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Le De Excidio de Saint Gildas -morceaux choisis et commentés

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Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice

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2 messages • Page 1 sur 1

Le De Excidio de Saint Gildas -morceaux choisis et commentés

Messagede Agraes » Dim 26 Oct, 2008 21:11

Une synthèse que j'ai "publiée" récemment sur le forum de l'antiquité tardive.
http://magister.olympe-network.com/foru ... f=39&t=126

Le De Excidio de Saint Gildas
Morceaux choisis et commentés.


INTRODUCTION
Le De Excidio Britanniae ("Décadence de la Bretagne) de Saint Gildas constitue une des sources majeures de l'étude de la société et de l'histoire brittonique des Ve et VIe siècles, à vrai dire il s'agit de la seule source contemporaine et autochtone pour la période, avec les écrits de Saint Patrick pour le milieu du Ve siècle.
Mais le texte de Gildas n'est pas une chronique. C'est avant tout une critique virulente de la société brittonique du VIe siècle, écrite dans un latin très alambiqué et utilisant de nombreuses citations bibliques, notamment celles des prophètes. La véhémence de Gildas s'abat sur les rois bretons, comme Maelgwn de Gwynedd ou Constantin de Domnonée, leur reprochant les crimes qu'ils ont accomplit pour accaparer le pouvoir ou le conserver. Gildas dénonce leur violence, mais aussi les prêtres impies de la Britannia, et ses juges perfides. Il invective aussi les Bretons pour leur lâcheté et pour lui, les Saxons impies sont le fléau que Dieu leur a envoyé. D'où une tendance certaine à l'exagération.
Gildas est cependant une source très précieuse. Le vocabulaire qu'il utilise, son éducation même sont une preuve que la Britannia du VIe siècle possède toujours une structure tardi-romaine - en partie au moins - avec son administration, l'usage du latin par les élites, etc.

Si l'on en croît ses vitae médiévales, Gildas, né à la fin du Ve siècle aurait été issu de la famille royale d'Alt Cluid, l'un des royaumes bretons du nord qui deviendra le Strathclyde à une époque ultérieure avant d'être incorporé à la couronne d'Ecosse au XIe siècle. Kenneth Dark pense lui qu'il a vécu dans le sud-ouest de l'Ile de Bretagne, peut être chez les Durotriges. Il fut en tout cas probablement formé à Llanilltud Fawr dans le sud-est du Pays de Galles actuel, par Illtud lui-même (qui aurait lui même été l'élève de Germanus d'Auxerre), aux côtés d'autres célèbres saints bretons comme Samson ou Paulus Aurelianus.
Par la suite, il se serait installé sur le continent, fondant l'abbaye de Rhuys dans l'actuel Morbihan. C'est peut être là qu'il rédigea son De Excidio, vers 530-540 après JC.

Voici donc quelques extraits de son récit, issus de la traduction de Christiane Kerboul-Vilhon, aux Editions du Pontig. Ces extraits que je choisis ici sont entre autres intéressants de part leur contexte militaire. J'inclus également quelques "morceaux choisis" comme le passage sur Ambrosius, laissant par contre de côté une large partie du texte qui pourra faire l'objet d'une autre synthèse.

Le texte étant découpé dans la traduction pour plus de facilité à la lecture, mais pas l'original.

HISTOIRE DE LA BRETAGNE

(p25) III, 2 "Vingt-huit cités et quelques places fortes, avec murs, tours, portes monumentales, édifices solidement implantés dont le faîte monte à une hauteur effrayante."

On retrouve cette liste de 28 cités dans l'Historia Brittonum, du IXe siècle, dont le moine Nennius fut l'un des compilateurs. Le fait est que la vie continue dans les villes romaines de Britannia, du moins une partie d'entre elles.

(p26) IV, 3 "Je ne citerai le nom ni des montagnes, ni des collines, ni des fleuves ; ceux-ci jadis funestes et objets de cultes païens de la part d'un peuple aveugle, servent maintenant utilement les intérêts des hommes."

S'il est bien un reproche que Gildas ne fait pas aux Bretons, c'est le paganisme. A cette époque (première moitié du VIe siècle), tous sont largement chrétiens.

