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Les Arpétars

MessagePosté: Jeu 13 Nov, 2008 18:36
de Jacques
Les Arpétars auraient été le peuple pré-indoeuropéen des Alpes, selon cet article :
Dans les Alpes, persiste le souvenir d’une population mystérieuse et ancienne qui tenait les sommets montagneux. Selon Joseph Henriet, ce peuple serait appelé par erreur « sarrasin » et il rappelle que d’autres populations déterminées se virent aussi attribuer différents noms : « Dans le canton du Valais et dans la région de Suse, les Sarrasins ont été baptisés Maures, Hongrois, Huns et Païens. A Arles, ces ennemis de la chrétienté furent appelés indistinctement païens ou Sarrasins, à Grenoble Maures ou infidèles, à Pedona (l’actuel Bourg Saint-Dalmas) Agarènes et, en Ligurie, Möi » (Henriet, 2002 : p.11)...
La seule remarque qu’on puisse formuler à ce stade concerne l’indoeuropéanisation des populations alpines aborigènes qu’Henriet semble relativiser. En effet, on ne peut pas mettre de côté l’implantation et l’enracinement des celtes, plus particulièrement les Allobroges et les Helvètes, tous deux d’ascendance indoeuropéenne. En ce qui concerne la théorie postulant la présence d’une population pré indoeuropéenne, cette hypothèse peut être difficilement mise en doute dans la mesure où Joseph Henriet nous livre de solides arguments. Cette population que l’on a appelé « Sarrasins des montagnes » a été confondue à tort avec les « sarrasins des mers ». Il est plus juste de la désigner sous le terme d’arpétare étant donné que sa langue était l’arpétara. Joseph Henriet nous explique qu’ « Arpétar est un mot d’origine néolithique (préindoeuropéenne) qui se décompose ainsi : AR signifie rocher, PE = sous et TAR = habitant. Les Arpétars étaient donc ceux qui habitaient sous les rochers, les montagnards. Premiers occupants de nos montagnes, ils s’expriment en arpétara. Le groupe des langues néolithiques auquel cet idiome appartenait marquait une nette évolution par rapport à la langue des chasseurs européens du Paléolithique et du Mésolithique composée tout au plus de quelques centaines de mots. Avant que ne se forment et que ne s’y imposent les langues indo-européennes, elles étaient les seules en usage sur la plus grande partie de notre continent et l’une des variantes, l’euskara, est encore parlée de nos jours par les Basques. Dans les Alpes, l’arpétara a disparu bien plus tard que dans la plupart des régions européennes, sans doute au début du dernier millénaire, vers le XIème siècle » (Henriet, 2002 : p.13). Quant au territoire de ce peuple, l’Arpitanie, il se situe dans « …la partie nord-occidentale des Alpes où la langue franco-provençale est restée vivante, région qui comprend grosso modo la Savoie, le canton du Valais et le Val d’Aoste » (Henriet, 2002 : p.122).
Selon Joseph Henriet, les arpétars furent les ancêtres des Salasses qu’évoquait Appien durant l’Antiquité : « Mais ce furent surtout les Salasses qui procurèrent des ennuis à Auguste, avec les Japides transalpins et encore les Ségestes, les Dalamates, les Dèses et les Péons qui sont établis loin des Salasses, lesquels habitent les sommets des Alpes, montagnes d’accès difficile offrant une seule voie de transit, étroite et accidentée ; pour ces raisons, ils étaient encore indépendants et ils prétendaient imposer des péages à ceux qui passaient à travers leurs terres » (Henriet, 2002 : p.14). De manière générale l’auteur pense « qu’une indéniable identité de comportement et certainement aussi une relative homogénéité culturelle et ethnique caractérisaient les habitants des Alpes depuis la préhistoire » (Henriet, 2002 : p.14). Parallèlement, il relativise l’apport celte en affirmant que pour les Romains, la population alpine était « distincte donc des gaulois de Gaule Cisalpine (l’actuelle Italie du Nord ou Padanie) ou transalpine (la France d’aujourd’hui) » (Henriet, 2002 : p.14). Si cette relativisation de l’apport celte est sujette à débat, il n’en reste pas moins que la thèse d’Henriet reste séduisante notamment à la lumière des chroniques antiques. Live aurait distingué les celtes vivant dans les plaines (à savoir les Allobroges, Insubres et Helvètes) des « montani galli » (Gaulois des montagnes) appelés encore « gentes alpinae » (peuples des Alpes). Polybe relatait de son côté qu’ « Après ces évènements, les Gaulois restèrent pendant un temps engagés dans des guerres civiles ; quelques populations alpines se réunirent pour opérer des expéditions contre eux, car elles étaient jalouses du bien-être qu’ils avaient atteint, qui contrastait avec leurs misérables conditions de vie » (Henriet, 2002 : p.15).

