les noms de personnes.... excepté peut être pour un EPALUS VORONANTOS
segmenté en Uor-(o)-Nantos (Au Dessus de la vallée ?) ou Uo-Ro-Nantos ?

Re: justement le féminin...

MessagePosté: Dim 26 Jan, 2014 17:16
de Bituitos
Latha math
J'ai autre chose à propos de l’étymologie de Nantosuelta, je vais vous citer un passage tel quel de Philippe Jouët dans son Dictionnaire de la mythologie et de la religion celtique (2012)

"Natosuelta est un composé régressif. Pour d'Arbois de Jubainville le premier élément est un Ct (celtique) *nantos "combat", qui a donné le vIr (vieil irlandais) Néit*, nom du dieu de la guerre des Irlandais. Si le second élément est *swel- "tourner", Nantosuelta est une déesse "qui retourne le combat", ce qui rappelle les qualificatifs rgvédiques de l'Aurore* "qui écarte les hostilités" (1.113.12)"

Je ne sais pas ce que vous en pensez, l'astérisque avant le mot indique une forme reconstruite. Arbois de Jubainville est un celtologue français du XIXème siècle, je pense que c'est une source sûre (je l'espère) (Il semble être du même avis que matthaeus en ce qui concerne swel- qui voudrait dire "tourner") (en revanche un topic entier pourrait être destiné à la conceptualisation de l'Aurore chez les I.E puis chez les Celtes et les autres mythologies) (oui j'aime les parenthèses :s44: ).
Quand il dit que Néit est un nom du dieu irlandais de la guerre il le rapproche du Mars Neto chez Macrobe.

Nantosuelta = peut-être donc "qui retourne le combat" ou "qui écarte les hostilités"

Re: justement le féminin...

MessagePosté: Mer 29 Jan, 2014 23:06
de Matrix
Nantosuelta = peut-être donc "qui retourne le combat" ou "qui écarte les hostilités"

super trouvaille bravo Bituitos
mais cela ne semble pas correspondre avec les attributs de cette déesse mentionnés plus haut ?