(p26) IV, 4 "Je ne pourrai pas utiliser des documents écrits dans notre patrie ; s'il y en a eu, ils ont été brûlés dans les incendies allumés par les ennemis ou emportés au loin par la foule de nos compatriotes en exil. J'exploiterai les témoignages recueillis de l'autre côté de la mer et encore ceux-ci ne sont ils pas très clairs, car ils sont souvent interrompus par maintes lacunes."

On a ici dès le VIe siècle un témoignage sur la lacune relative des sources. Les ravages des guerres saxonnes, et l'effondrement du pouvoir central n'avaient certainement pas contribué à faire une priorité de la conservation de certains textes. Gildas se rabat donc sur les sources continentales, peut être ces textes emportés par les Bretons ayant traversé la Manche.

(p30) XIV, 1 "la Bretagne fut privée de toute son armée, de ses ressources militaires, de ses rois (même s'ils étaient cruels), de son immense jeunesse qui avait accompagné cet usurpateur dont je viens de parler et n'était jamais revenue chez elle."

Passage concernant l'expédition de Maxime sur le continent. Gildas est très reproche envers ce dernier et le traite d'ailleurs de tyran dans la lignée des rois bretons de son temps. On peut ressortir deux attitudes opposées quand à Maxime et par la suite Constantin III. D'un côté une admiration certaine : le premier sous le nom de "Macsen Wledig" se retrouve en tête de plusieurs généalogies galloises, sans doute parce qu'il contribua à installer les ancêtres à la tête de tel ou tel territoire ; il sera un héros particulièrement aux yeux des Bretons Armoricains par lesquels il est regardé comme un "père fondateur" avec son lieutenant - nettement moins attesté historiquement - Conan Meriadec. Le nom du second sera très prisé dans la lignée royale de Domnonée insulaire, alternant avec celui de son magister Gerontius, d'ailleurs le roi contemporain de Gildas se nommait justement Constantin. Et pourtant, c'est l'administration de Constantin III qui fut chassé par les Bretons, ce dernier ayant été proclamé empereur pour rétablir la situation en Bretagne mais la délaissant par la suite, bloqué par la situation en Gaule...
On voit par ailleurs que Maximus fut accompagné de rois bretons, sans doute ceux des franges occidentales restées assez "barbares" et avec une autonomie relative.

(p31), XVI "Alors les ennemis de toujours traversent, portés par les ailes de leurs rames, les bras de leurs rameurs et les voiles gonflées par le vent."

Gildas fait ici référence aux Irlandais (ou Scotti) et aux Pictes.

(p32), XVIII, 1 "Les Romains avertirent alors notre patrie de ce qu'ils ne pouvaient plus être si souvent dérangés pour des expéditions aussi pénibles. Les enseignes romaines, une armée d'une telle importance et d'une telle qualité ne pouvaient plus s'épuiser, sur terre et sur mer, pour des brigands errants et inaptes à la guerre. Ils font la leçon aux Bretons : qu'ils s'habituent aux armes et qu'ils combattent virilement pour défendre avec toute leur énergie leur terre, leurs biens, leurs femmes et leurs infants, et ce qui est plus important encore, leurs liberté et leur vie."
"Mais qu'elles soient équipées de boucliers (peltis), d'épées (ensibus) et de javelots (hastis) et décidées à tuer."
2 "Ils leurs donnent des conseils d'énergie et leurs laissent des modèles d'armes à fabriquer (exempla instituendorum armorum reliqunnt)."


On se situe ici lors de l'expédition ordonnée par Stilicho en 398, la dernière expédition de forces romaines sur l'île... A moins qu'il ne s'agisse de celle de Théodose l'ancien, avant l'usurpation de Maxime. Gildas n'est pas clair sur la chronologie des événements, d'ailleurs dans ce même passage il parle de l'édification du mur d'Hadrien et des forts du Litus Saxonicum. Les historiens pensent à une rénovation de ces fortifications.
Il est aussi fait référence de manière indirecte à l'édit d'Honorius, en 410, où l'empereur somme les Bretons de s'armer et de se défendre seuls. Des instructeurs étaient ils présents pour former des troupes sur place et des ingénieurs pour les équiper ? C'est plus ou moins ce que laisse sous entendre ce passage. A noter la petite erreur de traduction, avec javelots pour hastis au lieu de lance.