MessagePosté: Jeu 13 Nov, 2008 19:49
de Matrix
les Arpétars.... un sujet ...fumant :53: :84:

MessagePosté: Jeu 13 Nov, 2008 20:14
de Jacques
Matrix a écrit:les Arpétars.... un sujet ...fumant :53: :84:

Vaut mieux ça que fumeux... ou explosif :104:

MessagePosté: Ven 14 Nov, 2008 12:28
de Euriel
Bonjour à tous,

Merci à Jacques d'avoir lancé le sujet. Je conseille à tout le monde de lire la source initiale.

A propos de la source principale des passages cités par Jacques :
wikipedia, article J. Henriet a écrit:Joseph Henriet crée dans la lancée un groupe politique, le Movament Harpitanya (Mouvement Arpitanie). De tendance maoïste, ce parti prône la libération nationale et sociale de l'Harpitanie. Il s'agissait plus particulièrement de la Haute-Arpitanie (Savoie, Valais et Val d'Aoste).

Ce n'est pas forcément un vice d'être nationaliste ou maoïste, je ne prendrai pas position là-dessus, mais quand cela altère le jugement et oriente les thèses - prétendument scientifiques - avancées : ça pose quand même un certain nombre de problèmes.

L'idéal serait de pouvoir consulter dans son ensemble l'ouvrage de Mr. Henriet (Nos ancêtres les Sarrasins des Alpes), mais la lecture totale du lien communiqué donne déjà un bon aperçu des thèses qui y sont développées :
- Minimisation d'une influence dite "indo-européenne" (représentée par les Celtes) dans les Alpes.
- Insistance sur la continuité du peuplement dans les Alpes depuis le néolithique permettant de constituer et de légitimer un cadre nationaliste. Les "Arpitars" (Salasses), les Ligures, les Rhètes et même les Basques et les Etrusques (en partie) sont tous présentés comme apparentés et représentant un groupe "pré-indo-européen" par opposition aux "indo-européens".
- Tentative de démonstration du caractère profondément autonome et insoumis des "Arpitars". Insistance sur leur rejet durable du christianisme et sur leur sens inné du collectivisme et de l'entraide.

@+

P.S. : L'auteur a bien fait de reprendre le terme "Sarrazin" dans le titre de l'ouvrage, parce qu'à part une utilisation massive de celui-ci pour qualifier tout et n'importe quoi à l'époque médiévale, il n'y a pas grand chose qui plaide en faveur de la justesse des thèses défendues.

MessagePosté: Ven 14 Nov, 2008 13:08
de Euriel
Joseph Henriet nous explique qu’ « Arpétar est un mot d’origine néolithique (préindoeuropéenne) qui se décompose ainsi : AR signifie rocher, PE = sous et TAR = habitant. Les Arpétars étaient donc ceux qui habitaient sous les rochers, les montagnards.

Si l'auteur possède un dictionnaire de langue "arpétara" néolithique, il serait bien qu'il se décide à le dévoiler au grand public. Cela nous éviterait peut-être de croire que Genève pourrait porter un nom celtique alors que, selon Mr Henriet, le mot signifie "la ville sous les montagnes" (gan = "montagne", "pe" = sous) en langue "arpétara".

Le groupe des langues néolithiques auquel cet idiome appartenait marquait une nette évolution par rapport à la langue des chasseurs européens du Paléolithique et du Mésolithique composée tout au plus de quelques centaines de mots.

Là encore, l'auteur doit disposer de sérieux éléments pour avancer de tels "arguments"...

Il y a tout un tas de passage qu'on pourrait discuter. J'aime bien celui-ci où l'auteur nous présente un roi de "Haute-Arpitanie"...portant un nom tout ce qu'il y a de plus gotique :
Au VIème siècle existait aussi un roi de « Haute-Arpitanie » dénommé Sisuald et qui fut l’ancien commandant des mercenaires arpétars appelés Brets ou Brents qui servirent l’empereur Romulus Augustule (Henriet, 2002 : p.27).