(p32-33)XIX, 1 "des bandes de Scots et de Pictes horribles traversent les vallées océanes et débarquent en raids de leurs coracles."
"Quelque peu différents par les moeurs, ils communient dans le même désir de répandre le sang ; ils couvrent davantage leurs visages de cheveux et de barbe que de vêtement les parties honteuses de leurs corps et ce qui les entoure."
"ils prennent aux milices indigènes toute la région située à l'extrême nord du pays, jusqu'au mur."


Après cette abandon des Romains, les Bretons se retrouvent laissés à eux-même. En Irlande, c'est le règne de Niall Noígíallach, ancêtre des Ui Neill. Niall arma probablement les Pictes et fut à l'origine des violentes attaques sur la Britannia au début du Ve siècle.

(p33)XIX, 2 "Une force armée est bien cantonnée au sommet des tours. Mais elle est lente à combattre, incapable de fuir, rendue inefficace par la panique qui fait palpiter les coeurs et tourmentée de jour comme de nuit par ce sièges qui les hébétait. Car, pendant ce temps, les flèches recourbées des hommes nus ne leur laissaient pas de répit (interea non cessant uncinata nudorum tela) et arrachaient des murailles nos malheureux compatriotes (cives) qui s'écrasaient sur le sol."

Les troupes bretonnes semblent échouer à repousser les barbares. On a ici plutôt référence à des javelots barbés qu'à des flèches il me semble. Une analogie avec les angons germaniques, une arme usitée par les Gaels ?

(p33), XX, 1 "A Agitius, consul pour la troisième fois, les gémissements des Bretons [...]
les barbares nous repoussent vers la mer, la mer nous repoussent vers les barbares ; il ne nous reste plus qu'à choisir entre ces deux genres de mort : être égorgées ou noyés."


Gildas cite ici la lettre que les Bretons envoient à Flavius Aetius (et non pas Aegidius) lors de son troisième consulat, réclamant une intervention militaire. Ils n'obtiendront pas de troupes, mais recevront cependant une certaine aide que Gildas ne mentionne pas. C'est l'époque du premier voyage de Germanus d'Auxerre en Bretagne insulaire, et si l'on en croit sa vie écrite peu de temps après sa mort, il lutta contre l'hérésie pélagienne mais organisa aussi les défenses contre les barbares. Germanus était un homme d'église, certains pensent qu'il fut avant dans sa vie le duc du Tractus Armoricanus, il eut en tout cas des relations ténues avec l'Armorique, et ce n'est certainement pas un hasard si c'est lui qui fut envoyé en Britannia...

(p34), XX, 2 "ceux là au contraire se soulèvent, postés au sommet des montagnes, dans les grottes, les landes et les buissons."
3, "Alors pour la première fois ils infligèrent des pertes à l'ennemi"
"Pour un temps l'audace des ennemis se calma."


Référence donc aux succès rencontrés contre les barbares.

(p34), XXI, 1 "Ces impudents brigands irlandais rentrèrent chez eux, mais c'était pour revenir peu de temps après. Les Pictes, pour la première fois, et définitivement depuis lors, s'installèrent à l'extrémité de l'île ; ils commettaient de temps en temps pillages et destructions."

(p34), XXI, 2 "après ces catastrophes, l'île regorgea d'une telle abondance de biens que, de mémoire d'homme, aucune époque n'en avait connu de semblable."

La paix revient en Britannia, pour un temps du moins...

(p36), XXIII, 1 "Alors tous les conseillers et leur orgueilleux roi (superbus tyrannus) furent aveuglés en même temps lorsqu'ils choisirent le recours suivant pour sauver, ou plutôt détruire, la patrie : pour repousser les peuples du Nord, on ferait venir dans l'île, comme des loups dans la bergerie, les féroces Saxons, au nom maudit, haïs des hommes et de Dieu. On ne fit certainement, nulle part, rien de plus pernicieux ni de plus amer que cela."

C'est à Vortigern (sans doute le superbus tyrannus que mentionne ici Gildas) que l'on attribue l'invitation des Saxons en Britannia, en qualité de fédérés, pour lutter contre Pictes et Gaels, et probablement contre des rivaux bretons. En effet de nombreuses levées de terre marquent alors les frontières entre civitates britto-romaines, suggérant une fragmentation politique et des conflits.
Gildas a beau dire, on fit cela ailleurs. On a ici un exemple clair de dirigeants romains invitant un peuple barbare à s'installer sur ses terres, des barbares qui se rebelleront par la suite et s'empareront - en partie - du pouvoir.
Dans la seule Britannia, l'archéologie permet de mettre en évidence des communautés germaniques qui continueront à servir les Bretons encore assez longtemps. Beaucoup furent oubliées, certaines se soulèveront plus tardivement et deviendront des royaumes importants comme la Bernicie ou le Wessex...

(p36), XXIII, 3 "Alors la meute de ces chiens bondit hors de l'antre de la lionne barbare, transporté sur trois chioules (cyulis), comme on dit dans leur langue, sur des navires de guerre (longis navibus), comme on dit dans la nôtre."

On a ici trace de la légende de l'adventus saxonum : le chef saxon - s'agit il d'Hengest s'il a existé ? - arrive avec un petit nombre de navires, et massacre quantité de Bretons. Éléments intéressants, Gildas nous donne les noms des navires en langue germanique et la correspondance en latin. Le terme brittonique pour la flotte étant llong.

(p36-37), XXIII, 4 "Sur ordre du funeste roi ils enfoncèrent d'abord leurs griffes terribles dans la partie orientale de l'île, soi-disant pour défendre la patrie, en réalité pour la combattre plus sûrement. En apprenant le succès de la première expédition, la genitrix, dont je parlais plus haut, envoie un autre corps d'armée, plus important encore, de ses chiens de soldats (satellitum). Transportés par bateaux, ils viennent se joindre aux autres unités de mercenaires (manipularibus spuriis)."

Vocabulaire militaire, Gildas parle ici d'unités/manipules.

(p34, XXIII, 5 "les barbares introduits dans notre île demandent qu'on les approvisionne en vivres (annonas) : ce sont, disent-ils mensongèrement, des soldats (militibus) prêts à s'exposer à de graves dangers pour défendre leurs véritables hôtes. On le leur accorda, et pour plusieurs années, cela ferma, comme on l'a dit, la gueule du chien. Mais, de nouveau, en travestissant la vérité à propos d'événements accidentels, ils se plaignent que les provisions (epimenia) qu'on leur fournit sont insuffisantes. Ils déclarent que si on ne leur accorde pas de stock plus généreux (profusioreis munificentia), ils dénonceraient le pacte (foedere) et ravageraient entièrement l'île. Ils mettent sans délai leurs menaces à exécution."
2 "pendant que les poignards (saxa) étincelaient de toute part et que les flammes crépitaient"


Un passage très intéressant quand à son riche vocabulaire militaire. On relève entre autres les termes de milites, d'annona, d'epimenia et de munificentia, ainsi que la notion très importante d'un foedus avec les barbares.
Plus loin Gildas nous parle clairement de seax, poignards germaniques...

(p38), XXV, 1 "D'autres émigraient de l'autre côté de l'Océan, avec beaucoup de tristesse ; sous les voiles gonflées ils chantaient non des refrains de marins mais ce psaume [...]"
"D'autres enfin, persistaient, l'esprit toujours en alerte, à rester dans la patrie ; ils confiaient leur vie aux hautes cimes menaçantes et escarpées, aux forêts les plus épaisses et aux rochers de la côte, comme si c'étaient des retranchements."


Passage intéressant quand à l'exil des Bretons sur le continent, ici chassés par les Saxons. Une hypothèse - complémentaire avec les autres - des causes de l'implantation des Bretons sur le continent !