Enfin, aux férus de mythes arthuriens, voilà de quoi éclairer vos lanternes :
La légende du Graal, souvent vue comme un mythe celte mélangeant paganisme et christianisme comporte cependant de nombreux éléments nous permettant de croire que ce mythe a un fort caractère alpin (Batfroi, 1981 : p.159). Louis Charvet a en ce sens montré que ce mythe européen était intimement lié au folklore valdôtain : la légende « celte » se serait greffée sur le « Grant Estoire dou Graal », un manuscrit ayant appartenu à Robert de Boron et qui fut rédigé par Gautier de Montbéliard (Batfroi, 1981 : p.161). Avalon ne devrait pas être vue comme une île ou associée à Glastonbury mais plutôt comme un territoire défini des Alpes : en effet, l’œuvre se référait notamment à un personnage liant l’Angleterre et les « Vaux d’Avalon » (Batfroi, 1981 : p.161). Ce personnage est Saint Hugues, le célèbre évêque de Lincoln et qui était originaire d’Avalon en Isère, si l’essence du mythe est alpine, son développement ultérieur ne l’est plus (BatfroiLouis Charvet et Séverin Batfroi ajoutent que ce mythe a une expression artistique populaire en Val d’Aoste., 1981 : p.163). Après s’être intéressé aux réflexions de René Guénon et Julius Evola sur le sujet, Batfroi nous montre par l’étymologie et l’étude de l’art populaire le lien unissant ce mythe au Val d’Aoste : « Les plus récents documents sur les traditions locales du Val d’Aoste (d’où était issu Saint Anselme, archevêque de Cantorbéry), rapporte pertinemment Louis Charvet, rattachent à la même racine que le mot Graal le mot « grolle » qui désigne un « vase à boire » dont la forme s’apparente le plus souvent à celle d’un ciboire, c’est-à-dire la forme que revêt le Saint-Graal dans les miniatures ou mises au tombeau des XIVème et XVème siècles » (Batfroi, 1981 : p.169). De plus, les études de J. Brocherel ont montré que vers les XIVème et XVème siècles la grolle était une coupe précieuse (Batfroi, 1981 : p.169). La grolle rappelle le calice et son utilisation est liée à un rituel social, elle est un objet de fête ou destiné aux occasions et invités spéciaux (Batfroi, 1981 : p.170-176). La grolle se passe de convive en convive et représente ainsi l’idée de partage au cours d’agapes (Batfroi, 1981 : p.170-176). Dans les Alpes, ce terme se retrouve en différents endroits et sa fonction est quasi-identique : c’est un récipient non ordinaire et dont le contenu est jugé précieux (Batfroi, 1981 : p.170-176). On l’appelle « graoula » en Valais, « groula » ou « groulon » en Vaud, « grâla » en Maurienne et « groula » à Fribourg (dans ce dernier cas il s’agit d’une sorte de tirelire) (Batfroi, 1981 : p.170-176).

MessagePosté: Ven 14 Nov, 2008 13:22
de Jacques
Bonjour, Euriel,

Je soumettais simplement cet article à la sagacité des participants au forum ; il est intéressant de pouvoir identifier les théories farfelues pour les refouler au besoin. Le cas d'Alésia en est un bon exemple.

MessagePosté: Ven 14 Nov, 2008 13:35
de DT
Salut à tous,
Je ne sais pas si c'est le même site, mais j'ai trouvé ça :
arpétar
Et encore celui-ci, mais en Italien :

A+ :P

MessagePosté: Ven 14 Nov, 2008 13:51
de Euriel
Bonjour,

Jacques a écrit:Je soumettais simplement cet article à la sagacité des participants au forum ; il est intéressant de pouvoir identifier les théories farfelues pour les refouler au besoin. Le cas d'Alésia en est un bon exemple.

Cette démarche est absolument pertinente et le débat qui s'ensuit particulièrement intéressant.

DT a écrit:Je ne sais pas si c'est le même site, mais j'ai trouvé ça :
arpétar.

C'est effectivement l'ouvrage de Joseph Henriet.

@+