(p38), XXV, 3 "Ambrosius Aurelianus devint leur chef. C'était un homme vertueux, le seul des Romains à avoir, par hasard, survécu au choc d'une telle tempête : ses parents qui avaient aussi portés la pourpre avaient sans doute été tués. De nos jours, ses descendants ont beaucoup dégénéré de la vertu de leurs aïeux. Sous son commandement, les Bretons reprennent des forces et provoquent les vainqueurs au combat. Dieu les approuvent, aussi ont-ils la victoire."

Gildas ne donne pas beaucoup de noms, et ne mentionne pas Arthur par ailleurs ce qui est parfois considérée comme une preuve de sa non-existence - mais le fait même que Gildas soit si avare en noms doit amener à prendre une telle affirmation avec prudence !
Il ne tarit cependant pas d'éloges sur la personne d'Ambrosius Aurelianus, visiblement descendant d'une puissante famille romaine. Ambrosius prit donc la tête de la lutte contre les barbares. Un personnage très actif et très important pour la période, sans doute "le" grand roi des Bretons.

(p38), XXVI, 1 "A partir de là ce sont tantôt nos compatriotes, tantôt les ennemis qui l'emportent [...]. Ceci dura jusqu'à l'année du siège du mont Badon, le dernier massacre peut être des brigands, mais non le moindre. Ceci se passait, à ma connaissance, il y a quarante-trois ans et un mois passés. C'était aussi l'année de ma naissance."

L'un des passages les plus célèbres du De Excidio Britanniae, permettant de dater la bataille du mont Badon dans la fin du Ve siècle, et non au début du siècle suivant. Suivant les hypothèses on aurait entre 480 et 500.
Gildas n'est pas clair sur le fait que ce soit Ambrosius qui ait mené les Bretons à cette victoire finale, laissant la place potentielle à un successeur. S'agissait il d'Arthur ?
Une chose est certaine : Badon est un coup très dur pour les barbares qui ne s'en remettront pas avant la seconde moitié du VIe siècle. Leurs implantations les plus puissantes se retrouvent décapitées, et les Bretons prendront sans doute le pouvoir sur de plus petites colonies.

ADMONESTATION AUX ROIS DE BRETAGNE

(p41), XXVII "ils portent aux nues, aussi haut qu'ils peuvent, leurs compagnons sanguinaires, orgueilleux, meurtriers et aussi adultères, ennemis de Dieu[...]"

Passage intéressant sur les relations entre les rois bretons et leurs suites. On est ici très proches de la truste germanique. Il s'agit de la teulu brittonique, littéralement "famille".

(p42), XXVIII, "deux jeunes princes et de leurs deux gardes"
"il les a déchirés de sa lance (hastaque) et de son épée (ense) impies [...]"


A propos de Constantin de Domnonée, coupable du meurtre de ses neveux dans une église.

(p47), XXXIV, 6 "Tes bardes les claironnent, de leur voix délirante, tandis que leur salive de fieffés menteurs postillone sur tous ceux d'alentours."

Les rois (ici Maelgwn de Gwynedd) entretiennent des bardes à leurs cours, chantant leurs louanges et dévalorisant leurs adversaires. Le corpus poétique gallois fourmille d'exemples pouvant illustrer ce propos.

(p52), XXXVIII, 5 "Que tous ces méchants ne s'applaudissent pas parce qu'ils ne font pas de sacrifices patents aux dieux païens."

Encore une preuve que les Bretons contemporains de Gildas sont chrétiens.

ADMONESTATION A L'EGLISE DE BRETAGNE

(p73), LXV, 1 "et ma tête, comme d'un casque (galea)"

(p80), LXXII, 2 "Il put voir alors la montagne couverte d'une armée céleste de troupes auxiliaires (auxiliarum), armées de chars et de cavaliers (armatorum curuum seu equitum [...]"

Un peu de vocabulaire martial.

Benjamin Franckaert
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Letavia - Troupe de reconstitution des Bretons armoricains aux alentours de l'an 500.

Benjamin Franckaert (Agraes/Morcant)
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Re: Le De Excidio de Saint Gildas -morceaux choisis et comme

Messagede André-Yves Bourgès » Lun 27 Oct, 2008 0:00

Agraes a écrit:Si l'on en croît ses vitae médiévales, Gildas, né à la fin du Ve siècle aurait été issu de la famille royale d'Alt Cluid, l'un des royaumes bretons du nord qui deviendra le Strathclyde à une époque ultérieure avant d'être incorporé à la couronne d'Ecosse au XIe siècle. Kenneth Dark pense lui qu'il a vécu dans le sud-ouest de l'Ile de Bretagne, peut être chez les Durotriges. Il fut en tout cas probablement formé à Llanilltud Fawr dans le sud-est du Pays de Galles actuel, par Illtud lui-même (qui aurait lui même été l'élève de Germanus d'Auxerre), aux côtés d'autres célèbres saints bretons comme Samson ou Paulus Aurelianus.
Par la suite, il se serait installé sur le continent, fondant l'abbaye de Rhuys dans l'actuel Morbihan. C'est peut être là qu'il rédigea son De Excidio, vers 530-540 après JC.


Bonsoir,

Ci-dessous le texte d'un article de vulgarisation concernant Gildas :


"Gildas, « le dernier Romain de l’île de Bretagne » (F. Kerlouégan), mérite-t-il encore le titre d’historien qui lui avait été accordé par les “antiquaires” du XIXe siècle ? A la suite de ces derniers, on a en effet avant tout cherché dans son ouvrage — De excidio Britanniae, « De la décadence de la Bretagne » (désormais cité DEB) — des informations relatives à l’histoire de l’île de Bretagne aux Ve-VIe siècles. Notons que seul cet aspect de témoignage contemporain parait avoir vraiment intéressé les historiens de la Bretagne continentale, parce qu’ils espéraient recueillir dans le DEB — au-delà de la rapide mention d’insulaires qui, fuyant leur pays où désormais les Saxons se comportaient en maîtres, « rejoignaient les régions d’outre mer » — des renseignements sur les circonstances de l’émigration bretonne en Armorique ; ils ne faisaient que suivre en cela le lointain exemple de Bède (+ 735) qui, au sujet des Pictes et des Scots, s’enquérait dans cet ouvrage de détails dont son auteur s’est montré particulièrement avare, alors même que la sobriété n’est pourtant pas la "marque de fabrique" du DEB. Le malentendu était donc de taille et allait s’avérer durable.

Le DEB est constitué de deux parties, précédées d’une introduction dans laquelle Gildas nous explique ses motivations et souligne que, du fait de son inexpérience, il a attendu plus de dix ans avant de composer cette lettre (epistola)— comprendre “lettre ouverte” — contenant une « courte monition » (admonitiuncula). La première partie consiste en la description de l’île de Bretagne suivie d’un résumé de son histoire depuis l’époque de la Conquête romaine : certains érudits (notamment A.W. Wade-Evans) ont supposé que cette partie proprement “historique” pouvait résulter d’une interpolation au VIIIe siècle ; mais leur hypothèse n’a pas été corroborée depuis. Pour écrire ce résumé, Gildas indique qu’il n’a pu utiliser la matière des monuments écrits de sa patrie — si tant est qu’ils existèrent jamais, prend-il la précaution de souligner — parce que tous ces documents avaient été soit la proie des incendies allumés par les ennemis, soit emportés au loin en bateau par ses concitoyens exilés ; mais il dit s’être servi de traditions recueillies outre mer, au demeurant pas très complètes, ni très claires. Cette désignation de sa source principale par Gildas a parfois été interprétée comme la preuve de son propre exil sur le continent : en tout état de cause, c’est bien ainsi que l’avait comprise, au XIe siècle, l’hagiographe du saint homonyme honoré à l’abbaye de Rhuys. La seconde partie du DEB fait quant à elle l’objet d’une subdivision entre deux textes clairement distingués par leur auteur, mais qui se situent sur le registre de l’admonitiuncula : l’un, qui s’adresse nommément à cinq rois contemporains de Gildas (Constantinus, Aurelius Caninus, Vortiporius, Cuneglasus, Maglocunus), flétrit la conduite et les méfaits des chefs laïques de l’île de Bretagne ; l’autre, explicitement présenté comme la suite du précédent, est dirigé contre les évêques, les prêtres et jusqu’à certains membres de l’ « ordre » (des diacres) auquel Gildas déclare appartenir.

Le récit qu’il fait des événements du passé et le témoignage que Gildas apporte sur son époque, dont les hypercritiques du début du XXe siècle (notamment F. Lot) n’ont eu aucun mal à dénoncer les imprécisions ou les incohérences, constituent la démonstration a contrario de ce que le propos du DEB n’est justement pas de nature historique ou “mémorialistique” ; ainsi, les emprunts manifestes à Orose (+ vers 418) ne relèvent pas seulement de l’anecdote ou du glossaire, ils sont aussi très largement “idéologiques”. Il faut par ailleurs admettre que cet ouvrage — du moins le prologue et la première partie — a constitué la seule source dont on s’est servi à Rhuys pour identifier son auteur avec le patron et fondateur supposé de l’abbaye, comme l’attestent, dans la vita la plus ancienne de saint Gildas [BHL 3541], les deux citations exclusives et littérales ainsi que la chronologie de la composition du DEB, que l’hagiographe adapte à son propos : les « frères religieux » de Gildas, qui réclamaient son retour dans l’île de Bretagne, vinrent le visiter au monastère de Rhuys dix années après son installation en ce lieu et c’est alors qu’il écrivit son « opuscule en forme de lettre » (epistolarem libellum) aux cinq rois de l’île. Cependant, on l’a vu, Gildas, à l’époque où il a écrivait la seconde partie du DEB, n’était pas (encore ?) moine, mais diacre, ce qui a échappé à l’hagiographe, peut-être parce que celui-ci ne disposait pas d’un manuscrit complet de cet ouvrage. Gildas a fait l’objet d’un nouveau traitement hagiographique, cette fois insulaire, par Caradoc de Llancarfan, qui était le contemporain de Geoffroy de Monmouth (+ vers 1155) : la vita en question [BHL 3542] consacre d’ailleurs une large place aux rapports supposés de Gildas, qualifié d’ « historien des Bretons », avec le roi Arthur, mais passe sous silence son éventuel séjour armoricain et nous le montre terminant sa vie comme ermite à proximité de l’abbaye de Glastonbury, où il avait écrit les « histoires des rois de Bretagne ». Cette tradition figure également dans le traité De Antiquitate Glastoniae Ecclesiae, composé vers 1135 par Guillaume de Malmesbury, mais qui n’est plus accessible aujourd’hui que dans une version du XIIIe siècle, largement interpolée.

La biographie “autorisée” de Gildas est donc réduite à l’unique indication qui figure dans la première partie parfois contestée du DEB — indication d’une précision étonnante, mais en même temps dérisoire : Gildas place sa naissance l’année du siège de Mont-Badon, dont malheureusement la date demeure encore discutée (vers le tournant des Ve-VIe siècles). Si la formulation ne laisse pas de doute sur la date de naissance de l’auteur, elle n’est pas suffisamment claire en revanche pour trancher si la rédaction du DEB doit être datée de la quarante-quatrième année de Gildas, ou si cet intervalle de quarante trois ans s’applique à la date du siège de Mont-Badon par rapport à quelque événement antérieur d’importance. On peut retenir, en tant que source externe quasi-contemporaine, les allusions de Colomban (Epist., I, 6 et 7), qui, tout en nous procurant un nouveau synchronisme — cette fois avec Finnian de Clonard (+ vers 550), à qui Gildas avait adressé une lettre dont on conserve encore, semble-t-il, quelques fragments — témoignent de la célébrité de l’auteur du DEB en son temps, ainsi que de la diffusion de son ouvrage vers la fin du VIe siècle. Ce qui est rapporté des cinq rois bretons à qui s’adresse la première admonitiuncula ne peut, en l’état actuel de la documentation disponible, faire l’objet de toutes les vérifications nécessaires ; la critique actuelle admet cependant l’historicité de ces différents personnages, ainsi que celle du vainqueur de Mont-Badon, Ambrosius Aurelianus, dont Gildas souligne que les descendants avaient, à son époque, beaucoup perdu de leur vertu ancestrale. Quant à la seconde admonitiuncula à l’encontre du clergé de l’Église de Bretagne, elle ne fournit aucun nom : prudence de l’auteur, désireux de ne pas brûler tous les vaisseaux de sa (future ?) carrière ecclésiastique, ou bien, plus vraisemblablement, nouvel indice que ce texte, loin de refléter la réalité, est en fait un exercice convenu destiné à illustrer un genre littéraire bien défini ?

Car Gildas est avant tout un “homme de lettres”, dont le style prolixe et parfois obscur témoigne en réalité d’une grande maîtrise de la langue latine et de son appropriation par un véritable auteur, pour qui la romanité, dans sa double dimension politique (l’Empire) et religieuse (le christianisme), constitue un summum indépassable. Le DEB est avant tout un “livre d’écrivain”, préparé de longue date et dont la spontanéité n’est sans doute pas la caractéristique principale : comment en effet résister plus de dix ans à un impérieux besoin de dénoncer les turpitudes de son temps, sauf à considérer que cette maturation est une étape nécessaire du projet littéraire que l’on a construit ? Certes, on a tenté d’interpréter (et en même temps d’expliquer) ce délai par des considérations relatives à l’âge de l’auteur du DEB : Gildas aurait en fait écrit ce texte autour de sa vingt cinquième année, ce qui rapporterait la première étape de ses réflexions lorsqu’il était âgé de douze, quinze ans, — trop jeune donc pour prendre la plume ; mais rien n’empêche de voir en lui un auteur plus mûr, largement quarantenaire même, si l’on retient l’une des traductions possibles du passage sur sa naissance. De même, si la “bibliothèque” de Gildas, inventoriée au travers des emprunts manifestes qui figurent dans son ouvrage, ne comprenait sans doute que quelques livres — ce qui, à nouveau, ne concorde guère avec l’hypothèse d’un travail de rédaction à l’intérieur d’une enceinte monastique, généralement bien dotée en manuscrits d’œuvres diverses — le DEB témoigne indirectement de l’influence de très nombreux auteurs, dont l’apprentissage a nécessairement demandé du temps.

Le bilan historiographique de Gildas peut être vite fait : si sa personnalité littéraire est désormais assez bien connue, le personnage historique demeure pratiquement insaisissable et la personne du saint est le produit d’un phénomène d’historicisation tardive à partir de traditions hagiographiques invérifiables, mises par écrit à partir du XIe siècle ; — il est particulièrement inapproprié de reprocher à Gildas de ne pas être le Grégoire de Tours des Bretons, car son propos est très différent de celui de l’auteur des Dix livres d’histoire ; — son œuvre est une contribution d’importance à l’histoire littéraire du VIe siècle ; elle vient illustrer le genre, assez peu développé, de la “lettre-sermon”, dont le modèle est peut-être à chercher du côté de la lettre aux soldats de Coroticus par saint Patrice ; mais, sur le fond, c’est l’influence de Salvien de Marseille (+ après 470) qui est sans doute la plus sensible ; au demeurant, le DEB constitue un témoignage sur l’existence dans l’île de Bretagne à cette époque de foyers de culture latine, plutôt conservateurs, peu influencés en tout cas par la culture indigène ; — les historiens des origines de la Bretagne continentale doivent se contenter d’une mention furtive concernant l’émigration d’insulaires vers des contrées d’outre-mer : il n’est pas spécifiquement question de l’Armorique et il n’est pas non plus établi, si du moins cela n’est pas impossible, que Gildas ait fait partie de ces émigrés ; — en revanche, les rares traits “civilisationnels” rapportés incidemment par Gildas pour servir son propos, sont particulièrement précieux, car ils témoignent, à l’époque de cette émigration, de la forme de plusieurs institutions et de quelques faits sociaux propres aux populations de l’île de Bretagne : il convient donc de resituer ces notations comme un jalon dans la perspective ethno-historique qui s’ouvre avec le corpus littéraire des auteurs de l’Antiquité et se prolonge avec la documentation médiévale, sans en tirer de conclusions trop péremptoires pour ce qui concerne la Bretagne continentale".

André-Yves Bourgès
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André-Yves Bourgès
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